Parmi les professeurs inspirants que j’ai la grande chance
de rencontrer, il en est, comme Bernard Bouheret et Stéphane Vien, qui
n’hésitent pas à parler de musique, voire à fredonner une petite chanson ou un
air d’opéra en montrant un mouvement.
C’est que le shiatsu et la musique ont beaucoup à voir,
mélodiquement, rythmiquement… Il y a résonance dans le travail, entre le
donneur et le receveur. Et quand on est joyeux – la joie s’exprime dès que le
Cœur est ouvert -, on a envie de chanter. D’ailleurs, cela détend parfois
l’atmosphère, au besoin. Le shiatsu réveille la bonne humeur.
La musique au corps
A l’âge de 15 ans, je me suis ouvert aux sons et à la
musique. Depuis que je fais du shiatsu, le lien entre musique et shiatsu vient me titiller. Jusques
et y compris dans la façon de travailler.
Pour illustrer cette idée, je vous emmène à la découverte de l’art de
l’improvisation musicale, tel que la pratique le grand organiste français Jean
Guillou.
Etrange parallèle ? L'orgue, bien utilisé, m'a toujours fasciné par la diversité de ses sons dans des lieux qui résonnent et sont énergétiquement puissants. Pas question toutefois de cantiques mièvres, accompagnés sur des instruments asthmatiques. Visons de suite le sommet.
A 88 ans aujourd'hui, Jean Guillou continue à libérer un KI phénoménal. J'ai des souvenirs de concerts gravés dans mon corps où, pris dans une déferlante d’énergie, mon point KIKAI se contractait et se dilatait sans arrêt. Musique « tripative », comme dirait Stéphane Vien.
Original, puissant, dionysiaque, rebelle à toute école, libre de tout cadre dogmatique ou religieux, jouant tout par cœur, n’interprétant jamais rien deux fois de la même façon, c’est un homme inspiré et inspirant. J’eus le plaisir de le rencontrer à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’il me permit un jour de sentir ses bras et son dos pendant qu’il jouait. Ce qui nous ramènera bien vite au shiatsu.
A 88 ans aujourd'hui, Jean Guillou continue à libérer un KI phénoménal. J'ai des souvenirs de concerts gravés dans mon corps où, pris dans une déferlante d’énergie, mon point KIKAI se contractait et se dilatait sans arrêt. Musique « tripative », comme dirait Stéphane Vien.
Original, puissant, dionysiaque, rebelle à toute école, libre de tout cadre dogmatique ou religieux, jouant tout par cœur, n’interprétant jamais rien deux fois de la même façon, c’est un homme inspiré et inspirant. J’eus le plaisir de le rencontrer à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’il me permit un jour de sentir ses bras et son dos pendant qu’il jouait. Ce qui nous ramènera bien vite au shiatsu.
Voici pour illustrer le propos une improvisation expliquée par le musicien. Tout de suite, les analogies avec le shiatsu apparaissent.
Observez d’abord la position du corps
- Il n’y a aucune tension dans les bras et les articulations. J’ai pu le vérifier sur lui : rien. L’impulsion vient des épaules, et les doigts sont totalement relax et font ce qu’il veut, sans force.
- Il y a une assise dans le hara qui permet un centrage sur le banc, et donc des déplacements dans tous les sens : haut/bas, gauche/droite. Pas de gesticulation inutile. La première chose que le Maître enseigne, c’est la bonne assise de base.
- Le dos ne repose sur rien, il est droit sans être tendu, vu que l’assise est très stable.
- Mains et pieds ont leur indépendance totale.
- Pour ce qui est de l’énergie vitale, Jean Guillou a environ 85 ans au moment de cet enregistrement.
Maintenant regardez
(mettre le casque pour un effet optimal)
Qu'entendons-nous dans l'explication ?
- Il y a’sur l'instrument une variété de timbres différents, chacun avec un caractère propre, qu’on va faire entendre séparément, puis les mêler. Cela me fait penser aux méridiens, avec chacun leur couleur, leur caractère, leur nature.
- Le discours musical s’articule autour de thèmes et de leurs timbres. Quelque chose se construit. A ce stade, le mental peut intervenir, il est capable d’expliquer ce qui se passe.
- Puis toutes ces voix et tous ces thèmes vont se
mêler et partir dans un grand crescendo. Dès ce moment, le mental se tait,
l’énergie jaillit, l’improvisation se construit « toute seule ».
- Observez bien la fin, quand l’écho disparaît
lentement, le musicien est habité encore de ce qu’il vient de faire. Cela me
fait penser au « zanshin » du Kyudo : la flèche est partie,
l’énergie continue.
- Et si vous regardez jusqu’à la dernière seconde… Mais oui, c’est bon de rire. Toutes les tensions sont libérées. Et d’ailleurs, doit-on toujours se prendre au sérieux ? N’est-ce pas léger et joyeux quand on termine ?
Des façons semblables de travailler
- Il y a notre technique, là où nous en sommes, et l’école qui nous a enseigné un style. C’est bien pour commencer, après, on peut libérer et ouvrir tout cela. La technique, comme pour un musicien, cela se travaille chaque jour, sans arrêt. Do In, méditation, stages, posture, culture générale. Et en séance. Bernard Bouheret parle ainsi du Maître qui nous regarde travailler. Il s’agit d’être attentif à chaque instant à ce que l’on fait.
- Dans une séance
de shiatsu, il y a certes une idée de base sur ce que l’on va faire, mais
toujours, en chemin, l’improvisation s’installe. Les mains vont « toutes
seules » là où le corps les « appelle ».
- Il y a une phase où on peut formuler ce qu’on
est en train de faire. Il peut arriver qu’on rentre tellement dedans qu’on ne
sache plus ensuite ce qu’on a fait. Et quand on termine, zanshin !
Personne ne bouge, l’énergie est là. Quand le mouvement du corps s’arrête, le
mouvement du KI se perpétue.
C’est possible si on a réussi à intérioriser, à connecter avec le cœur, à entrer en résonance. Et là, même les personnes les plus bavardes ne disent plus rien. Ce Zanshin, je le matérialise souvent par une pression harmonisante sur C7 – Shinmon.
Shiatsu et musique… d'autres rapprochements
- Il y a encore tout un univers à explorer sur l’utilisation des Kotodama, des sons primordiaux japonais, des norito (prières Shinto) ou des sutras. On sait par ailleurs que certaines fréquences et certains timbres correspondent aux organes.
- Il peut arriver qu'en travaillant un rythme s'impose en moi, une couleur de son ou une mélodie me passe par la tête. Y être attentif peut m'indiquer la voie à suivre, ou libérer des images intérieures.
- Comment travailler avec un « beat » lent, une pulsation tranquille et continue du début à la fin, ce qui est bien plus difficile, comme en musique, que d’aller vite ? A quels endroits du corps le rythme change-t-il ou un point d’orgue s’impose-t-il ? Quel rythme choisir pour un kenbiki qui corresponde exactement au client ?
- Il m'arrive de tenter des "accords", à plusieurs doigts sur un ou plusieurs méridiens. C'est souvent intéressant. Mais je ne connais pas de théorie à ce sujet.
- Comment libérer des moments « d’impro » où les mains vont toutes seules comme un ballet là où elles doivent aller, sans l’intervention d’une volonté quelconque ? Et qu’après le client vous dise : « vous avez trouvé les points qui en avaient besoin ».
- Et l’importance du silence… La musique naît du silence. Le silence qui suit une pièce de Mozart est encore de Mozart, dit-on. Les mains sont silencieuses quand elles se posent pleines d’énergie, notre silence intérieur vient nourrir ce qui se passe là.
- Il s'agit également d'entrer en résonance… Sur quelle « fréquence » émettons-nous en séance ? Comment découvrir sa propre résonance, entrer en résonance avec notre receveur, libérer la résonance profonde du receveur, parasitée par les circonstances de sa vie ? Il s’agit pour le praticien d’être en haute vibration, et de pouvoir moduler avec chaque personne.
Le shiatsu est un art, disions-nous dans un autre article,
en cherchant à le définir. Qu’en pensez-vous ?
Le dernier mot à Jean Guillou, qui aurait aussi été un Maître sur un tatami
« L’organiste ne
doit chercher aucun autre soutien, hormis celui de son séant sur le banc. Mais
cet appui doit être tel qu’il puisse être en mesure de permettre à l’exécutant
une « suspension » totale des bras et des mains qui évitera ainsi
toute crispation et donnera une complète liberté d’action... On ne saurait espérer aucune musique, aucune
expression profonde de soi-même sans cette libération du geste ». Jean Guillou,
L’orgue, souvenir et avenir.
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