Ce blog sur le shiatsu vous propose de découvrir les multiples facettes du shiatsu. Le cabinet de shiatsu, installé dans le quartier Schuman à Bruxelles, vous permet de ressentir ses bienfaits sur votre santé.
Si la médecine occidentale s’intéresse au rythme circadien à cause des processus physiologiques liés à la lumière du jour et aux saisons (le Prix Nobel de Médecine 2017 a même été décerné à des travaux sur l’horloge biologique), il y a longtemps que les Orientaux ont remarqué que le cycle de distribution du Ki dans le circuit des méridiens suit un schéma horaire.
C’est ainsi qu’ils ont divisé la journée en douze périodes
et associé à chaque période un organe ou une entraille, représenté(e) par un
méridien, et donc une certaine qualité d’énergie.
A noter qu’il ne s’agit pas d’ailleurs de 12 périodes de
deux heures, mais bien de douze heures, la journée étant divisée en 12 dans la
Chine antique. 12 heures, 12 animaux du Zodiaque, 12 méridiens…
Le tableau circadien
Pour rappel, les méridiens se répartissent comme suit sur l’horloge
circadienne :
Poumon : 3h-5h
Gros Intestin : 5h – 7h
Estomac : 7h – 9h
Rate/Pancréas : 9h – 11h
Cœur : 11h – 13 h
Intestin Grêle : 13h – 15h
Vessie : 15h – 17h
Reins : 17h – 19h
Maître de Cœur : 19h – 21h
Triple Réchauffeur : 21h – 23h
Vésicule Biliaire : 23h – 1h
Foie : 1h – 3h
A partir de là, on peut commencer à associer.
L’heure du Bœuf n’est
pas l’heure du Tigre
Prenons l’heure du Bœuf, entre 1h et 3h du matin. Au Japon,
c’est l’heure où les Yôkai sortent, les êtres mystérieux, Oni, Kappa, Tengu, serpents, dragons, fantômes, gardiens et objets ensorcelés… Il vaut donc mieux dormir à cette heure-là pour ne pas faire de mauvaises rencontres. D’ailleurs, toute la Nature dort et est immobile à ce moment.
Chez les humains,c’est l’heure du
Foie, qui effectue le grand nettoyage du corps. Un Foie perturbé peut d’ailleurs
provoquer rêves abondants et cauchemars. Les démons se promènent à l’extérieur
et à l’intérieur. Si nous avons une activité quelconque à ce moment, même
intellectuelle, le Foie ne pourra pas remplir sa mission de nettoyage et nous
nous retrouverons avec des toxines dans le corps, d’où fatigue, raideurs, lever
difficile, migraine, mauvaise humeur, colère …
L’heure des Poumons, ou heure du Tigre suit de 3h à 5h. Le
Tigre peut passer en quelques secondes d’un sommeil apparent à une activité
débordante (comme les chats). Son énergie puissante est disponible à la moindre
sollicitation. Les Poumons sont le début de la vie, le premier inspir, la prise
d’énergie nouvelle et le nettoyage des toxines également. C’est le moment où l’esprit
est bien clair et tranquille. Ce n’est pas pour rien que les moines Zen
commencent à méditer à trois heures. Le Poumon commence la journée, c’est l’organe
le plus important, le Premier Ministre.
5h – 7h est l’heure du Gros Intestin (Lièvre), fonction
similaire aux Poumons, mais ancrée dans la matière. Les naturopathes ont raison
de nous dire que le lever est le meilleur moment pour aller à selle. L’Intestin
évacue tout ce dont le corps n’a pas besoin en début de journée. On se sent
léger et d’attaque.
Et ainsi de suite pour chaque période.
Un bel outil pour
nous comprendre et nous respecter
Le rythme circadien établi par la Médecine Chinoise est donc
un outil intéressant :
pour comprendre les mouvements de l’énergie, ses
enchaînements et le fonctionnement des organes dans notre corps. L’heure à
laquelle certains symptômes apparaissent peut par exemple nous aiguiller vers
un organe précis.
pour harmoniser nos activités le mieux possible à
cette circulation de l’énergie dans le corps. Ne pas travailler quand il vaut mieux dormir ou le contraire, par exemple.
pour devenir conscient, de manière générale, de
la qualité d’énergie de chaque moment de la journée et de notre interrelation
aux cycles diurnes, nocturnes, saisonniers, astrologiques, astronomiques…
Se baser sur l’heure
solaire
On constate donc un afflux d’énergie à des heures constantes
sur les méridiens (heures de plénitude normale de l’énergie) et ces heures sont données en heures
solaires.
Donc à l’heure qu’il est réellement selon la position du
soleil à un endroit donné, car les Anciens ne connaissaient pas d’autre heure.
Jusqu’il y a peu, quand un client me parlait d’un symptôme
et que je lui demandais s’il pouvait y associer une heure précise, je me
contentais de déduire une heure en hiver et deux heures en été, histoire de
retrouver « l’heure solaire ».
Mais ce n’est pas juste. Je dois en
effet savoir à quelle heure le soleil passe au zénith pour définir midi. Et je
ne peux pas le savoir en regardant ma montre.
L’inexactitude de nos
montres
Quand il est midi à ma montre, il n’est pas midi pour le
soleil, car l’heure de la montre est réglée par des conventions internationales
(le temps UTC, ou GMT). Ce temps, basé sur la division de la planète en
méridiens (temporels, ceux-là, les fuseaux horaires), me donne l’heure qu’il
est légalement dans mon fuseau horaire (+ 1 par rapport à Greenwich), mais pas
l’heure exacte à l’endroit où je suis, ici et maintenant.
On a en effet défini – au début du XXème siècle - une heure
légale, basée sur le méridien de Greenwich, qui est l’heure solaire vraie + 3
corrections :
L’équation du temps, qui tient compte de la
course irrégulière de la Terre autour du soleil, mais on fait comme si elle
était toujours égale à 24 heures (temps solaire moyen);
La correction de longitude, 4 minutes par degré,
qui permet de passer au temps solaire universel ;
La correction « Eté – Hiver », pour
nous +2 heures et + 1 heure par rapport à Greenwich (GMT), qui permet de passer
à l’heure légale.
Ce qui a pour conséquence qu’en fait, nous ne savons plus jamais quand il
est vraiment midi. Déduire 2 heures en été et 1 heure en hiver n’est pas
correct, sauf si nous habitons à Greenwich. Nous nous trouvons en effet en
Belgique quelque part entre le GMT et le GMT +1.
Au fait, pourquoi a-t-on abandonné l’heure solaire vraie
depuis une petite centaine d’années ? A cause du « progrès », de
la rapidité des déplacements, et pour des raisons d’hégémonie politique.
Imaginez
le carnage pour un simple horaire de train.Midi en temps solaire vrai ne tombe pas au même moment à Paris et à
Bruxelles. Alors, combien de temps met le train ? Et quelle heure
choisit-on pour l’arrivée ? Dans un sens il va plus vite que dans l’autre,
alors qu’en fait non..
L’heure solaire vraie est celle du cadran solaire, ou du
clocher qui sonnait midi quand le soleil passait juste au zénith. Elle rythmait
la vie du village, les pauses dans les champs, les prières des moines…
La
perdre, au même titre que des rythmes de vie saisonniers, nous a fait perdre un
peu plus … le Nord.
Le bonheur d’être connecté
… à l’Univers
Mais c’est ainsi. N’empêche que pour mes shiatsu et en
tant qu’habitant du système solaire, j’aimerais connaître l’heure solaire vraie.
Je n’ai pas de cadran solaire, ni les capacités d’un astronome pour calculer
tout cela.
La réponse est dans … mon smartphone. Car, évidemment, et
pour d’obscures raisons, on a inventé des applications qui restituent l’heure
solaire vraie de l’endroit où on se trouve, géolocalisation aidant.
Ainsi, j’ai
installé « Solar Time Free », qui me donne l’heure vraie à tout
moment. La différence pour Bruxelles en été est d’environ 1h45 en avance sur le
soleil. En hiver, elle sera inférieure à 1 heure.
Question d’exactitude
et d’alignement aux rythmes du Ciel
L’avantage pour le shiatsu ? Je ne peux plus me tromper
dans ma recherche des organes à la base d’un symptôme en rétablissant l’heure
solaire vraie, qui est à la base de l’horloge circadienne.
Détail de quelques minutes ? Chipotage ? Dans notre monde toujours plus déconnecté de la
Nature, des saisons, des mouvements des astres, il me semble souhaitable de
coller le plus possible aux mouvements de l’Univers et de faire abstraction des
conventions humaines.
Microcosme = macrocosme, notre corps est régi par les
mêmes lois, à retrouver et à observer.
Et j’aime savoir quand il est exactement midi, ce moment où
la journée culmine et où l’énergie bascule lentement d’un Yang croissant vers
un Yin croissant, un imperceptible changement d’énergie, certes, mais en pleine
conscience.
Tant qu’à être connecté, autant que ce soit à l’Univers…
Dans notre recherche de définition du shiatsu, il est
fondamental d’essayer de comprendre l’étymologie des mots.
Contrairement aux
langues indo-européennes, l’étymologie n’est pas à chercher dans une langue
plus ancienne, mais dans la compréhension des Kanji, c’est-à-dire des
idéogrammes en présence.
Il s’agit donc de regarder, les idéogrammes étant à la base
la transcription graphique de l’observation de la réalité, épurée et stylisée
ensuite par des siècles d’utilisation. Regardez par exemple l’évolution des caractères chinois (de gauche à droite).
(source www.pragmaticmom.com)
De la bonne lecture
des kanji
Les malheureux Occidentaux débarquant en Chine et au Japon au
temps des colonies ont eubien du mal à transcrire cette représentation du
monde dans leurs langues syllabiques où les mots ne représentent en rien ce que
l’on voit. Quand on dit « lune », ni« lune », ni « lu » ni « ne » ne veulent
dire quelque chose. Par convention, on a appelé cet objet « lune ».
Un Oriental, lui, dessine la lune. C’est une différence fondamentale.
Ajoutons le fait que certains concepts occidentaux étaient
(et sont toujours) absolument étrangers à la pensée orientale, que ce soit
« Dieu », « religion », « bien et mal »,
« immuabilité", « perfection » ou même … « je » ou
« zéro ». Et quand on dit « un », on ne voit pas la même
chose !
Incapables de s’ouvrir à une pensée différente de leur cadre de référence
chrétien, soucieux d’évangéliser et de démontrer que leur Dieu était universel,
les Jésuites et leurs successeurs ont donc accumulé de grossières erreurs de
sens et d’interprétation, cherchant à tout prix à faire rentrer l’Orient dans
le christianisme…
Aujourd’hui, heureusement, les sinologues et japonologues remettent
tout cela en question et s’attachent à rectifier. Mais il circule encore des
idées fausses sur la pensée orientale.
Sachant cela, quand nous voyons un kanji, trois règles sont
donc d’application :
Regarder, et voir ce qu’il éveille en
nous ;
Ne rien voir qui n’y soit pas culturellement
;
Ne pas se baser toujours sur ce qu’ont dit les
autres, car il est possible qu’ils aient mal traduit (en fonction de leur cadre
de référence).
SHI, et puis ATSU
SHI ATSU est un terme récent, datant de moins d’une centaine
d’années. Pour le créer, on a associé deux caractères existants, parmi les
quelque 7.000 qu’il faut pouvoir déchiffrer pour être un bon connaisseur de la
langue japonaise. Pour lire le journal, on se débrouille avec 2.000.
Nous avons SHI 指, traduit communément par « doigt ». Et
puis ATSU 圧 :
traduit communément par « pression ». Donc, shiatsu = pression des
doigts.
On pourrait s’en satisfaire, mais de temps en temps, il vaut
mieux vérifier le communément accepté,
que tout le monde répète d’article en article sans vérifier ses sources.
C’est Damien Bénis, praticien français, qui a attiré mon
attention à l’issue du dernier stage de shiatsu sur sa perplexitépar rapport à
la traduction communément acceptée, à son sens trop peu nuancée. Ce qui m’a
donné envie de creuser.
SHI, plus en détails
Dans les Kanji, il y a des racines et des clés de lecture.
On voit bien que SHI 指se compose
de trois caractères juxtaposés.
A gauche, YUBI : le doigt – dérivé de la
clé « main » qui s’écrit comme ceci quand il n’est pas associé :
手.Dans d’autres associations de ce signe dérivé de la main, on
trouve comme significations : direction, conduite, chef d’orchestre,
commandant, chef, empreinte digitale, ordre, observation…
La partie de droite se compose de deux signes, se prononçant
SHI ou MUNE, et signifiant : intention, objet, directives, teneur…旨
Le signe du dessus, 匕pris séparément, signifie « cuiller »,
ou « ustensile servant à manger ».
Le signe du bas est moins clair.
Certains y voient une bouche. Mais la bouche n’est en aucun cas barrée d’un
trait et s’écrit 口. Ou alors, quand elle est barrée d’un trait, la
signification est « amai », doux, savoureux, ce qui s’écrit comme
ceci 甘. Mais le
caractère fait plutôt penser à « jour », « soleil » 日.
Donc, ce qui se traduit par « doigt » contient
comme signification :
Main/intention, si on se limite à deux parties
Main / Cuiller / doux, ou Main/ ustensile/ jour,
si on s’amuse à disséquer la deuxième partie.
Donc, « doigt », indépendamment de tout contexte
shiatsu d’ailleurs, c’est la main avec une intention, un objet.
En effet, on
emploie ses doigts pour faire quelque chose : travailler, jouer de la
musique, tenir des objets… « Doigt », c’est la main dès qu’elle
fait quelque chose. Remarquez qu’on n’a pas précisé quel doigt. Nous employons
beaucoup nos pouces, mais on n’a pas retenu le nom « pression du
pouce », auquel cas on aurait employé le kanji « oyayubi » 親指.En shiatsu, par conséquent, on
utilise LES doigts, en tant que parties agissantes de la main.
Le doigt a l’intention de faire quelque chose. Damien Bénis,
à l’origine de cette réflexion, met cet aspect en avant également. Il précise
que « Le caractère
exprime également le fait de montrer du doigt, ce qui évoque l’aptitude à
percevoir et à mettre à jour qui sera utile dans le diagnostic ».
ATSU, plus en détails
Deuxième kanji, ATSU, que l’on traduit par « pression,
domination » et qui s’écrit 圧
On voit bien les deux parties, de nouveau. La clé signifie
« falaise ». Sous « falaise », nous trouvons le sol, la terre,
qui s’écrit 土.
Pression, domination se lit donc en fait falaise / terre, ce qui
est une curieuse juxtaposition verticale.
« Falaise » renvoie aux
falaises de la grande plaine centrale de Chine le long du fleuve jaune, où
effectivement se trouve le centre même de la terre de Chine et de sa
civilisation jadis agricole. On ne voit pas la falaise quand on est dessus (à moins d'être à l'extrême bord), mais dessous, et on regarde vers le haut.
« Terre » mérite que l’on regarde les
anciennes graphies, qui nous parlent d’un monticule de terre, comme un tertre
funéraire. Certains relient à un phallus dressé (ce qui est un pléonasme). J’y
verrais bien un menhir.
Donc, bien que le caractère signifie
« pression » (vers le bas), ses éléments indiquent un mouvement vers
le haut, en un endroit « tellurique »qui n’est pas innocent (on
n’enterrait pas les gens n’importe où), sous une falaise, donc protégé, à
l’ombre.
Nota bene : avoir la Terre dans le nom shiatsu me suffit pour
conclure qu’il faut travailler au plus près du sol.
L’intention « vers le bas » émise par le mouvement des
doigts appelle une réponse « vers le haut ». Les vortex vont, c’est
évident, dans les deux sens. Un kanji « Yang » en haut, un kanji
« Yin » en bas, car n’oublions pas qu’à l’origine, les Japonais
écrivent de haut en bas. Tout semble à sa place.
指
圧
L’interprétation
de M. Masunaga
M. Masunaga, un des fondateurs du shiatsu moderne, érudit et
chercheur honnête, donnait déjà pour sa part une interprétation dans son livre
« Shiatsu et médecine orientale » :
SHI, idéogramme désignant les doigts de la main composé du
caractère .. symbolisant la main et du caractère … qui correspond au son
« Shi » de la lettre, signifiant littéralement
« ramification », « se ramifier », « se diviser »,
désignant les doigts.
Atsu, tenir, maintenir et également pousser, presser, lettre
composée des deux parties … « couvrir » et … venue du pictogramme ,
image d’un tertre élevé en l’’honneur des
divinités de la Terre, signifiant « Terre », l’ensemble
signifiant étymologiquement « couvrir avec de la Terre » et de
là : tenir, maintenir, presser.
Ce n’est pas tout à fait pareil. M. Masunaga était
particulièrement méthodique dans ses recherches et, de plus, Japonais. On peut
donc penser qu’il comprenait bien l’origine de sa langue maternelle. Il met en
avant certains aspects.
Et
d’autres très récentes…
Il y a ainsi beaucoup d'analyses des Kanji "Shiatsu". J'en ai encore lu deux récemment.
Damien Bénisconclut que « Nous pouvons également traduire le mot Shiatsu par l’intention
du donneur de comprendre et d’apaiser en offrant un espace de transition d’énergie
au receveur, cela par l’intermédiaire de ses mains. En outre, le mot Shiatsu
semble bien refléter cet art, qui semble en apparence d’une simplicité extrême,
mais qui est le fruit d’une grande sagesse et d’un savoir faire millénaire
issue de la culture orientale".
Ivan Bel, dans son article
sur la signification de « shiatsu », analyse l’origine
chinoise des caractères et traduit « la dague des mains tranche pour faire
de la lumière » et « fabrique de la terre avec ses mains », ce
qui peut se justifier par le choix d’une option de traduction des différentes
parties des kanjis.
Interprétation valable, dans un sens alchimique, où la
pression des doigts permettrait de faire jaillir la lumière du corps, soit
rétablirait la primauté du « Shin » en enlevant les déséquilibres,
tout en produisant un résultat concret.
Ces deux analyses sont déjà des choix, qui correspondent, il est
vrai, à ce qu’on peut constater des effets du shiatsu.
Il me plaît pour ma part de
rester « en-deçà » et de simplement méditer la juxtaposition et
l’imbrication des significations partielles et globales des Kanjis, ainsi que
leur mouvement général.
Doigt /intention - De haut en bas
Falaise /Terre (tertre) - De bas en haut
Et donc, en s’en tenant à ce minimum, shiatsu signifie quelque
chose comme « l’intention des doigts en action vers le bas suscite une
réponse de la matière vers le haut ».
Il est bon de simplement méditer de temps en temps ces
représentations et de laisser se clarifier en nous ce qui se passe quand nous pratiquons.
A partir de là, les possibilités sont infinies, comme pour tout mouvement de l'énergie dans l'Univers. Partant de l'Un, nous atteignons les 10.000 Etres.
Il arrive que l’on me pose la question en cabinet : au
fond, c’est quoi, le shiatsu ? Cela vient d’où ?
Karma, peut-être. Maître Ohashim’a dit, un jour : « tu dois
accueillir dans ton cabinet des avocats, des médecins, des professeurs… des
grands intellectuels qui ont besoin de beaucoup d’explications.»
Volontiers, mais
la séance de shiatsu est un moment précieux, qui permet justement d’éteindre
Radio Mental pour laisser venir le ressenti, permettre au corps de reprendre sa
place.
Inversement, je pose parfois la question à quelqu’un qui vient
pour la première fois : « Vous avez déjà fait du shiatsu ?
Savez-vous ce que c’est ? ». Car on voit bien que certaines personnes
s’attendent à recevoir un massage à l’huile, ou ont déjà fait « du
shiatsu » sur leur lieu de vacances. Ou encore, elles ne savent pas du
tout ce que c’est, mais on leur a dit que c’était bien. Dans ces cas-là, je me
limite à expliquer comment on va travailler.
Belle confiance ! Beau lâcher !Peu importe ce que
c’est, au fond, c’est le ressenti qui compte, en fin de séance et sur la durée…
La pratique avant
tout !
Un matin, un homme
avait pris rendez-vous et je le vis arriver avec son fils. A ma grande
surprise, le père désigna le futon au fils et lui dit que cela lui ferait du bien.
Réticence… car il vaut mieux que l’initiative vienne de la personne qui veut
être traitée. Mais là, personne n’avait le choix. En traînant les pieds, le
fils s’installa, n’ayant de surcroît aucune idée de ce qui allait lui arriver.
Nous fîmes une séance, il me posa quelques questions… J’appris par la suite
que, rentré chez lui, il était parti courir, ce qu’il n’arrivait plus à faire
depuis un moment, car il avait des problèmes d’asthme et d’articulations. Et
que pendant plusieurs jours, il resta intarissable d’éloges sur le shiatsu
auprès de ses amis, demandant pourquoi ce n’était pas plus connu et reconnu.
Effectivement : pas besoin de savoir ce que c’est, et
pas besoin d’y croire pour en ressentir les bienfaits.
Si, en séance, on peut en rester là, c’est magique. Pour le
praticien : juste poser les mains, et travailler dans la posture et
l’intention justes. Pour le client : juste recevoir.
Le shiatsu est d’abord essentiellement une pratique. Le
ressentir parle plus qu’une explication. Je pratique est mieux que j’explique.
Néanmoins, nous tentons ici une définition. Et donc…
Explication courte
Voyez la vidéo sur le channel Youtube Shinmon Shiatsu, qui tente
de répondre par l’essentiel à la question « qu’est-ce que le
shiatsu ? »
.
Si vous n’avez jamais fait de shiatsu, vous pouvez commencer
par là.
Ensuite, ou si vous souhaitez approfondir tout de suite,
continuez ci-dessous.
Comprendre le
sens : regarder les idéogrammes
Pour tout ce qui vient d’Extrême-Orient, que ce soit Chinois
ou Japonais, il existe une façon très simple d’aller au cœur de la
définition : analyser les idéogrammes.
Les idéogrammes sont des dessins stylisés, épurés par des
milliers d’années d’utilisation. Ils représentent, montrent. Un Oriental voit
ce qu’on veut dire, il n’agglomère pas en mots des syllabes vides de sens. Peu
importe la prononciation des idéogrammes : il suffit de les regarder pour
se pénétrer de leur sens.
Dans le cas de Shiatsu, nous en avons deux, prononcés SHI et
ATSU, que l’on traduit généralement par « doigt » et « pression ».
Et donc le shiatsu, c’est une pression des doigts. Traduction communément
acceptée.
Les idéogrammes plus complexes sont toutefois composés de
radicaux, porteurs de leur propre sens. C’est le cas de SHI – ATSU.
Faire cette
analyse ici alourdirait l’article.
Pour creuser toutes les subtilités que l’on
peut découvrir derrière « pression des doigts », je vous invite à
aller à l’article connexe.
Chercher les origines
et les influences
Il faut savoir quele nom shiatsu est une invention récente,
qui n’a même pas encore 100 ans.
Par contre,les racines du shiatsu remontent
très loinet sont très diverses :
Médecine traditionnelle chinoise (MTC), méridiens, points, diagnostic, nature et mouvements de l'énergie...
Taoïsme (Yin/Yang et 5 éléments)
Shintoïsme ( conception holistique, aspects
« Shin », importance de la Nature, Kototamas)
Arts martiaux (travail avec le hara, déplacements…)
Et même des influences
occidentales, puisque la médecine occidentale était déjà répandue au Japon lors
de l’apparition du terme « shiatsu ».
Pour connaître toute l’histoire, consulterl’article
très documenté écrit par Ivan Bel sur son site Ryoho Shiatsu.
Quand on dit que l’on fait du shiatsu, il y a donc ces
multiples influences à divers degrés… et d’autres un peu obscures. Monsieur
Masunaga lui-même, dans son livre « Shiatsu et Médecine Orientale »,
avoue ne pas bien arriver à démêler les origines du shiatsu, apparu pourtant de
son vivant, tant il y avait au Japon à cette époque un bouillonnement d’initiatives
et de recherches en tous genres…
Sur la petite centaine d’années d’existence du Shiatsu,
plusieurs écoles se sont créées et développées, au Japon d’abord, puis dans
d’autres pays. Des maîtres ont créé leur propre style et l’ont transmis. Les élèves,
japonais ou occidentaux, en ont développé une compréhension et une pratique qui
leur est propre, en fonction de leurs affinités et de leur sensibilité.
Quand on me demande s’il faut beaucoup étudier pour faire du
shiatsu, j’ai coutume de répondre que ses racines remontent à quelques milliers
d’années et qu’il est donc impensable de tout en comprendre sur une seule vie. On
peut dire qu’il y a autant de shiatsu que de praticiens de shiatsu, chacun
étant quelque part sur son chemin.
Alors, comment être sûr de recevoir un bon shiatsu ? Un
bon vin est un vin que vous aimez, dit-on dans le monde vinicole. Un bon
shiatsu est un shiatsu qui vous convient, donné par un(e) thérapeute avec qui
« ça passe bien ».
Tenter de saisir tous
les aspects
Autant pour l’étymologie et les origines. Vous avez compris
qu’une définition va être compliquée. Et on en rencontre de très différentes, toutefois
partielles.
Ainsi :
Ce n’est pas qu'un massage, puisqu’on effectue des
pressions avec les doigts et on travaille sur l'énergie. Parfois on peut frotter, chauffer, étirer certaines
parties du corps, mais ce n’est pas que du massage à proprement parler. On ne
travaille pas sur les muscles. On n’utilise pas d’huile. On reste habillé.
Ce n’est pas qu’une technique. A la base, il y a
une technique exigeante à apprendre, bien entendu. Mais si on fait juste la
technique, si on en reste à la sortie de l’école, ce n’est pas du shiatsu,
c’est la répétition mécanique de gestes.Comme en cuisine, le fait d’additionner les ingrédients en suivant le
manuel ne va pas nécessairement donner un bon plat. Il y a l’apport personnel
du cuisinier.
Ce n’est pas que du bien-être. Evidemment, le
shiatsu, travaillant sur le parasympathique, procure et installe une profonde
détente. Mais il permet aussi de résoudre beaucoup de problèmes, de blocages,
de maux… Et il travaille fort bien en prévention. Il a donc de forts aspects
thérapeutiques.
Inversement, ce n’est pas qu’une thérapienon
plus. On peut traiter un problème précis, mais on n’est pas obligé d’avoir un
problème pour faire du shiatsu. Vouloir rester en bonne santé est l’idée
générale à la base.
Ce n’est pas qu’une discipline corporelle. La
porte d’entrée est le corps, ce qui est une excellente chose. Mais les effets
ne se limitent pas au corps. Beaucoup de points sont la porte d’entrée vers les
niveaux psychologique, émotionnel, spirituel…
Ce n’est pas que de l’énergétique, parce qu’on
touche, c’est très concret. On travaille pourtant sur l’énergie via le système
des points et des méridiens, pas sur les muscles (c’est pour les kinés), ni sur
le squelette (cela se passe chez l’ostéopathe).
C’est un art de vivre, mais pas seulement. Faire
régulièrement du shiatsu permet, avec le temps, de changer beaucoup de choses
dans sa vie. Le corps reprend la direction des opérations, être à l’écoute du
corps rend certains comportements impossibles, comme mal manger, vivre stressé,
procrastiner, se laisser dominer par ses émotions, les circonstances de la vie,
un environnement malsain…
Donc, le shiatsu n’est pas ces différentes choses prises
séparément, mais il est tout cela en même temps, et je suis certain qu’on peut
compléter la liste. Cela nous rend la définition toujours compliquée. Il va
falloir simplifier.
Le shiatsu est un art
Less is
more.
Gardons en tête que c’est avant tout une pratique.
Ensuite, je retiendrais deux mots uniquement. Premièrement,
le shiatsu est un art.
Le mot « art » implique, à la base, une technique,
une intervention concrète. On réalise quelque chose de visible, d’audible, de
tangible… En même temps, intervient le ressenti, le subjectif, la communication
entre vous et moi, quelque chose qui passe à travers une forme et amène le
changement.
On considère bel et bien que l’art s’adresse aux sens, aux
émotions, à l’intellect, à l’intuition.
L’artiste « montre » quelque chose, et cela va
agir sur le récepteur, qui va laisser ce travail « l’imprégner » à
plusieurs niveaux, puis l’ouvrir, le transformer.
L’art vous « prend aux tripes » et vous repartez changé, cela vous a
fait avancer. En shiatsu, l’impulsion est donnée au corps, qui lance le
processus d’auto-guérison, de rééquilibrage, de transformation/transmutation.
Dire « art » à propos de l’Orient fait
immanquablement penser auxarts martiaux. Ce n’est pas une mauvaise analogie.
Tous les arts japonais qui se terminent par DO (aikido,
judo, kendo, kyudo, chado, shôdo…), DO signifiant la Voie, impliquent une
technique exigeante, un cheminement personnel, un travail sur soi,une maîtrise de soi, un travail à partir du
Hara… Ils sont très physiques, et mènent à une réalisation humaine et spirituelle.
Beaucoup d’arts martiaux comportent d’ailleurs des techniques de santé.
Certains
parlent de Shiatsudo, « la voie de la pression des doigts ». Praticien
et client sont ensemble sur la Voie, le shiatsu est un accompagnement.
Dire du shiatsu que c’est un art, c’est bien pratique pour
résumer. On voit bien toutes les nuances et les connotations là derrière.
Beaucoup d’arts japonais s’expriment dans la sobriété, le minimalisme. Ils
suggèrent. Ce que j’appelle : « rester en deçà », sans choisir
explicitement tel ou tel aspect. Dire « art », c’est rester en-deçà.
Dans une explication verbale à nos clients, il faudra bien
franchir la ligne et « aller
au-delà ».Le shiatsu est un art avec une finalité. Chacun complètera.Un art du bien-être, du toucher, de la santé, du
soin, de l’énergie vitale, un art de vivre… et bien d’autres choses. La
finalité mise en avant dépendra du praticien, de ses affinités, de ses
inclinaisons personnelles, de son parcours sur le chemin… qui interagissent
avec ce que recherche, consciemment ou inconsciemment, le client. Ainsi
attirons-nous, dit-on, les personnes que nous pouvons aider.
Au passage, cela nous permet de rester humbles. Personne ne
détient la vérité. Personne ne peut critiquer d’autres collègues ou d’autres
écoles, car ils pratiquent différemment. La diversité est un enrichissement.
Sol lucet omnibus.
Et à propos d’humilité… Le praticien de shiatsu est-il donc
bien un artiste ? Oui, car « l’artiste authentique doit apprendre à
s’effacer devant l’Art », nous dit Marc Halévy dans « Les mensonges
des Lumières », ajoutant « l’œuvre n’est sublime que dans le
sacrifice de l’ego ». J’ai trouvé quoi dire, quand un client s’exclame
« VOUS m’avez fait beaucoup de bien ». Je réponds : « Ah,
mais, le shiatsu, c’est formidable ».
(Concernant les rapports du shiatsu avec l'art, en particulier la musique, lisez l'article associé).
Le shiatsu est un art
japonais
Dans tout ce qui précède, le Japon est omniprésent. Pourquoi
donc en rajouter et dire que c’est un art japonais ? Parce qu’il faut
insister sur cette dimension japonaise, qui implique beaucoup de choses.
Même pour ceux et celles qui ont passé de nombreuses années
au Japon, il est très difficile d’y rentrer vraiment. Insulaires et fortement
identitaires, les Japonais font la différence entre ce qui est eux et pas eux,
l’intérieur et l’extérieur.
En tant qu’Occidentaux, nous ne sommes pas eux. « Gaijin »,
étranger, signifie d’ailleurs les gens du dehors, c’est-à-dire ceux qui ne sont
pas eux. Et donc, aussi aimables, polis et accueillants que soient les Japonais
envers nous, nous ne deviendrons jamais des Japonais. C’est un seuil infranchissable.
Il y a des choses qui ne nous seront jamais expliquées ou montrées. Il importe
de ne jamais l’oublier.
Pourtant, il y a une réelle ouverture. Après-guerre, tant de
Japonais sont venus enseigner leur art (martial, méditation…) en Occident. Le
shiatsu s’inscrit dans cette mouvance. L’américanisation forcée du Japon dans
la seconde moitié du XXème siècle pourrait avoir été un déclencheur. Conscients
que tant d’aspects traditionnels du Japon risquaient de disparaître, les
enseignants seraient venus semer chez nous les graines de la perpétuation.
Il nous incombe de les laisser germer et de nous efforcer
d’intégrer à notre pratique des éléments japonais, de nouveau, selon notre
compréhension et nos affinités. Cela ne se limite pas à la déco du cabinet. On
peut pratiquer une autre discipline japonaise pour enrichir notre pratique. Ou s’immerger dans la culture japonaise. Ou aller
là-bas.
Sans être des Japonais, nous pouvons adopter certaines
pratiques immédiatement visibles dès que l’on met un pied au Japon.
Par exemple :
L’étiquette : le cabinet est un dojo. On ne
rentre pas avec ses chaussures, il y fait propre, accueillant, l’énergie est
tranquille…
La sincérité : pratiquer avec un cœur
sincère. « Le Ciel est touché par les hommes sincères ».
L’exigence de qualité : être présent à
chaque instant, à l’écoute, au service…
L’accueil joyeux : les Japonais aiment
rire, contrairement à l’idée qu’on s’en fait.
L’ouverture d’esprit et la curiosité : le
shiatsu est la synthèse de multiples influences. Cette synthèse n’est pas terminée.
La sobriété et l’efficacité du geste : no
nonsense. Il n’est pas nécessaire de s’étendre, mais de travailler.
Le respect et la non-intrusion.
La simplicité : vivre simplement et agir en
conformité.
…
Et parmi les concepts-clés de la culture japonaise, beaucoup
peuvent nous aider dans notre pratique, comme :
Gambari : patience et détermination mènent
à la réussite
Iitoko- Dori : adopter des éléments de
culture étrangère, faire sa propre synthèse
Kisetsu : avoir le sens des saisons,
s’accorder à l’énergie naturelle ambiante
Wabi sabi : simplicité et élégance,
esthétique des gestes, de la vie…
Le centre creux, la conception du Vide, qui ne
« fait rien », mais s’avère indispensable
Dans le monde occidental, on ne met pas toujours
suffisamment l’accent sur les aspects japonais à la base du shiatsu. Connaître
le contexte d’origine d’une pratique éclaire et guide celle-ci. Même si – et
c’est important – le shiatsu semble avoir vocation d’universalité et fonctionne
très bien dans des cultures qui, a priori, sont très éloignées de la culture
japonaise.
Donc, pour paraphraser une image japonaise célèbre :
Les racines : le Japon.
Le tronc ; le shiatsushi
Les feuilles : les innombrables applications du shiatsu.
Pour terminer...
Le shiatsu, un art japonais.
Si on se place sur le plan intellectuel, on peut continuer à raisonner à l’infini
sur ce thème. C’est la nature de notre mental. Puisque nous en avons un, c’est
bien de lancer la machine. De temps en temps.
J’ai eu l’opportunité d’étudier avec un Japonais, Kawada
Sensei. Les explications lui importaient peu. « Vous sentez ? ».
La sensation. Et le sens. C’était toujours la question.
Avant tout, un art se pratique. Et je vois les effets
transformateurs du shiatsu. La personne qui sort n’est plus la même que la
personne qui est rentrée.
Je suis heureux de progresser sur la voie de ce bel art,
avec tout ce qu’il implique.
Parmi les professeurs inspirants que j’ai la grande chance
de rencontrer, il en est, comme Bernard Bouheret et Stéphane Vien, qui
n’hésitent pas à parler de musique, voire à fredonner une petite chanson ou un
air d’opéra en montrant un mouvement.
C’est que le shiatsu et la musique ont beaucoup à voir,
mélodiquement, rythmiquement… Il y a résonance dans le travail, entre le
donneur et le receveur. Et quand on est joyeux – la joie s’exprime dès que le
Cœur est ouvert -, on a envie de chanter. D’ailleurs, cela détend parfois
l’atmosphère, au besoin. Le shiatsu réveille la bonne humeur.
La musique au corps
A l’âge de 15 ans, je me suis ouvert aux sons et à la
musique. Depuis que je fais du shiatsu, le lien entre musique et shiatsu vient me titiller. Jusques
et y compris dans la façon de travailler.
Pour illustrer cette idée, je vous emmène à la découverte de l’art de
l’improvisation musicale, tel que la pratique le grand organiste français Jean
Guillou.
Etrange parallèle ? L'orgue, bien utilisé, m'a toujours fasciné par la diversité de ses sons dans des lieux qui résonnent et sont énergétiquement puissants. Pas question toutefois de cantiques mièvres, accompagnés sur des instruments asthmatiques. Visons de suite le sommet.
A 88 ans aujourd'hui, Jean Guillou continue à libérer un KI phénoménal. J'ai des souvenirs de concerts gravés dans mon corps où, pris dans une déferlante d’énergie, mon point KIKAI se contractait et se dilatait sans arrêt. Musique « tripative », comme dirait Stéphane Vien.
Original, puissant, dionysiaque, rebelle à toute école, libre
de tout cadre dogmatique ou religieux, jouant tout par cœur, n’interprétant
jamais rien deux fois de la même façon, c’est un homme inspiré et inspirant.
J’eus le plaisir de le rencontrer à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’il me
permit un jour de sentir ses bras et son dos pendant qu’il jouait. Ce qui nous ramènera bien vite au shiatsu.
Voici pour illustrer le propos une improvisation expliquée par le musicien. Tout de suite, les analogies avec le shiatsu apparaissent.
Observez d’abord la position du corps
Il n’y a aucune tension dans les bras et les articulations. J’ai pu
le vérifier sur lui : rien. L’impulsion vient des épaules, et les doigts
sont totalement relax et font ce qu’il veut, sans force.
Il y a une assise dans le hara qui permet un centrage
sur le banc, et donc desdéplacements
dans tous les sens : haut/bas, gauche/droite. Pas de gesticulation inutile. La première chose que le
Maître enseigne, c’est la bonne assise de base.
Le dos ne repose sur rien, il est droit sans
être tendu, vu que l’assise est très stable.
Mains et pieds ont leur indépendance totale.
Pour ce qui est de l’énergie vitale, Jean
Guillou a environ 85 ans au moment de cet enregistrement.
Maintenant regardez
(mettre le casque pour un effet optimal)
Qu'entendons-nous dans l'explication ?
Il y a’sur l'instrument une variété de timbres
différents, chacun avec un caractère propre, qu’on va faire entendre
séparément, puis les mêler. Cela me fait penser aux méridiens, avec chacun leur
couleur, leur caractère, leur nature.
Le discours musical s’articule autour de thèmes et de leurs timbres. Quelque chose se construit. A ce stade, le mental
peut intervenir, il est capable d’expliquer ce qui se passe.
Puis toutes ces voix et tous ces thèmes vont se
mêler et partir dans un grand crescendo. Dès ce moment,le mental se tait,
l’énergie jaillit, l’improvisation se construit « toute seule ».
Observez bien la fin, quand l’écho disparaît
lentement, le musicien est habité encore de ce qu’il vient de faire. Cela me
fait penser au « zanshin » du Kyudo : la flèche est partie,
l’énergie continue.
Et si vous regardez jusqu’à la dernière seconde…
Mais oui, c’est bon de rire. Toutes les tensions sont libérées. Et d’ailleurs,
doit-on toujours se prendre au sérieux ? N’est-ce pas léger et joyeux
quand on termine ?
Des façons semblables de travailler
Bien sûr, pour faire cela, il y a une technique infaillible
et plus de 70 ans de métier. Mais, de même que les anciens Chinois pensaient
par analogies, cette improvisation me fait penser à une séance de
shiatsu :
Il y a notre technique, là où nous en sommes, et
l’école qui nous a enseigné un style. C’est bien pour commencer, après, on peut
libérer et ouvrir tout cela. La technique, comme pour un musicien, cela se
travaille chaque jour, sans arrêt. Do In, méditation, stages, posture, culture
générale. Et en séance. Bernard Bouheret parle ainsi du Maître qui nous regarde
travailler. Il s’agit d’être attentif à chaque instant à ce que l’on fait.
Dans uneséance
de shiatsu, il y a certes une idée de base sur ce que l’on va faire, mais
toujours, en chemin, l’improvisation s’installe. Les mains vont « toutes
seules » là où le corps les « appelle ».
Il y a une phase où on peut formuler ce qu’on
est en train de faire. Il peut arriver qu’on rentre tellement dedans qu’on ne
sache plus ensuite ce qu’on a fait. Et quand on termine, zanshin !
Personne ne bouge, l’énergie est là. Quand le mouvement du corps s’arrête, le
mouvement du KI se perpétue.
C’est possible si on a réussi à intérioriser, à
connecter avec le cœur, à entrer en résonance. Et là, même les personnes les
plus bavardes ne disent plus rien. Ce Zanshin, je le matérialise souvent par
une pression harmonisante sur C7 – Shinmon.
Shiatsu et musique… d'autres rapprochements
Il y a encore tout un univers à explorer sur l’utilisation
des Kotodama, des sons primordiaux japonais, des norito (prières Shinto) ou des
sutras. On sait par ailleurs que certaines fréquences et certains timbres
correspondent aux organes.
Il peut arriver qu'en travaillant un rythme s'impose en moi, une couleur de son ou une mélodie me passe par la tête. Y être attentif peut m'indiquer la voie à suivre, ou libérer des images intérieures.
Comment travailler avec un « beat » lent, une
pulsation tranquille et continue du
début à la fin, ce qui est bien plus difficile, comme en musique, que d’aller
vite ? A quels endroits du corps le rythme change-t-il ou un point d’orgue
s’impose-t-il ? Quel rythme choisir pour un kenbiki qui corresponde
exactement au client ?
Il m'arrive de tenter des "accords", à plusieurs doigts sur un ou plusieurs méridiens. C'est souvent intéressant. Mais je ne connais pas de théorie à ce sujet.
Comment libérer des moments « d’impro »
où les mains vont toutes seules comme un ballet là où elles doivent aller, sans
l’intervention d’une volonté quelconque ? Et qu’après le client vous
dise : « vous avez trouvé les points qui en avaient besoin ».
Et l’importance du silence… La musique naît du silence. Le
silence qui suit une pièce de Mozart est encore de Mozart, dit-on. Les mains
sont silencieuses quand elles se posent pleines d’énergie, notre silence
intérieur vient nourrir ce qui se passe là.
Il s'agit également d'entrer en résonance… Sur quelle
« fréquence » émettons-nous en séance ? Comment découvrir sa
propre résonance, entrer en résonance avec notre receveur, libérer la résonance
profonde du receveur, parasitée par les circonstances de sa vie ? Il
s’agit pour le praticien d’être en haute vibration, et de pouvoir moduler avec
chaque personne.
Le shiatsu est un art, disions-nous dans un autre article,
en cherchant à le définir. Qu’en pensez-vous ?
Le dernier mot à Jean Guillou, qui aurait aussi été un Maître sur un tatami
« L’organiste ne
doit chercher aucun autre soutien, hormis celui de son séant sur le banc. Mais
cet appui doit être tel qu’il puisse être en mesure de permettre à l’exécutant
une « suspension » totale des bras et des mains qui évitera ainsi
toute crispation et donnera une complète liberté d’action... On ne saurait espérer aucune musique, aucune
expression profonde de soi-même sans cette libération du geste ». Jean Guillou,
L’orgue,souvenir et avenir.