Wednesday 26 December 2018

Le Shiatsu, ou la Voie de la Grande Santé



La vidéo précédente expliquait à qui s’adressait au fond le shiatsu. Nous avons vu qu’il n’y a pas de restrictions d’espèce, d’âge, de genre, de condition physique, de culture …

Cette nouvelle vidéo explique simplement dans quels cas on peut faire appel au shiatsu.
Comme vous l’entendrez, les possibilités sont très larges et, à tout moment, en toutes situations, le shiatsu peut s’avérer utile dans votre vie. A la base et en tout premier lieu, c’est un outil de prévention. Mieux vaut ne pas attendre les problèmes et faire ce qu’il faut pour rester en bonne santé.




Mais au fait, qu’est-ce que la santé ? Et la maladie ? Et, du coup, quelle est la place du shiatsu dans tout cela ?

Qu’est-ce que la santé ?


La santé, on se la souhaite chaque fois que l’on lève son verre, sans y réfléchir. C’est donc très important. Mais comme toujours, il faut faire attention aux mots que l’on emploie et bien regarder les définitions, voire l’étymologie.

Le mot français santé vient directement du latin sanitas, famille du latin « sanus », signifiant bien portant de corps et d’esprit (voir par ailleurs le proverbe « mens sana in corpore sano », les deux vont ensemble).

L’OMS, qui est l’organisation mondiale la mieux placée pour s'exprimer en matière de santé, donne cette définition : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». (Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats, entré en vigueur le 7 avril 1948).

Cette définition n'a pas été modifiée depuis 1946. On n’a apparemment pas trouvé mieux entre-temps.

Elle est toutefois plus large que la conception couramment répandue et, surtout, génère des associations. Alors, allons-y à la Chinoise et tentons des analogies pour les confronter à la pratique du shiatsu.

Première association : privatio boni 


En cherchant les définitions de santé et maladie, je ne peux m’empêcher de penser au concept théologique augustinien du mal comme étant une « privatio boni », une absence de bien, ce qui a donné lieu à d’interminables discussions théologiques sur la réalité ou non du mal. Le bien existe, mais pas le mal, sauf en tant qu’absence de bien. Deux contraires ne peuvent exister dans une seule chose, dit Augustin.

Jung a beaucoup discuté et réfuté ces affirmations et établi la « complexio oppositorum », l’union des contraires. Quant à nous, à la base du shiatsu, nous avons la vision du YinYang en perpétuel mouvement (voir article précédent). L’opposition et le dualisme ne sont que théoriques vues de l’esprit, la réalité est mélange de différents aspects à des doses changeantes en permanence. Et il n’est pas question pour nous de jugement selon des critères « bien » ou « mal ».

Mais ce qui est intéressant pour nous, c’est qu’Augustin (Enchiridion, chapitre 3-11, traduction anglaise de
ALBERT C. OUTLER, Ph.D., D.D.) part en fait de la santé du corps pour extrapoler à celle de l’âme.

Voici le texte intégral : “dans les corps animaux, par exemple, la maladie et les blessures ne sont rien que la privation de la santé. Quand un traitement est apporté, les maux qui étaient présents (par exemple la maladie et les blessures) ne se retirent pas et ne vont pas ailleurs. Simplement, ils n’existent plus. Car un tel mal n’est pas une substance; la blessure ou la maladie est un défaut de la substance corporelle, qui, en tant que substance, est bonne. Le mal est alors un accident, càd une privation de ce bien appelé la santé. Donc, les défauts de l’âme, quels qu’ils soient, sont des privations du bien naturel. Quand un traitement a lieu, ils ne sont pas transférés ailleurs, mais, vu qu’ils ne sont plus présents dans l’état de santé, ils n’existent plus du tout ».   

Or, curieusement, aujourd’hui, quand on cherche une définition de la maladie, on n’en trouve pas à l’OMS (seulement des descriptions détaillées des maladies existantes), ni dans le dictionnaire médical comme quelque chose ayant une existence propre, mais toujours par rapport à l’état de santé.

Maladie vient du latin « male habitus », signifiant « se trouvant en mauvais état » (Robert étymologique). Cette façon de voir est propre aux langues latines que sont le Français, l’Italien et l’Espagnol, tandis que les langues germaniques et l’Anglais proposent une plus grande variété de sens (disease – illness – sickness).

Mon Larousse Médical, avec d’autres sources, donne comme définition de la maladie : « une altération de la santé (ou des fonctions) d’un être vivant ».

Je ne sais pas s’il y a un lien, mais Saint-Augustin aurait des raisons de jubiler, comme quoi il nous l’avait bien dit. En faisant abstraction du Bien et du Mal : on en est resté à dire que la santé est l’état naturel, préexistant, et puis il y a  des « accidents », des « altérations » à la santé.
 

Deuxième association : Sôteria


La définition de l’OMS va plus loin que l’individu considéré au simple niveau physiologique. Elle inclut les aspects mentaux et les interactions sociales. 
Cela fait penser à la « Sôteria », mot grec que l’on retrouve d’abord dans la mythologie ancienne (divinité allégorique de la sécurité, de la préservation et de la délivrance du mal) et à son pendant masculin « Sôter ». Le fameux anagramme « ichthus » (poisson), pour « Iesus CHristos THeou Uios Sôter » (Jésus-Christ Fils de Dieu Sauveur) inclut d’ailleurs la notion de Sôter pour caractériser le Christ. Les récits rapportent de nombreuses guérisons dues à l’intervention du Christ.

Le mot Sôteria se retrouve dans le Nouveau Testament (écrit en Grec), et renvoie à diverses acceptions du Salut des âmes et des corps : être sauvé d’une maladie physique, du danger, de la contamination des mauvaises énergies ambiantes, de la perdition, des péchés… et jusque dans une dimension eschatologique. Le Sauveur apporte le Salut, c.-à-d. aide à retrouver la santé et traverser le monde et le temps, en restant indemne.

En Shiatsu, ce qui précède n’est pas pour nous étonner. On a coutume de dire que le Shiatsu s’adresse à tous les niveaux de l’être : physique, mental, émotionnel, spirituel… Si la porte d’entrée est bien le corps au travers du toucher (il n’y a pas plus concret que cela), c’est certain que nous touchons à tous les niveaux et toutes les qualités d’énergie, de la plus incarnée à la plus subtile, de la plus figée à la plus immatérielle, de la plus lente à la plus rapide au niveau vibratoire…

Il est clair que le corps énergétique est bien plus grand que le corps que nous percevons par nos 5 sens et que nous travaillons sur ces dimensions également (Bernard Bouheret dit : « corps de souffle »).

Quant aux relations sociales, Ohashi parle lui aussi de la nécessité de considérer l’individu sous ces aspects pour bien le cerner. Nous ne sommes pas des tours d’ivoire, mais le résultat d’une multitude d’interactions, le croisement de fils sur la trame de l’univers. Interrelation, disent les Bouddhistes. On l’observe a contrario : lorsque quelqu’un se rééquilibre, change son attitude intérieure, et son « body language », ses relations avec les autres se modifient automatiquement.

On pourrait dire de Sôteria qu’elle est la grande santé, au sens très large, pas seulement le mental, mais toutes les couches qui nous constituent et notre place sur la trame. En ce sens, le shiatsu s’occupe de la grande santé, ce qui sous-entend une troisième association.

Troisième association : l’écologie du microcosme/macrocosme


La troisième association est en quelque sorte « par défaut ». Il manque dans la définition de l’OMS une dimension fondamentale, mais elle est révélatrice de l’état d’esprit qui a malheureusement prévalu depuis que l’homme a pensé se mettre en dehors de la Nature pour la dominer (avec les monothéismes, puis les prétendus et auto-proclamés philosophes des « Lumières »). Notre shiatsu, dans la ligne de la philosophie des anciens Chinois, inclut l’indispensable lien à la Nature comme faisant partie de la santé, avec, notamment, l’axe Ciel/Homme/Terre et les 5 mouvements (voir article précédent).

Heureusement, l’humanité semble évoluer sur ce plan. L’écologie appelle l’être humain à se remettre à sa juste place. Il y a une écologie planétaire, bien sûr, indissociable d’une  écologie des organes, ou d’une écologie spirituelle… 

Le rétablissement de la santé de l’humain passe par le rétablissement de la santé de la planète. Ces évolutions récentes nous ramènent au microcosme = macrocosme des Chinois. Espérons simplement qu’il soit encore temps.


Quatrième association : « Shen »



Je suis enfin ravi de lire que la santé, pour l’OMS, n’est « pas seulement une absence de maladie ou d’infirmité ». Il ne suffit pas de ne pas être malade pour être bien, mais il faut encore un ressenti de bien-être complet. Complet, cela veut dire qu’il n’y a pas de sensation de manque.

On pourrait bien y voir l’émergence du Shin/Shen, la joie de vivre profonde et naturelle à tout un chacun qui jaillit quand tout est en place et que le Cœur peut régner tel un Empereur Chinois ou Japonais, car tout est à sa place et fonctionne bien.

Un Shen bien présent se voit au rayonnement de la personne en bonne santé, à la joie de vivre qui en émane et à sa capacité de la faire ressentir à ceux qui entrent à son contact. Quand on est bien, on est naturellement et contagieusement joyeux. C’est l’émotion à la base de toutes les émotions : l’émotion d’Etre.

La santé, un état de complet bien-être


Si donc nous mettons ensemble ces quelques sources fondamentales (la moderne OMS, l’Antiquité,  l’Occident, le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient), nous voyons bien les apports à la définition de la santé.
  1. La santé est l’état naturel et initial, primordial
  2. Il convient d’éviter ses « altérations »
  3. Elle est holistique, elle s’adresse à l’individu total.
  4. Cet individu n’est pas considéré comme une entité isolée, mais en interaction avec la société / l’Univers.

Peu importe le style de shiatsu…


Petite réflexion pour les collègues, dans la logique de ce qui précède…

Si la santé est un « état de complet bien-être », on peut se poser la question de la pertinence des discussions que l’on entend parfois dans le monde du shiatsu entre ceux qui disent faire du « bien-être » et ceux qui ont une approche des pathologies. Nulle opposition là-dedans. La santé étant un état de complet bien-être, on peut travailler sur le bien-être uniquement et on améliore donc la santé. Et si on traite les « altérations » à la santé, on rétablit l’état de bien-être. Ce sont des angles d’approche, l’un plus général et l’autre plus symptomatique.

Selon les besoins en présence, mais aussi en fonction de nos affinités personnelles, de nos apprentissages et de nos compétences actuelles, nous utiliserons les deux approches, ou nous en privilégierons une. Au final, les deux sont profitables à la santé, ne s’excluent pas et ne s’opposent pas. 

Nous devons toutefois savoir ce que nous faisons, travailler avec sincérité, dans la justesse, avec la bonne intention, et en dosant correctement technique et intuition. Le praticien doit être bien dans sa pratique, sinon cela se ressent. Le shiatsu, ou la voie de la grande santé, cela vaut pour celui /celle qui traite et celui /celle qui est traité(e).


Revenir à votre état naturel grâce au shiatsu


Le shiatsu, avec ses forts aspects préventifs, son action sur tous les niveaux de l’être, s’inscrit donc parfaitement dans l’entretien et le rétablissement de la santé comme votre état naturel.

Pourquoi faire du shiatsu, donc, eh bien, pour votre bonne santé, soit pour la conserver soit pour la retrouver. 

Et pour les exemples pratiques, je vous renvoie à la vidéo, qui vous parle de prévention au sens large, d’avoir mal, d’être mal… 

Sachant que l’on pourra toujours faire quelque chose et que tout pas, si minime soit-il, vous ramène vers votre état naturel : la santé.




Crédits photographiques :


  • OMS - https://www.who.int/fr
  • https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/
  • Shinmon Shiatsu - www.shinmon-shiatsu.be 

Saturday 24 November 2018

Le Shiatsu, au service du Vivant


Dans la vidéo ci-jointe, réalisée avec la participation exceptionnelle de mon chienchien Manatsu (Tosa Inu, japonais lui aussi), je réponds brièvement aux réflexions que l’on entend à l’occasion lorsqu’on parle de shiatsu. 

Votre interlocuteur est en effet persuadé que le shiatsu n’est pas pour lui, mais pour les autres, c-à-d diverses catégories de personnes auxquelles il ou elle n’appartient en aucun cas.



Or, le shiatsu, d’après ce que je constate tous les jours, a vocation d’universalité et s’adresse véritablement au vivant sous toutes ses formes, sans aucune distinction.
Nous avons déjà dit lors d’articles précédents que toute explication ou justification ne peut rendre véritablement ce qu’est le shiatsu et que seul le ressenti de la personne qui le reçoit (et qui le donne) peut offrir une compréhension profonde. 
Comme le dit Eric Baret (« Le Sacre du Dragon Vert »), la pensée n’a pas de place dans la compréhension. Etre Compréhension n’est pas lié à la pensée, c’est une émotion fondamentale.

Point n’est besoin effectivement de savoir ce que c’est pour en bénéficier. 

Ainsi, je laisse tranquillement certains clients ou clientes âgés écorcher le mot « shiatsu » en quelque chose de très approximatif, ou ne reprend nullement ceux qui restent absolument persuadés que c’est Chinois. L’important, c’est le ressenti, et que cela leur fasse du bien. Ce sur quoi ils sont tous d’accord.

Humains et animaux


On remarque quand même un certain intérêt, actuellement, pour le shiatsu. On en parle plus, des articles et des films paraissent… Notre art s’insère dans des programmes de bien-être, de revalidation, d’accompagnement, jusqu’en milieu hospitalier.


C’est qu’on peut effectivement le pratiquer en toutes circonstances et en tous lieux, dans différentes optiques,  et sur tous les êtres vivants, pas seulement les humains.

Toute une branche du shiatsu s’applique ainsi aux chevaux, animal, on le sait, particulièrement sensible en thérapie et possédant lui-même de fortes aptitudes thérapeutiques (hippothérapie). Les chiens y sont eux-mêmes sensibles. 

Un livre de ma collègue Sylvia Collins (Ecole de Shiatsu Canin Inu Ki) sortira d’ailleurs bientôt à ce sujet, à ma connaissance le premier en la matière. Les chiens peuvent eux-mêmes travailler en thérapeutes, comme en témoignent des expériences menées en maison de repos, avec des enfants, etc. 

Je ne pense pas qu’on puisse limiter la liste des animaux sensibles au shiatsu, car il s’agit bien de toucher bienveillant, et donc d’une communication qui s’établit entre le donneur et le receveur à un niveau où il n’est pas nécessaire de formuler. 

En pratiquant, on s’ouvre toujours plus à l’interrelation avec le vivant. Le fameux « spécisme », de plus en plus contesté, n’est pas d’application en shiatsu.

Nous, humains d’Occident, qui admirons particulièrement notre cerveau gauche hyper-développé, avons malheureusement une nette tendance à tout catégoriser, étiqueter, éplucher, définir (et donc exclure)… et c’est à mettre en veilleuse dès que nous pratiquons.

Il y a ainsi un relent idéologique ou un vague complexe de supériorité qui plane dans certaines couches de la société et selon lequel tous ces « trucs orientaux » ne marchent pas sur les Occidentaux qui ont de bien meilleures méthodes.

L’art du shiatsu est de fait profondément Japonais, et le cadre de réflexion derrière ainsi que la Weltanschauung, comme dit Jung, la conception du monde, sont éminemment Orientaux. Il n’est pas besoin d’étaler la chose quand on travaille, mais il n’est pas question non plus de sortir de ce cadre de référence, des symboles et des valeurs fondamentales qui le sous-tendent, sous peine de diluer, d’affadir, de mélanger. Mais évidemment notre pratique peut toujours venir enrichir le cadre, sans le remettre en question.

Je suis émerveillé de voir que les personnes réceptives à cet art très Japonais sont, elles, très diverses. Quartier Européen de Bruxelles favorisant, évidemment, j’ai déjà reçu des clients de tous les continents, pays et cultures : Belgique, France, Italie, Espagne, Portugal, Croatie, Lettonie, Lituanie, Estonie, Suède, Pologne, Angleterre, Irlande, Roumanie, Grèce, Tunisie, Algérie, Congo, Namibie, Etats-Unis, Japon, Ile Maurice, Brésil… C’est à chaque fois un tel enrichissement !

Ainsi, profondément Japonais dans sa conception et son approche, le shiatsu peut être simplement reçu et ressenti par tous les arrière-plans culturels du monde. Après tout, nous avons tous un corps, et, dès que le mental arrive à lâcher les éventuels a priori, tabous culturels liés au corps, il n’y a plus de problème. Les divisions, c’est le mental.

Une pratique sans âge


La distinction d’âge n’est pas pertinente non plus. La plage est plus large que celle ... du journal Tintin jadis ( de 7 à 77 ans). On ne travaillera évidemment pas les mêmes choses, ni avec la même durée ou de la même façon, mais enfants comme adultes ou personnes âgées aiment le shiatsu. Ainsi, récemment, un enfant de 11 ans qualifié de « remuant » est venu recevoir un shiatsu et est resté sans bouger un quart d’heure par la suite, au grand étonnement de sa maman. Il se sentait simplement détendu. Mon patient le plus âgé a 94 ans, mène une vie active et vient d’éliminer sans trop de mal un lymphome. Le plus pénible pour lui était de se rendre à l’hôpital pour ses traitements. Il a évidemment une excellente immunité à la base, mais il considère que pratiquer le shiatsu met toutes les chances de son côté.

On pourrait même aller ainsi jusqu’au bout de la vie… Favorisant la longévité heureuse, le shiatsu peut également permettre une belle mort, paisible, consécutive à la qualité de la vie qui a été menée. S’endormir pour ne plus se réveiller. Plusieurs praticiens de ma connaissance ont eu l’occasion de donner du shiatsu à des mourants et ont confirmé ses bienfaits pour aider au grand départ.

On peut toujours faire quelque chose


Peu importe également l’état dans lequel on se trouve quand on fait du shiatsu : bien ou pas bien physiquement ou mentalement, stressé ou pas… Quand on me demande « pouvez-vous m’aider ? » et que c’est un cas compliqué, ou que personne n’a pu aider jusque là, je réponds « on peut toujours faire quelque chose ».  Ce n’est pas de l’arrogance, ni une foi absolue en une quelconque pratique magique.

On fera toujours quelque chose, ne fût-ce qu’écouter avec le Cœur, poser les mains avec compassion, apaiser, détendre… On fera, sans attendre, ce qui viendra. Et peut-être qu’ainsi la personne se sentira mieux déjà, même temporairement, ou que le corps se rééquilibrera, ce qui entraînera d’autres changements. On ne sait pas toujours tout le bien que l’on peut faire. C’est pourquoi il faut faire.

Mes voisins européens affichent fièrement « nous travaillons ensemble pour les patients avec des maladies rares et complexes : 24 réseaux, 30 millions de patients, 8000 maladies, 900 équipes d’experts, 300 hôpitaux ! ».

Excellente chose de prendre le problème en mains ! Mais cela veut dire que chaque équipe d’experts va devoir analyser et trouver une solution pour une centaine de maladies rares et que chaque hôpital devra accueillir 100.000 patients. Je ne vois pas comment on va faire, et à quelle échéance, d’autant que les patients souffrent déjà maintenant.

Donc, si quelqu’un se présente avec une maladie rare, par exemple, pour laquelle il n’y a pas de traitement, je pourrai sans doute simplement, sans attendre, l’accompagner, l’écouter, le détendre, le prendre en charge…

C’est le cas également pour les maladies déjà bien connues et parfaitement traitées (sauf dans certains cas évidents décrits sur mon site). Et c’est le cas pour ceux qui n’ont « rien », mais souffrent quand même de leur vie, de circonstances difficiles, de pressions diverses, de perte de sens, d’envie, de motivation… Le shiatsu s’occupe de rétablir l’énergie, quelle que soit la cause de la coupure ou du déséquilibre. Et même si cette cause ne sera jamais identifiée. Il y a, sans doute aucun, complémentarité avec les efforts de la médecine.

Investir dans sa vie, la première priorité


Un collègue me faisait remarquer récemment que quelqu’un qui peut investir 600 EUR dans un smartphone (ou plus) peut bien investir 60 EUR dans une séance de shiatsu. Il est vrai que 10 heures de shiatsu feront plus de bien que quelques années de smartphone quotidien, au final. Mais sans doute ne peut-on plus se passer de smartphone et pense-t-on pouvoir reporter son bien-être.

Plutôt que de relancer un débat sans fin sur les moyens que l’on peut consacrer ou non à soi-même, considérons avec mon ancien professeur de Kyudo que le seul investissement rentable que l’on puisse faire, c’est d’investir dans sa vie. Là est le cœur. Cela permettra d’investir et de s’investir dans bien d’autres combats. Le shiatsu est une façon par excellence d’investir dans ce que nous avons de plus précieux : nous-mêmes.

Le praticien lui-même s’investit. Le shiatsu est très physique. Beaucoup ne ménagent ni leur temps ni leur efforts. Il est juste que la rémunération soit correcte.

Yin/Yang, si on veut faire une distinction


Il reste évidemment toujours cette vague idée condescendante comme quoi le shiatsu est un truc léger plutôt pour les femmes. Laissons tomber les clichés et passons au ressenti, sinon, on n’en sortira jamais.

Les femmes viennent plus nombreuses parce qu’elles sont généralement plus réceptives et plus attentives à leur bien-être que beaucoup d’hommes. Prendre soin de soi et donc des autres… (Dans cet ordre-là :c'est est important).  

La célèbre phrase de Namikoshi réfère d’ailleurs au cœur maternel « shiatsu no kokoro haha no gokoro, oseba inochi no izumi waku, hahaha » (« le cœur du shiatsu est le cœur maternel, si on pousse, on fait jaillir les sources de la vie, hahaha »). 

押指
せ圧
ばの
命心
泉母
湧の
く心



Le kanji « cœur » a quant à lui la forme d’un vase qui contient (entendu de Bernard Bouheret) : réceptivité, ouverture, accueil.

D’un point de vue shiatsu, il faudrait de toute façon arrêter de rentrer dans la différenciation homme/femme, et considérer que nous travaillons pour et avec des êtres humains. D’ailleurs, le kanji HITO, situé entre Ciel et Terre, n’implique aucune différenciation sexuelle et signifie « être humain ».


Il est difficile de ne pas rentrer dans la dualité, mais la seule qui nous concerne est le YinYang, pas le Yin et le Yang, ou le Yin ou le Yang, mais le YinYang, c’est-à-dire cette polarisation fluide d’une énergie unique qui n’est pas statique, en mouvement perpétuel, en nous à tous niveaux. Et donc tous les hommes ou les femmes sont YinYang, avec une part de Yin et de Yang différente et mouvante et lorsque nous travaillons, nous observons et nous rééquilibrons ces mouvements d’énergie.

S’il fallait vraiment se demander qui du Yin ou du Yang est apparu le premier, les textes sont formels : le Yin préexiste, la « faille Yin » apparaît et implique l’apparition du Yang. De même en séance, mieux vaut nourrir le Yin que de s’acharner sur le Yang. Et donc, sachant que, hommes ou femmes, nous sommes composés d’une proportion mouvante de Yin et de Yang, nous pouvons abandonner toute focalisation et tout amalgame. Et nous mettre véritablement au service du Vivant.

Shikantatsu, écrivais-je dans un article précédent. Seulement faire les pressions.

Wednesday 31 October 2018

Combien de fois venir en shiatsu ?


Nous poursuivons notre exploration de différents aspects du shiatsu avec une nouvelle vidéo, consacrée à la question souvent entendue « combien de fois dois-je venir ? ».

A l’issue d’une séance, il arrive en effet que nos clients soit reprennent rendez-vous, soit décident de nous rappeler plus tard, soit nous demandent notre avis sous la forme « combien de fois dois-je venir ? ».



Essayons, comme d’habitude, d’aller au-delà des quelques réflexions générales émises dans la vidéo.

Nous avons discuté dans l’article précédent le fait que rien ne doive et que l’obligation de quoi que ce soit n’est pas pertinente dès que l’on fait du shiatsu.

Il semble toutefois naturel de poser la question de la fréquence des séances. Je me souviens de ma toute première séance de shiatsu chez un thérapeute trèèèèèèès connu à Bruxelles. Au moment de le quitter, et comme il ne disait rien, j’osai lui demander quand je devais revenir, pour m’entendre congédier sèchement sur un « vous n’avez rien ! ». Du coup, cela a pris quelques années avant d’y retourner (mais je n’ai pas été perdu pour le shiatsu).

Ce qui se cache derrière la question « combien de fois dois-je venir ? », c’est la question de la régularité, qui n’est pas propre au shiatsu. 

La régularité, mot-clé de la longévité…


… comme l’exprime Jean Pélissier. L’Univers est régularité, succession de cycles, et notre organisme n’est fait que de cycles (circulation, digestion, sommeil…). Une certaine régularité dans la planification et l’enchaînement de ces cycles est souhaitable, sans tomber pour autant dans l’insupportable habitude. Car, nous dit Jean Pélissier, trop de régularité tue la régularité. Et il importe de garder la notion de « jouissance ». 

Comme discuté dans les précédents articles, nous aligner sur les grands cycles de la Terre et du Ciel nous offre effectivement les meilleures garanties d’une vie longue et harmonieuse.

C’est pareil pour toute discipline que nous pratiquons (physique, intellectuelle, spirituelle…). Nous savons bien que seule la régularité offre les meilleures chances de résultat. Nous le savons bien, mais nous ne le mettons pas en pratique.

C’est clair qu’il vaut mieux méditer 5 minutes chaque jour qu’une heure d’un seul coup une fois de temps en temps, s’entraîner un peu tous les jours à la course ou au vélo plutôt que de se lancer sans préparation dans un marathon dominical, pratiquer tous les jours quelques étirements plutôt qu’à l’occasion…

Les effets d’une pratique régulière


Ainsi du shiatsu : il vaut mieux en recevoir régulièrement plutôt que d’y penser quand c’est trop tard. La régularité est même en fait inhérente à notre art, en tout premier lieu axé sur la  prévention des problèmes.

Ainsi, les receveurs et receveuses qui viennent régulièrement me confirment-ils /elles tous (toutes) que, depuis que cette régularité est installée :

  1. Ils se sentent mieux (la réponse à la banale question « comment ça va » ? est, spontanément, « je me sens bien »)
  2. Certains maux récurrents dans leur corps ont disparu ou se sont allégés
  3. Ils ont une meilleure énergie et un état d’esprit plutôt optimiste. Ce qui confirme bien l’intérêt de faire du shiatsu régulièrement et sans attendre de souffrir de quelque chose.

A quel rythme pratiquer le shiatsu ?


Il n’y a donc certainement pas de « vous devez », pas de règle concernant la fréquence à observer, au demeurant différente pour chacun. Mais le bon sens et l’expérience permettent de dire que :
  • faire du shiatsu une ou deux-trois fois par an ne permet pas d’installer une régularité. Une séance offre des bienfaits à court terme (on se sent détendu, par exemple) et à plus long terme (travail sur l’énergie vitale ou sur un problème donné). Une séance de temps en temps n’offre pas ces bénéfices à long terme, qui se consolident en quelque sorte de séance en séance.
  • Faire du shiatsu une fois par mois environ (même si ce n’est pas une norme absolue) permet par contre déjà de mettre en place les bénéfices à court terme et à long terme. Cela peut être un peu plus ou moins souvent. Il n’est par contre pas nécessaire de venir toutes les semaines.
  • Il peut toutefois être opportun de venir plusieurs fois sur un court intervalle, et ensuite d’espacer les séances. C’est le cas pour les problèmes aigus, survenus récemment, mais aussi pour les problèmes anciens, bien incrustés, mais qui ont besoin d’une forte stimulation pour pouvoir être évacués.



Personnellement, je reçois un shiatsu environ deux fois par mois et m’en trouve fort bien. Pour un praticien, il est impératif de recevoir régulièrement pour pouvoir donner à son tour. Et de ressentir dans notre corps ce que nous faisons, de nous connecter à notre propre ressenti, de nous confier à des mains expertes… J’ai ce bonheur de connaître les bonnes personnes qui me ramènent en mon centre énergétique. Hommage soit ici rendu à ces belles collègues ! Ressenti et délectation, disions-nous, dans un article précédent.

Donc, lorsqu’on me pose la question « combien de fois dois-je venir ? » ou « quand nous revoyons-nous ?  », je ne suis pas trop directif, mais j’explique généralement ces différentes possibilités. Il faut bien dire quelque chose, car « rappelez-moi quand vous voulez » est trop aléatoire. Tant que cela reste au niveau du mental…

Sortir du mental, sinon on n'en sort pas



Car notre mental est ainsi fait que, si on lui confie l’organisation de notre bien-être, il n’en résultera pas grand-chose, voire rien du tout. Le besoin doit, en effet, venir du corps, et alors, c’est gagné.

Constatons simplement comment nous repoussons sans cesse les échéances qui concernent notre santé, voire simplement notre détente ou notre bien-être. Que ce soit un simple rendez-vous chez le dentiste, un check up, une intervention médicale… Ou que ce soit un moment pour soi qui va faire du bien à notre corps (une activité physique, un massage, un shiatsu…), notre mental trouve mille et une raisons de remettre à plus tard, arguant que nous n’avons pas le temps ou que nous nous en occuperons demain, c’est-à-dire jamais.

Il s’agit peut-être, à la base, d’un reliquat de mauvaise éducation qui nous a enseigné que l’effort était une plus grande valeur que le plaisir, qu’il fallait d’abord travailler dur avant de profiter de la vie et qu’il était égoïste de penser à soi. Idioties… Toujours est-il que c’est ancré quelque part en nous.

Le mental n’écoute donc généralement pas les signaux du corps (sauf si on arrive à lui faire très peur) et, à force de remettre à plus tard, il peut arriver que ce soit trop tard, auquel cas le corps manifeste sa désapprobation par une bonne maladie, un épuisement, un burn out, un accident… imposant ainsi l’arrêt des activités.

Il va donc falloir ruser et passer outre aux mille prétextes du mental pour ne pas nous faire du bien, notamment en installant cette fameuse régularité parce que le corps la demande.

Les quatre étapes de tout apprentissage


Il y a tout d’abord, pour les férus d’explications, la prise de conscience de la façon dont nous fonctionnons.

Ainsi y a-t-il quatre étapes à tout processus d’apprentissage :

  1. Incompétence inconsciente : je ne sais pas que je ne sais pas. Je ne suis absolument pas conscient des besoins de mon corps, et donc je ne fais rien pour.
  2. Incompétence consciente : je sais que je ne sais pas. Je suis conscient des besoins de mon corps, mais je sais que je ne fais rien pour.
  3. Compétence consciente : je sais que je sais. Je suis conscient des besoins de mon corps, et j’y travaille consciemment tous les jours. Pour cela, je suis obligé d’y penser, ou je m’y oblige.
  4. Compétence inconsciente : je ne sais plus que je sais. Je n’ai plus besoin de m’appliquer pour prendre soin de moi, cela vient naturellement.

Le quatrième stade est en fait le stade du corps, lorsqu’il reprend sa place, exprime ses besoins et que nous sommes à l’écoute. La régularité est le fait du corps, la pratique régulière nous amène à ce stade.

Donc, plus on fait du shiatsu, plus on en ressent les bienfaits, plus il y a de chances que le corps reprenne sa place. Dès ce moment, la régularité de la pratique s’impose et la prise de rendez-vous devient entièrement autonome. Ce que certains clients expriment en disant « je sentais qu’il était temps de revenir ».


Ainsi par exemple de la pratique du Do In (étirements propres au shiatsu), qui se fait, idéalement, au quotidien. Au début, il a fallu m’obliger à les faire. Ensuite, la pratique est venue naturellement. Maintenant, quand il m’arrive de ne pas pouvoir les faire, la journée n’est pas pareille, je sens dans mon corps qu’il manque quelque chose, il réclame son dû.


Pratiquer et observer : la régularité pour les praticiens aussi 


Et si nous devions trouver un conseil qui soit tout aussi valable pour le praticien que pour les receveurs, ce serait celui entendu récemment d’un ami moine bouddhiste, lors d’une intéressante discussion sur son expérience de la méditation.

Il n’y a que deux choses à faire : pratiquer, et observer.

Cela vaut pour tous les arts, pour notre santé, pour notre développement personnel…

  • Pratiquer, pratiquer et encore pratiquer (donner et recevoir) : c’est l’art.
     
  • Observer ce qui se passe dans son corps pendant et après la pratique, devenir conscient, rendre sa place au corps : c’est le ressenti. 
Comme le dit Eric Baret (« De l’abandon »), il y a encore plus vrai que la conceptualisation, c’est le ressenti. « Revenir à ce ressenti, humblement, simplement, et vous rendre compte que c’est ce qu’il y a de plus haut ».  Peu importe donc ce que disent les livres, les belles théories profondes, « restez tranquille, car il n’y a rien à comprendre ».

Dès que ces deux choses simples cessent d’être compliquées, la vie change. « Bingo », comme disait Maître Kawada.


Et une dernière pour la route… Une cliente a complété la liste la semaine passée par un « je dois » inédit : « dois-je dormir ? ». Inattendu, celui-là, quand même...

Friday 5 October 2018

SHIKANTATSU : de l'art de ne rien devoir en shiatsu


La vidéo de ce jour est consacrée aux questions que l’on me pose souvent en cabinet, comme : que dois-je faire ? Dois-je me déshabiller ? Comment dois-je me mettre ? Dois-je me taire ? J'ai tendance à donner ce genre de réponses. Et comme pour chaque vidéo, c'est l'occasion de réfléchir un peu plus loin.



L’abus du mot devoir

Le point commun à toutes ces questions, c’est le verbe devoir. On nous a inculqué la notion de « devoir » avec le temps. Nous avons des droits et des devoirs, soit toutes les choses qu’on doit ou ne doit pas faire, qu’il faut ou faudrait. Et il y a les bons conseils qui commencent par « tu devrais ». A force d’être bombardés de ce genre de commentaires, nous développons une culpabilité, qui vient remplacer la pure spontanéité heureuse de l’enfant que nous fûmes.

Ainsi, la cliente de ce matin, en burn out et à qui ses bonnes amies disent que cela suffit, 4 mois de pause, et qu’elle devrait recommencer à travailler. La réponse est lapidaire, et évidente, à l’issue d’une longue séance de shiatsu : « on s’en fout des bons conseils».  Merci quand même et parlons d’autre chose. Le ressenti dira quand recommencer et si il faut recommencer le même travail. Le travail du shiatsu amène ce rééquilibrage et ce centrage de la personne qui permet de ne pas donner prise à ce-ceux-celles qui ne nous font pas de bien, même par inadvertance.

« Tu dois », c’est une pression extérieure, quelque chose au fond contre notre gré et qu’une entité souvent abstraite (Dieu, la société, la famille, une loi, un employeur, une croyance, notre éducation, notre « surmoi »…) nous impose par la voix d’autres ou par une voix intérieure, au point que nous ne nous sentons pas bien, si nous n’y cédons pas. « Je dois », c’est le mental qui parle.

Et donc, même quand on vient pour se sentir bien, il semble normal que quelqu’un (le thérapeute, en l’occurrence) décrète que faire ou ne pas faire.

Lorsque le corps reprend sa place, son droit, et c’est ce qui arrive quand on fait du shiatsu, il n’y a plus de devoir qui tienne. Cela se fait « tout seul ». La conception de la vie et la vie changent. Disons qu’on expérimente la constatation que font tant de sagesses, philosophies, religions… Il ne faut rien faire, que s’ouvrir et tout advient « naturellement ». A condition que l’énergie circule librement dans le corps, au sens le plus large.

Comment les Japonais disent « devoir »

Puisque le shiatsu est japonais, allons faire un tour chez les Japonais pour voir comment ils disent « je dois ». Attention, mini-cours de Japonais.

Pour exprimer l’idée « devoir », en langage formel, le japonais utilise l’infinitif à la forme négative, avec le suffixe « nakereba », le « ba » référant à un conditionnel, le tout étant suivi du verbe « naru » à la forme négative, soit « naranai ».
  • Donc, travailler se dit « hataraku ».
  • A la forme négative : « hatarakanai » – ne pas travailler
  • Avec l’idée de conditionnel  « hatarakanakereba » - si ne pas travailler
  • Suivi de la forme négative du verbe « naru » (devenir, advenir), soit naranai.
  • Nous obtenons « Hatarakanakereba naranai », qui, traduit littéralement, signifie « ça n’ira pas si ne pas travailler ». Ce que nous traduisons par « devoir travailler ».


Donc, si je ne travaille pas, il ne va rien advenir, rien se passer (double négation, et constatation de cause à effet). Ce n’est quand même pas ce que nous avons en tête quand nous disons « je dois ». Ici, il n’y a pas de pression.

Formulé à la japonaise, je suis d’accord de dire qu’on doit faire du shiatsu. Tu dois faire du shiatsu exprime : « ça n’ira pas si tu ne fais pas de shiatsu » shiatsu wo shinakereba narimasen »
Ce qui est bien le cas. Si on ne fait pas de shiatsu, ça n’ira pas (aussi bien) dans la vie.


Et comment ils disent "ne pas devoir"


Les plus rigoureux d’entre vous demanderont peut-être si pour dire « je ne dois pas », on utilise alors une triple négation. Que non pas !

« Je ne dois pas » se dit « c’est OK si ne pas », soit une seule négation. Infinitif négatif suivi de la forme « nakute mo ii ». Je ne dois pas travailler – hatarakanakute mo ii desu, soit « c’est OK de ne pas travailler ».

On en déduit que les Japonais sont décidément plus cools qu’on ne veut bien le dire, puisque quand on doit, on considère qu’il ne se passera rien si on ne fait rien et que quand on ne doit pas, si on ne fait rien, ce sera OK quand même. Paradoxal avec la stricte organisation sociétale et le nombre de règles à connaître ou respecter ? Ce n’est pas tant qu’ils doivent, mais plutôt une question de respect, de politesse, d’étiquette et de tenir sa place. So desu. C’est ainsi.  

Donc, en venant en shiatsu, on ne doit certainement rien faire, juste être là et laisser monter le ressenti. C’est un moment d’être dans notre âge du faire, une respiration bienvenue, une ouverture qui se crée, un ressenti qui s’installe.

Les questions subsidiaires

La question principale étant résolue, les questions subsidiaires tombent d’elles-mêmes, évidemment.

Doit-on se déshabiller ? La pratique veut que non. Les illustrations les plus anciennes de pratiques de massage au Japon montrent une pratique habillée. Un client me faisait remarquer que ce serait quand même mieux sans vêtements, mais que c’est impossible à faire vu le danger de connotations et les possibles dérapages. Exactement. Le vêtement léger et souple ne fait en tout cas pas obstacle à l’efficacité du shiatsu. Et il vaut mieux rester habillé car il arrive que votre température descende pendant la séance (Yin, réception), tandis que le donneur a chaud (Yang, action).

Comment doit-on se mettre ? Il vaut mieux se mettre bien, en situation de confort, pour un effet optimal. Donc pas dans une position inconfortable ou douloureuse pour le dos, la nuque, un membre… Je remercie toujours les personnes soucieuses de me faciliter la vie, et donc prêtes à se mettre dans n’importe quelle position, mais ce n'est pas nécessaire. Si quelqu’un ne peut pas se mettre sur le ventre, je m’adapterai pour traiter son dos. Et l’idée comme quoi il faudrait souffrir pour aller mieux ne tient évidemment pas la route.

Quant à se taire ou parler… peu importe. Il y a des personnes qui parlent vraiment beaucoup. C’est que quelque chose s’exprime, se libère à ce moment, ou que c’est leur nature. Il arrive qu’au bout d’un moment, elles ne disent plus rien. On peut rire, pleurer, soupirer, crier, avoir des mouvements désordonnés ou rester immobile… Tout ce qui se manifeste et s’exprime dans l’instant est bon. Tout ce que vous dites m’intéresse, car il y a des mots-déclencheurs ou indicateurs de quelque chose. Et si vous ne dites rien, c’est bien aussi.

En un mot, c’est votre séance, votre moment pour vous. Vous êtes allongé sur le sol, et combien de fois par semaine vous allongez-vous sur le sol, habituellement ? Rien que cela… en fait un moment spécial. En séance, les lois du monde extérieur n’ont pas cours. 

Pas de pression… sauf celle de mes mains sur votre corps. Ou encore : le shiatsu est la pression des doigts, et pas la pression des « doit ».

Et le praticien, doit-il faire quelque chose ? Shikantatsu !

Comme c’est toujours mieux de regarder les deux côtés, y aurait-il quelque chose que nous, praticiens, devons ou ne devons pas faire ? 

C’est pareil. Il y a évidemment l’élémentaire respect et l’étiquette à observer en cabinet. Et puis, être dans le ressenti, laisser aller les mains, dans l’intention, dans la meilleure posture, avec le cœur ouvert et sincère, car « les mains font ce que le cœur commande ». Tout cela ne doit pas : c'est comme ça.

J’aurais envie de paraphraser le Zen Soto, où une pratique s’appelle « shikantaza », ce qui signifie simplement être assis. Nous, c’est « shikantatsu », simplement faire des pressions.

Et si vous n’avez pas encore lu tout ce que cela peut impliquer, je vous renvoie aux articles précédents :





Saturday 29 September 2018

Que signifie SHIATSU ?

Mon ami et collègue Damien Benis partage à son tour son analyse et son interprétation des Kanji SHI et ATSU. A regarder pour affiner votre compréhension de la signification profonde de notre bel art.



Monday 10 September 2018

Au-dessus, en-dessous et autour d'une séance de shiatsu


La deuxième vidéo de la série est en ligne. Elle montre en quelques minutes ce qui peut se passer pendant une séance de shiatsu, comme on ferait une démo rapide à un public de passage. C’est son but. 

On peut expliquer le shiatsu de multiples façons. Mais, quelle que soit l’explication, longue ou courte, rien ne remplacera jamais le ressenti. Les mains se posent, et alors seulement, on comprend, avec tout le corps. 

C’est pourquoi nous devons donner un grand nombre de séances, de démos… afin de toucher le plus grand nombre et de faire ainsi beaucoup de bien autour de nous.



En complément, il m’a semblé intéressant d’explorer ce qu’il peut y avoir autour d’une séance de shiatsu : verticalement, horizontalement et dans toutes les directions. Car de même que dans un film, il y a des plans, en séance, nous sommes traversés par, reliés et connectés à différentes dimensions. Nous sommes certes deux, mais en interrelation.

Donc : zoom arrière.


Vertigineuse verticalité


Humains, nous sommes situés entre Ciel et Terre. Les pieds sur Terre et la tête dans les étoiles, dit-on.

J’ai dans mon cabinet une calligraphie de Maître Ohashi avec le signe « hito », être humain. Ainsi ai-je en permanence sous les yeux que nous nous inscrivons dans le plan vertical et que nous formons le lien entre le Ciel et la Terre.

Dans les articles précédents, nous avons vu tout le sens qu’il y a à analyser les kanji, les idéogrammes. Que voit-on dans le kanji de l’homme ? L’interprétation « le lien entre le Ciel et la Terre » est bien correcte, mais pas nécessairement la visualisation que l’on peut en avoir. 

L’évolution du Kanji dans le temps est trompeuse. Ce ne sont en effet pas deux jambes posées sur le sol et un être sans tête qui sont représentés, mais une personne de profil, avec les bras inclinés à 45°, comme nous le montre la graphie ancienne.  C’est comme si on voyait quelqu’un à distance sur la rue ou dans les champs.

Donc, l’Homme, c’est cette créature redressée qui, considérée à distance, ne peut être confondue avec un quadrupède. « A distance » fait penser à certaines peintures chinoises où il y a toujours dans un magnifique paysage un humain minuscule, qui n’est pas l’essentiel de la peinture. Cherchez-le sur cette peinture. 

La connexion entre Ciel et Terre n’est pas une raison pour se mettre en avant, se grandir et occuper tout le tableau. L’homme, dans sa petitesse, est toutefois un élément indispensable du Tout. Question de perspective.


Pour dire « grand », d’ailleurs, le kanji est aussi un homme, vu de face cette fois,  qui écarte les bras pour indiquer la grandeur autour de lui. 



Ce n’est pas l’homme qui est grand, mais son ressenti de la grandeur du monde qui l’entoure. 

Faites l’exercice de lever les bras au dessus de la tête et de les étendre à l’horizontale, jusqu’à tenter de toucher l’horizon de chaque côté, et vous ressentirez cette ouverture de la poitrine et cette extension des bras à l’infini… C’est cela, la sensation de « grand ». Face à un beau paysage, c’est magique.


Et pour dire « le Ciel », on rajoute un trait au-dessus, comme pour dire, voilà, c’est le sommet, il n’y a pas plus grand que cela.


Les Chinois décrivent le Ciel et la Terre comme étant les limites supérieure et inférieure du monde manifesté, par rapport à l’Homme, observateur et nécessairement à la place centrale. Notre place est donc bien « entre Ciel et Terre ».

Suivre les lois du Ciel et de la Terre


« Tout vient du Ciel et le Ciel commande », dit-on. D'un point de vue cosmique, c’est évident. Le Ciel n’a pas besoin de la Terre ni de l’Homme, mais la Terre et l’Homme ont besoin du Ciel et des énergies cosmiques. Le Ciel est le don total et désintéressé. Le Soleil envoie ses rayons sans rien attendre en retour.

Si l’Empereur de Chine était appelé le fils du Ciel, c’est parce qu’il était en charge des affaires du Ciel. Il devait accomplir les mouvements rituels garantissant le maintien de l’harmonie de l’Univers. L’Empereur du Japon est toujours désigné du nom de Tennô, Empereur céleste.  


Et donc, il n’est d’autre « DO », d’autre Voie pour l’Homme que de suivre le mouvement éternel du Ciel et de la Terre. Si nous pratiquons cela, selon la discipline qui nous convient le mieux, nous faisons partie de l’harmonie de l’Univers. L’état actuel du monde montre ce que cela donne quand nous ignorons les lois de la Nature.

Bernard Bouheret, dans ses stages, parle souvent du Ciel dans la pratique du shiatsu. Le donneur a la tête ouverte au Ciel. « Le Ciel est touché par les hommes sincères ». Et oui, on peut appeler le Ciel en travaillant, dans un moment compliqué ou en demande d’inspiration : tout de suite la qualité de l’énergie change. Appeler le Ciel n’implique pas d’appeler l’une ou l’autre puissance céleste, mais de s’aligner, de s’ouvrir et de laisser passer l’énergie du Ciel.

Si nous parcourons l’axe Ciel/Homme/Terre, nous voyons que le Ciel est qualité, la Terre est quantité. La Terre est la manifestation, la matière en transformation perpétuelle et l’impermanence. L’Homme a pour mission de nourrir la Terre et d’observer le Ciel. Les deux énergies, ascendante Terre et descendante Ciel, se réunissent en l’Homme. C’est pourquoi on peut dessiner le symbole de l’Infini au niveau de l’Homme.

Le point ES 25, commun au méridien de l’Estomac et au vaisseau Ceinture (croisement axe vertical et horizontal), ne s’appelle pas pour rien « Tensu » - Charnière Céleste. C’est le point du corps où l’énergie du Ciel va au plus bas. C’est également le point BO du Gros Intestin. On pourrait se croire au cœur de la matière, mais il y a là encore une parcelle d’énergie céleste.

Le Ciel et la Terre se rejoignent en l’Homme. Cette subdivision ternaire « Terre-Homme-Ciel » se retrouve à tous les niveaux, comme l’indique le docteur Serge Desportes dans ses excellents livres. La structure ternaire est la plus fondamentale des structures de l‘Univers.

Ainsi, le Ciel,  l’Homme et la Terre ont-ils chacun une subdivision Ciel/Homme/Terre. Il y a donc 9 subdivisions sur l’axe vertical, 9 niveaux hiérarchisés du temps. L’Homme a une partie Ciel et une partie Terre. Au centre, pile au chiffre 5 est « l’Homme de l’Homme ».




Retenons les chiffres 9 (3X3) et 5, ils vont nous intéresser pour la suite.  

Résumons :

  • Ciel : qualité, essence, temps, infini, cercle
  • Terre : quantité, substance, espace, fini, carré
  • Homme : concilie en lui tous les contraires, crée une différenciation ou polarisation dans l’Unité et participe des deux.




Se délecter des formes, être relié au Ciel



Comme le dit Alain Daniélou (dans « Shivaïsme et Tradition primordiale ») « l’espèce humaine est porteuse d’un double héritage : celui, génétique, de son être physique qui perçoit les formes extérieures et s’en délecte, mais fait aussi partie du décor et celui, initiatique, de la connaissance ».

N’est-ce pas ce que nous faisons en shiatsu ? Il y a la forme. Le shiatsu est très physique, nous touchons au plus concret. Nous faisons partie du « décor ». Le mot « délectation » est très approprié. Quand on se délecte, c’est tellement bon que l’on en ferme les yeux. A chaque fois, j’ai cette délectation à toucher, à pratiquer. C’est si bon ! Et en même temps, il y a cette dimension « initiatique », qui est du domaine du monde révélé, ce que nous savons, percevons de l’énergie qui en nous relie au Ciel.

Nous touchons à la fois au plus concret du plus concret et au plus subtil du plus subtil. C’est pour moi une des grandes spécificités du shiatsu : en touchant, on accède à tous les niveaux de l’énergie du corps, au sens très large. Se tenir dans l’axe vertical implique de faire sans cesse appel au tangible et à l’intangible, au génétique et à l’initiatique. Les deux sont indispensables. Y faire appel au moment opportun est notre privilège d’humains.

Elevés, mais au sol



Laissons le Ciel pour nous intéresser au Sol sous nos pieds et nos genoux.

Nous avons vu (article précédent dans ce blog) que le mot même shiatsu contient le Kanji de la Terre, toutefois dans sa dimension verticale : la pierre dressée, le mouvement Yin vers le haut, l’élan vers le Ciel.

Ce n’est pas cela que nous considérons ici, mais l’organisation de l’espace. Si le Ciel a pour symbole le cercle, la Terre est le carré.

Les anciennes pièces de monnaie chinoise (les sapèques de bronze) étaient rondes comme le Ciel avec un trou carré comme la Terre au milieu et représentaient donc un petit condensé de l’univers, avec une face vide (Yin) et une face où apparaissait en relief le nom du Fils du Ciel (Yang). (Cyril Javary, le Discours de la tortue). De plus, les deux idéogrammes du nom du Souverain étaient placés sur l’axe vertical, manifestant ainsi la dimension Ciel-Terre instituée pour le bien du peuple, tandis que  les caractères « monnaie » sur le plan horizontal sont le niveau des affaires humaines et des trésors en circulation. Ainsi, la modélisation de l’Univers était-elle rappelée en permanence à tout qui avait un sou en poche.

Ce symbole carré vient peut-être de la curieuse (et destructrice) propension de notre cerveau gauche à tracer des lignes droites et à clôturer pour s’approprier l’espace, alors que la Nature montre peu de lignes droites. Il faut à nouveau regarder le kanji de la rizière pour voir d’où cela vient. Et nous mettre dans la position centrale de l’observateur sédentaire cultivant son lopin de terre ou sa rizière, « TA ou DA », qui s’écrit comme ceci. 

Encore aujourd’hui, les écritures japonaises, kana et kanji, s’inscrivent strictement dans des carrés semblables. Pas de débordements dans l’organisation de sa feuille et du monde.

Cette propension à mettre la Terre au carré marque une rupture par rapport au Ciel. J’ai vu en effet au Japon à Takayama la reconstitution d’une rizière primitive, ronde avec un pieu au milieu. 

Le « Kurumada » était planté en cercles concentriques autour d’un pieu symbolisant les kami (axe vertical) et le riz planté de cette façon  leur était spécialement dédié. La nourriture céleste répond aux lois du Ciel, la nourriture terrestre aux lois de la Terre.

La subdivision en carrés va loin, puisque, nous dit Marcel Granet (« La pensée chinoise »), « Yu le Grand parcourut et mesura… arrangeant le sol qu’on put enfin mettre en culture, c’est-à-dire qu’on partagea en champs, lesquels étaient carrés et divisés en neuf carrés ».

D’où l’organisation de l’espace en huit directions cardinales et sous-cardinales, sans oublier le centre, où se trouve l’observateur, lieu de la pierre plantée.

Posés sur notre carré

Il y a peu de maisons circulaires, ou de pièces d’habitation circulaires. En shiatsu, nous travaillons au sol sur un tapis carré ou rectangulaire. J’utilise trois tatamis qui forment un « carré allongé ». Nous voici donc clairement inscrits dans cette antique spatialité. En général, nous nous mettrons au centre de notre tapis, pas au bord, et donc « au lieu de la pierre plantée ». Cette disposition satisfait sans doute notre besoin de nous situer précisément en un lieu, et permet, par ailleurs, comme le regard du paysan chinois de jadis, de nous tourner dans toutes les directions, de nous mouvoir autour de notre receveur.

Dans les 8 directions, rien n’est immobile. Tout, en nous et autour de nous, participe au mouvement perpétuel de l’Univers, à l’impermanence des phénomènes, à l’alternance Yin/Yang dynamique et cyclique, antagoniste et complémentaire. Cette impermanence génère 5 modes d’expression de l’énergie : ce sont les 5 mouvements.

5 mouvements

Deux Kanjis expriment l’idée des 5 mouvements. 五行

Le Kanji 5 nous intéresse par sa graphie ancienne, puisque 5 est le centre, l’endroit en l’Homme où, sur l’axe vertical, se rencontrent les énergies du Ciel et de la Terre (voir schéma plus bas).

Le Kanji de droite se compose de deux parties, à gauche « avancer le pied gauche pour faire un pas », à droite « ramener le pied droit ». Il s’agit donc bien de marcher, et d’ailleurs le verbe « aller », IKU, s’écrit de la même façon.

Il y a donc mouvement, dynamisme. Trop d’ouvrages mentionnent encore la traduction « 5 éléments », ce qui donne une idée fausse de matérialité statique (cfr. le tableau des éléments de Mendeleev).

Pas des élements, et pas 4

Dire 5 éléments génère d’ailleurs d’interminables discussions sur le fait qu’il n’y en a pas 5, mais 4, comme nous ont dit les Grecs. Il vaut mieux éviter une telle discussion, car elle contient pas moins de  quatre erreurs : 
  1. Nous venons de voir qu’il ne s’agit pas, étymologiquement, d’éléments dans la pensée orientale.
  2. La traduction « éléments » est tout aussi erronée concernant le système grec terre-eau-air-feu. Selon Marc Halevy, traduire 4 éléments n’est pas correct. La théorie d’Empédocle a découvert que tout ce qui existe peut s’offrir à l’expérience selon quatre modalités : Solide (terre)   Liquide (Eau) Gazeux (air) Lumineux (Feu)
     
  3. Certaines écoles grecques tenaient par ailleurs compte d’une cinquième modalité, (la fameuse quintessence) à savoir l’Ether, qui correspond au Ciel et qui a été évacué par la suite. Le lien au Ciel a été coupé, exactement comme dans l’évolution de la structure de la rizière.
  4. On ne doit pas opposer,on peut tout à fait raccorder le modèle grec à 4 et le modèle chinois à 5. Ainsi, Maud Ernoult, dans son « Manuel complet de médecine chinoise et de shiatsu », présente-t-elle comme suit le modèle d’Hippocrate.

    Dans sa théorie des humeurs, il observe le corps et l’esprit selon ces quatre modalités :

  • Air/Printemps/type sanguin – correspond au Bois
  • Feu/été/type colérique – correspond au Feu
  • Terre/Automne/type mélancolique – correspond au Métal
  • Eau/hiver/type lymphatique – correspond à l’Eau

Il est juste intéressant de constater que, dans les modèles grecs, une fois il manque le Ciel, une fois il manque la Terre au centre. L’Homme a vraiment perdu, au cours de son évolution, la conscience et la reconnaissance de sa connexion Ciel/Terre.  

5 mouvements, 5 chiffres, et de multiples déductions

Pratiquant le shiatsu, nous considérons qu’il y a bien 5 mouvements qui sont des caractéristiques de l’énergie. Il nous est en effet impossible de faire l'économie du centre, qui est la Terre : 

  1. Eau : conservation et écoulement vers le bas.
  2. Feu : chaleur et mouvement ascendant 
  3. Bois : croissance, impulsion 
  4. Métal : Décroissance, tendance à trancher et restreindre
  5. Terre : production, transformation  



Il y a une raison à l'attribution des chiffres.
  1. Un l’Eau car le fondement de toute manifestation
  2. Deux le Feu, car il est ambivalent (lumière et chaleur)
  3. Trois le Bois, car le ternaire évoque tout phénomène visible de la vie (Yin, Yang et leur relation)
  4. Quatre le Métal, car il est par contre « sans vie » (les Japonais évitent de prononcer quatre « shi » car ce son est le même que celui du verbe « mourir », ils disent « yon »).
  5. Cinq la Terre-Mère, au centre, le Centre indifférencié, le moyeu de la roue.


On peut, à l'infini, jouer avec les caractéristiques des 5 mouvements, par exemple, les points cardinaux :
  • La Terre est bien au centre
  • Nord, Eau : le froid et l’humidité viennent de là, on leur tourne le dos
  • Sud, Feu : on se tourne par contre vers le Feu, l’Empereur
  •  Est, Bois : l’énergie Yang monte, l’énergie Yin décroît
  • Ouest, Métal : l’énergie Yin monte, l’énergie Yang décroît

Notez que le Sud est en haut, car le Feu monte, et le Nord en bas, car l’eau descend. Mais aussi, on se tourne vers l’Empereur qui est le Feu. Aujourd’hui encore, cette disposition cardinale est parfois utilisée. Je suis tombé ainsi une fois à Tokyo sur un plan de ville avec le Sud en haut, ce qui m’a valu de partir du mauvais côté.

Le carré magique

Une autre lecture ajoute la Terre à chaque mouvement, c’est la disposition en carré magique de trois. Souvenez-vous de la division de la Terre en 9 carrés. Rapportons-y les 5 mouvements et nous obtenons un schéma que nous a partagés jadis Kawada Sensei et qui correspond au cycle d’engendrement des 5 mouvements.

A chaque mouvement on ajoute la Terre (chiffre 5). L’eau 1 +5 la Terre = 6, donc 1-6 et ainsi de suite. De cette façon, le mouvement Terre, l’Intersaison, le recentrage, l’assimilation et en quelque sorte la digestion de la période qui précède sont pris en compte avant d’évoluer vers la suivante. Et il y a bien sûr l’Intersaison majeure qui suit la fin de l’été /mouvement Feu.



5 mouvements dans tout


Le docteur Serge Desportes (« Les cycles du Ciel et de la Terre ») nous rappelle que le symbole « 5 mouvements » est à l’origine de toutes les classifications astronomiques, du comportement rituel, de l’organisation sociale, des vertus civiques, des devoirs impériaux, de l’organisation psycho-physiologique en médecine et, en fait, de toutes les questions sur l’organisation et le fonctionnement de la dynamique vitale sous toutes ses formes.

La théorie des cinq mouvements constitue, selon le Pr Eric Marié (in « Précis de Médecine Chinoise ») une méthode de classification de l’ensemble des objets et des phénomènes.  Ils sont des étapes particulières dans les mutations du Qi, interdépendants et en permanente relation, reliés entre eux selon 4 modalités (cycles d’engendrement, de contrôle, d’exploitation et d’outrage).  

Laissons là les grilles de lecture...

Les 5 mouvements nous permettent de réconcilier en une même lecture les axes vertical et horizontal. Nous les retrouverons partout, dans le diagnostic, les types physiologiques, les méridiens, les directions, les saisons, le cycle circadien et… en nous-mêmes.

Reconnaissons l'intuition géniale des Chinois, capables de synthétiser ainsi l'essence de l'Univers en un système qui fonctionne à tous les niveaux. 

Ainsi de nous, sur notre tapis, entre Ciel et Terre, posés sur le Sol, participant à ces mouvements permanents de l'énergie en nous et autour de nous.

Il n'est pas nécessaire de se rappeler tout cela en travaillant, mais, simplement, de nous sentir en harmonie avec le Tout, dont nous ne sommes pas séparés.

A notre juste place.

Quand nous nous positionnons sur le tatami et que notre client s’allonge, il y a tout cela. Vertigineux et enthousiasmant ! Zoom arrière, disais-je en commençant. Je ne m'imaginais pas aller jusque là.

Comme je dis à mes client(e)s : « le shiatsu, c’est formidable ».

De bonnes lectures


  • Docteur Serge Desportes : L’homme sous le Ciel – Les signes et les origines – Les cycles du Ciel et de la Terre
  • Professeur Eric Marié : Précis de Médecine Chinoise
  • Alain Daniélou : Shivaïsme et tradition primordiale
  • Maud Ernoult : Manuel complet de médecine chinoise et de shiatsu
  • Cyril Javary : le discours de la tortue
  • Marc Halévy : les mensonges des Lumières