Tuesday, 30 August 2022

Le dizain de neige – Un Bun Shin de Clément Marot



Dizain
 : forme poétique ancienne

Clément Marot : poète français de la Renaissance

Bun Shin : une des 4 formes de diagnostic oriental

L’Eau et le Feu : les deux premiers éléments des 5 décrits en Orient.

Shiatsu : ma pratique.

Pensée analogique : relier des choses en apparence très éloignées dans une même compréhension.

On y va ?



Musique !

 
Tout est parti de ce très joli poème de Marot mis en musique par Lise Borel. Ecoutez-la d’abord et lisez ensuite.



Coup de cœur ! Lise Borel (1993) est une jeune compositrice française qui pratique tous les genres avec talent et grande inventivité, la chanson française ou anglaise, le conte musical, la polyphonie a capella ou carrément la musique liturgique. Elle y ajoute un grand sens de la filmographie. Découvrez ses clips sur Youtube.

Intérêt d’écouter de la musique ? On ne dira jamais assez que le Shiatsu, étant au premier chef un art, a tout à voir avec l’art, certainement musical.

+ Texte


Lise Borel ressuscite en quelque sorte la grande chanson française, qui consiste à traduire en mélodies les meilleurs poèmes. Ici, c’est Clément Marot, célèbre poète français du 16ème siècle , dont on nous dit qu’il joignait ‘une tête vive à un bon cœur’. Il devait avoir le feu du  Shen qui s'exprimait librement.


On en lisait au Collège quand la 5ème s’appelait encore l’année de Poésie. Démarche intéressante d’aller exhumer des textes qui n’ont rien perdu de leur pouvoir poétique, mais que plus personne ne lit.

Démarche qui a sa pertinence dans notre métier également, on découvre des pépites.

C’est un dizain, dix vers de dix pieds, pour ceux qui aiment la symbolique des chiffres.

Marot nous dit donc ceci (en vieux Français, c’est compréhensible et très joli)

Anne (par jeu) me jecta de la Neige,
Que je cuidoys froide certainement:
Mais c’estoit feu: l’experience en ay je,
Car embrasé je fuz soubdainement.
Puis que le feu loge secrettement
Dedans la Neige, où trouveray je place
Pour n’ardre point? Anne, ta seulle grâce
Estaindre peult le feu que je sens bien,
Non point par eau, par neige, ne par glace,
Mais par sentir un feu pareil au mien. 

Elégant poème d’amour que l’on peut toutefois lire depuis la pratique du Shiatsu. Car de même qu’il y a la forme et la manifestation (l’amour de Marot pour Anne d’Alençon), il y a les éléments, et l’énergie qui anime tout cela.

Prêts pour le grand saut ?

+ lecture Shiatsu sur l'Eau et le Feu


Anne par jeu : le rappel que tout est jeu dans l’échange d’énergie, dans les rapports entre hommes et femmes, l’indispensable légèreté de l’être qui nous manque tellement ces temps-ci . Les Indiens disent ‘lîla’, le jeu divin ;

La neige que je (cuydais) pensais froide, le ressenti premier et superficiel que nous pouvons avoir du monde ;

Mais c’était feu, c’est l’expérience que j’en ai : nous entrons dans la sensation, le ressenti, le cœur de notre métier.

Quand les client(e)s me font part de leurs sensations, pour eux parfois nouvelles, incompréhensibles, étranges ou ‘anormales’, je les ramène à leur sensation et non à leur compréhension : toutes les sensations sont bonnes et correctes. Il s’agit d’entrer dedans et de les laisser s’exprimer. Si donc la neige est feu, c’est parfait.

Puisque le feu loge secrètement dedans la neige : nous voilà dans le YinYang au-delà (ou plutôt en-deçà) de l’apparente opposition des éléments : le Feu dans l’Eau, la chaleur dans le froid, l’impalpable dans la matière…

Pourquoi associe-t-on, au fond, le désir lié à l’énergie des Reins à l’Eau, alors que la perception générale est que le désir est Feu ? Si ce n’est que l’Eau Rein gauche se combine au Feu Rein droit, pour créer le mouvement perpétuel de l’énergie vitale, comme l’explique si bien l’idéogramme du Ki. Il y a aussi que la poussée de l’élan vital se situe au Koshi.

Où trouverai-je place pour n’ardre point ? (ne pas brûler). Question cruciale par nos temps de sécheresse où l’eau semble avoir disparu dans sa fonction de domination et d’opposé : l’Eau éteint le Feu. Quand nous brûlons, faut-il espérer l’Eau ?

Non, nous dit Marot, ça ne va pas aller, quel que soit l’état de la matière ‘non point par eau par neige ni par glace’, puisque tout cela contient du Feu.

Cela se fera ‘par sentir un feu pareil au mien’, le feu rencontrant semblable feu fusionne avec lui et en quelque sorte disparaît. Dans un contexte amoureux, je vous laisse à vos expériences pour savoir si la fusion est la solution. 

Dans un contexte énergétique, nous avons deux pistes :

  • 'Sentir un feu', on est de niveau au niveau du ressenti. Cela indique la perte de l’identification à et de la contraction de l’ego, en quelque sorte la perte de contours que m’évoquent parfois les client(e)s après une séance : ‘c’est comme si j’avais perdu mes contours’. On est passé dans l’état fluidique non opposé au monde extérieur mais qui se coule en lui.

  • La participation mystique, chère à Levi-Strauss et si souvent rappelée par Jung, peut apporter le soulagement. Savoir que d’autres brûlent du même feu que moi et souffrent semblablement peut apporter un apaisement. Nous sommes ici rappelés aussi en quelque sorte à l’interrelation chère aux Bouddhistes, mais au niveau du ressenti, pas de l’idée.


= Diagnostic Bun Shin


En fait, nous venons de faire un ‘Bunshin’. On traduit le mot lapidairement par ‘diagnostic par l’ouïe et l’odorat’. Mais comme d’habitude, il faut aller voir un peu plus loin. M. Masunaga attire notre attention sur la signification profonde de ces kanji :

Bun – entendre, écouter, demander, composé des caractères ‘oreille’ et ‘porte’ comme si on écoutait à la porte

Shin – checkup, examen, diagnostic, composé des caractères ‘parole’ et ‘rendre clair’

Et donc la traduction complète serait : énoncer clairement ce qu’on pense en cherchant à entendre quelque chose d’indistinct.

En écoutant et réécoutant Marot mis en musique par Lise Borel est apparu ce d’abord imperceptible parfum de justesse et la compréhension s’est ensuite dessinée et affinée : Bun Shin.

Ainsi, lorsque nous pratiquons, nous écoutons les langages, des mots et du corps et à un moment, peut-être, une conviction se fait jour. C'est un processus que nous pouvons certainement appliquer en cabinet. 


A vous de conclure !


Je vous laisse tirer les conclusions

1. Je vire à l’obsessionnel en voyant du Shiatsu partout. Mais le Shiatsu n’est-il pas une compréhension de la Vie, et des flux d’énergie qui la traversent ? Et donc partout.

2. Notre tradition occidentale comporte des compréhensions très semblables à celles de la réflexion orientale, il suffit d’être attentifs et de cesser d’opposer.

Chercher les pépites dans le lit boueux de la rivière...

Bonne pratique et bon ressenti.





Monday, 15 August 2022

Cesser de jouer avec le Feu

Réflexions sur nos désordres intérieurs



Quelques années de sécheresse, dont celle-ci particulièrement intense… et voilà qu’à nouveau le monde des phénomènes, dont l’humanité est un phénomène particulier, s’agite dans tous les sens.

Car tout est impacté : l’environnement où nous vivons, l’agriculture, la vie quotidienne, le fonctionnement de nos systèmes, la santé, l’avenir…

Les pensées s’agitent, selon les croyances et les idéologies : réchauffement climatique ou non, anormal ou normal, la faute de l’homme ou pas, la fin du monde ou pas… tous les scénarios se juxtaposent et s’entrechoquent.

Combat d’idées, défenses d’intérêts particuliers, visions contradictoires… d’un extrême l’autre, comme ce climat trop sec et trop chaud trop longtemps, puis trop humide trop vite.

Incendies, puis inondations. Avons-nous perdu la voie médiane, le sens de la mesure, l’équilibre vital ? En nous comme à l’extérieur de nous…

Ou cet apparent ‘extérieur à nous’ est-il quelque part le reflet de notre monde intérieur conflictuel, déchiré et déséquilibré ?

Ne dit-on pas, dans certaines Traditions, que le monde est le reflet de nos pensées, ou encore que le monde est tel que nous l’imaginons, le projetons ?

Utilisons deux-trois bases de réflexion propres à notre pratique du Shiatsu pour voir si cela nous mène quelque part.


Regarder avec le Coeur


Deux poids, deux mesures… Il y a ceux qui vivent l’enfer au quotidien et il y a ceux qui regardent ou en entendent parler. Ce n’est pas pareil du tout.

Le plus urgent est de survivre… dans l’urgence précisément. Si, en Belgique, le temps reste relativement clément, d’autres régions pas si lointaines ont subi des cauchemars. Comme l’écrit une amie, dont la forêt proche est calcinée :  On avoisine les 40°c depuis 48h. Intenable. Des amis ont perdu leurs maisons, leur forêt. Le ciel est jaune gris depuis hier. Le soleil tout gris. Et la lune ce soir s'est couverte d'un voile ocre. Notre paysage millénaire de sable blanc est en train de disparaître’.


Terrible réalité de milliers d’humains qui devrait nous inciter, non à commenter, mais à ressentir. Terrible sentiment d’impuissance. Et horrible constat : combien de temps faudra-t-il pour tout rétablir ?

A la fois, la Vie est anéantie, les plantes, les animaux qui ne demandaient rien. Et en même temps, la Vie est là. L’année après la bombe d’Hiroshima, les arbres repoussaient contre toute attente. Aujourd’hui, les écoliers japonais donnent des graines des premiers arbres ayant survécu à la bombe et les arbres poussent dans le monde entier, symboles d’espoir. J’ai vu en Dordogne un de ces descendants d’Hiroshima.

Hommage à ceux qui se battent ainsi pour leur monde, leur terre, leur forêt et pour maintenir la Vie.

C’est la première leçon : ressentir, se laisser toucher au Cœur. La sécheresse du Cœur embrase aussi la Terre.

Prendre du recul et arrêter de s’agiter


Sorti de l’urgence, il y a le recul nécessaire et alors seulement vient la réflexion.

Voir qu’il y a toujours eu sur notre planète des épisodes climatiques extrêmes, glaciations et sécheresses. Les scientifiques reconstituent ainsi peu à peu les diverses extinctions de masse, les épisodes climatiques qui à chaque fois ont à peu près éradiqué la vie sur Terre, ou ont modifié les écosystèmes pour des millions d’années.

Fragilité et modestie : il suffirait que la Terre change légèrement sa course autour du Soleil pour nous précipiter tous en enfer. Ou qu’une météorite nous percute. Ou que la lune  change sa course. Invitation à vivre pleinement cette fragile Beauté qui nous est offerte tous les jours, dans un esprit de gratitude.

Plus proche de nous, l’Histoire du Climat écrite par Emmanuel Leroy-Ladurie, qui a scruté les documents des derniers siècles, démontre l’avancée et le recul des glaces, de la chaleur, les impacts sur les cultures… Globalement, nous vivons une embellie depuis le début du néolithique avec des variations locales parfois importantes.

Quelques années de sécheresse ou d’humidité, de chaleur ou de froid ne pèsent guère dans la balance, si on prend 10.000 ans comme époque de référence où l’humanité a commencé à laisser des traces significatives.

Nous laisserons cela aux historiens et scientifiques, chercheurs si possible indépendants de tout groupement d’intérêts, pour conclure que, à ce stade, vraiment, nous ne comprenons pas et ne savons pas.

Pas la peine de s’agiter et de vouloir régler en quelques années des facteurs tellement complexes et intriqués qu’ils échappent à notre compréhension. Il faudra dire ça aux media.

Intuition intellectuelle


Tentons plutôt d’exercer notre intuition intellectuelle, càd notre capacité à relier des facteurs très multiples et à sentir où cela peut bien nous mener.


Qu’il y ait un impact humain est certain. Un indice en est le retour très rapide de la vie sauvage lorsque l’homme est resté chez lui lors du confinement de 2020. Il va falloir diminuer notre pression (démographique, économique, écologique…) sur la planète, nous faire plus discrets, plus légers, moins visibles. Moins pesants.

C’est toute la question du rapport à la Nature tel que les traditions primordiales, les religions anciennes (le Shintô, par exemple) nous l’enseignent encore aujourd’hui, si nous voulions seulement écouter.

Laisser notre conscience planétaire émerger, plutôt que laisser les ego individuels tenter de perdurer à tout prix sans surtout rien changer.

Beaucoup trop de Yang


En tant que praticien(ne)s de Shiatsu, nous pourrions aussi réfléchir selon le cadre de pensée qui sous-tend notre art.

Le YinYang est une première piste.

La Yanguisation de l’humanité atteint maintenant des sommets. Depuis qu’on connaît l’humanité (à de rares exceptions près), le Yang expansionniste, conquérant, destructeur progresse à grands pas. C’est là plutôt le fait des hommes (entendez une énergie de type masculin) qui entendent surimposer leur monde, celui qu’ils imaginent dans leur tête, au monde existant. Aménager le territoire, assécher les marais, canaliser les eaux, surexploiter les ressources, contrôler, asservir, planifier… Comportement de pillard et de prédateur. Tout cela, c’est plutôt du Yang qui a perdu son Yin. Car le Yin nourrit, protège, fait grandir. Le Feu c’est le sommet du Yang. L’Eau, c’est le plus profond du Yin.

Je ne généralise pas, je l’observe comme une tendance qui se répète sans cesse depuis des milliers d’années et ne se remet pas en question. Trop de Yang : ça brûle. Trop de Yin : tout est inondé.


Le Ciel est Yang, c’est le domaine de l’immatériel, de l’impavide, d’un prétendu immuable, qui n’a pas besoin de la Terre pour vivre. Et en même temps, pas de Terre sans Ciel, et pas de Ciel sans Terre, pas d’immatériel sans la matière.

Il y a toujours un retour de balancier, une fois à l’extrême Yang on retourne en arrière. La question est : quand surviendra ce point de retour tant attendu par des esprits déjà éveillés ?

Il me semble que c’est une question de manque de ressenti. L’esprit a décidé de se couper de la Nature, c’est le début des problèmes. Bien entretenu par certains mythes bibliques, le rationalisme, le scientisme, avec pour résultat de ‘dominer la Terre’.

Je comprends maintenant le mystère de l’Incarnation comme le désir du Ciel de ressentir la condition humaine. Les Indiens disent que les dieux nous envient, car ils n’ont pas nos sens humains pour ressentir.

Nous nous prenons pour des dieux sans en avoir les capacités : erreur fatale.  Le mythe de la Genèse dit d’ailleurs : ‘vous serez comme des dieux’. Déconnectés.

La solution dans le Yin ?


Le Yang étant action, faut-il se tenir tranquille pour rétablir l’harmonie ? ‘Pratique le non-agir et tout restera dans l’ordre’ (Tao III). Ce qui consiste, selon Marc Halévy (Citations taoïstes expliquées), à ‘se placer dans la dynamique du Tao, en harmonie avec ses forces et puissances, avec ses mouvements et ses intentions, avec ses rythmes et ses pulsations’.

En d’autres termes, il s’agit de revenir à notre juste place qui est celle de jardinier de la Terre et non de programmeur qui va corriger le programme d’origine. Visiblement, le système d’origine fonctionne mieux dès qu’on n’intervient pas.

Tout restera ‘dans l’ordre’, poursuit Marc Halévy et non ‘en ordre. Il ne s’agit pas d’un ordre figé, rigidifié, hiérarchisé, mais d’un ordre fluide, vivant et souple’. De nouveau, les aspects YinYang avec la prééminence au Yin.

Car, si préséance il faut définir, elle va clairement au Yin.

L’Esprit de la Vallée


L’espoir réside peut-être dans le mystérieux ‘Esprit de la Vallée’ du chapitre VI du Tao ‘l’Esprit de la vallée ne meurt pas’.  Pour Halévy, c’est le destin cosmique qui est d’accomplir tout. Et le destin de chaque existence est de participer à ce destin cosmique,  ‘accomplissement toujours vivant, toujours cherchant, toujours créant’.

Et donc, si chacun a son destin individuel, la notion d’harmonie prend racine dans cette convergence des destins  individuels en un destin collectif qui se transcende dans le destin global et cosmique qui est l’accomplissement du Tao.

Et Halévy de conclure que les philosophes présocratiques ou stoïciens ne disaient pas autre chose lorsqu’ils préconisaient de ‘vivre selon la Nature’.

Notez que l’esprit se situe au fond de la vallée, là où l’énergie coule selon sa pente naturelle, et non sur le sommet d’une montagne.

Vivre pleinement notre destin individuel en le laissant suivre sa pente naturelle est donc la seule chose à faire. De nouveau : le travail sur Soi. Et tout cela convergera comme il se doit.

Inochi


J’y vois pour ma part Meimon, le point VG4, traduit ‘porte de la vie’, mais qui s’écrit en fait
命門  , le premier mot étant prononcé ‘Inochi’, lorsqu’il n’est pas associé à un autre kanji.


Inochi, c’est  la Vie, mais dans le sens d’un destin. Destin, mot à fuir au sens occidental (fatum), bien plutôt la destinée au sens de la destination, la vie qui va vers une finalité.

Nakazono, dans son livre ‘Inochi’, affirme ceci : ‘
nos ancêtres ont saisi l’ordre complet de la manifestation de la vie humaine comme un passage de l’a priori à l’existence réelle de l’être vers les phénomènes universels a posteriori, pour revenir à l’a priori. C’est le cycle complet de la manifestation universelle’.

Quand on dit « Inochi », on entend donc bien plus que l’espace entre la naissance et la mort d’un individu, mais plutôt l’énergie vitale, non-manifestée puis manifestée, ou, si vous préférez : Ciel Antérieur et Postérieur. La Vie avec une majuscule.

En travaillant Meimon, nous travaillons le Koshi, stimulons l’élan vital, accompagnons l’énergie vitale vers sa destination. La vitalité est la manifestation de la vie, le contraire de l’annihilation. Le retour à l’Esprit de la Vallée qui ne meurt jamais.

Meimon, c’est aussi l’endroit où se réunissent l’Eau (Rein gauche) et le Feu (Rein droit), produisant la vapeur vitale, le cycle éternel de l’Eau, des nuages et de la pluie, matérialisé ensuite dans l’idéogramme Ki.

Un second outil de compréhension de nos paysages intérieurs et extérieurs sera la relation entre l’Eau et le Feu.


L’Eau et le Feu


Sécheresse, incendies, témoignent d’un déséquilibre : manque d’Eau qui donne libre cours au feu.

L’Eau est l’élément primordial, sans lequel la Vie n’existerait pas. L’Eau nourrit le Bois et éteint le Feu.

L’Eau porte le numéro 1, le Feu le numéro 2. Elle vient en premier.

Trop d’Eau ou trop de Feu engendrent des pathologies extrêmement bien décrites par la Médecine Chinoise : sécheresse et humidité internes et externes.

Laissons de côté la Peur, propre à l’Eau, et considérons sa polarité vertueuse.


Nous intéresse plutôt ici la Relation entre l’Eau (nr 1, les Reins, Sei) et le Feu (nr 2, le Cœur, Shin) sur l’axe vertical.

Situés aux antipodes (Extreme Yin / Extreme Yang) et de mouvements opposés (l’Eau descend, le feu monte), on voit que dans la Nature l’Eau vient à manquer et ne contrôle donc plus le Feu, l’élan vital du Bois est détruit et précipité dans la Terre sous forme de cendres. En quelque sorte inversé, de nature Métal. Bien sûr, il renaîtra, mais la situation est en déséquilibre.

Reprenant l’idée que le déséquilibre externe reflète aussi un déséquilibre interne, on voit que le déséquilibre Eau / Feu est dû à la relation perturbée entre les Reins et le Cœur. Le Rein gouverne l’Eau qui doit nourrir le Cœur, le Cœur doit réchauffer l’Eau des Reins. Ils ont pour rôle de se nourrir mutuellement et non de s’opposer.


Sur l’axe Jing Qi Shen (Sei Ki Shin), si l’Essence est faible, l’Esprit est affecté. Si l’Eau vient à manquer, le Feu s’emballe. Axe vertical, flux d’énergie innée perturbée.

Tout étant finalement des modalités du Ki, on pourrait aussi examiner la relation Ki/Ketsu (Ki/Sang), par laquelle un sang de mauvaise qualité (donc mal nourri) affecte la clarté du Shen (de l’esprit). Autre base de réflexion, par l’Energie acquise cette fois.

Le Feu qui ravage la Terre par manque d’Eau est éteint à grands renforts d’Eau pompée sous la Terre. C’est un cycle de contrôle utilisé à son maximum et qui ne peut être qu’exceptionnel, car il ne reflète pas la relation vitale normale entre Eau et Feu.

La question étant : comment rétablir l’équilibre ?

Que faire dans notre pratique ?


Nous, praticien(ne)s de Shiatsu à genoux dans nos cabinets, n’avons, sauf exception, que peu d’impact sur le cours extérieur des choses.


Peu d’entre nous sont pompiers volontaires, décideur politique, gestionnaire de territoire, garde des Eaux et Forêts, homme de terrain avec la mission quotidienne de préserver le patrimoine planétaire pour les générations futures.

Nous avons toutefois pour mission d’accompagner et de nourrir l’élan vital des personnes qui viennent nous voir, de nourrir, de préserver le Yin, de nous assurer que la relation Eau / Feu, Reins / Cœur fonctionne bien, que l’harmonie vitale s’installe chez nos receveurs…

Nous posons les mains et aidons équilibre et harmonie à se réinstaller.

Nous avons aussi des outils de compréhension, de réflexion et de vision pour notre planète. Nous avons, comme tout le monde, la faculté de matérialiser le monde que nous voulons voir exister. A notre niveau et là où nous sommes.

Là où nous sommes, c’est à notre juste place : entre Ciel et Terre, ni trop Ciel ni trop Terre, avec l’accès aux deux. Observer le Ciel et nourrir la Terre.

Le spiritualisme comme 3ème Voie ?


Revenons pour terminer à l’Esprit de la Vallée qui ne meurt pas. Selon Marc Halévy, dire l’Esprit de la Vallée, c’est poser un spiritualisme opposé à l’idéalisme et au matérialisme.

Il pose la question du cœur de la réalité du réel (Je résume ici ses conceptions)

  • L’idéalisme, c’est le monde des Idées de Platon, puis le christianisme : la réalité est l’imparfaite réalisation d’idées parfaites d’un autre monde immatériel.

  • Le matérialisme nie un ‘autre monde’ et dit que tout émane par hasard un peu magique d’un fond énergétique nommé ‘matière’.

  • Le spiritualisme dit que tout émane  d’une intention fondatrice, d’un désir originel dont tout procède.

Le Taoïsme se réfère à l’Esprit de la Vallée comme la puissance du Tao à tout mener à son plein accomplissement.

Vu que, pour les deux premiers concepts, on a déjà donné et que cela n'a pas vraiment marché, peut-être pourrait-on essayer le troisième ? Libérer l'élan vital en nous et à travers nous...

Vision rassurante que ‘tout est bien’, quoi que nous en pensions, et matière à réitérer sans cesse notre gratitude et notre confiance.