Ce blog sur le shiatsu vous propose de découvrir les multiples facettes du shiatsu. Le cabinet de shiatsu, installé dans le quartier Schuman à Bruxelles, vous permet de ressentir ses bienfaits sur votre santé.
Courtes réflexions pour ne pas oublier le Shiatsu pendant l’été
DIX-HUIT
Ainsi donc, il se murmure que M. Namikoshi a commencé ses soins en tant que
praticien d’Appaku Hô et qu’il changea sa carte de visite en ‘Shiatsu’, car « l’ayant
entendu par hasard, il trouvait ce titre bon ».
La grande couverture médiatique de M. Namikoshi contribua sans aucun doute à
populariser le mot ‘Shiatsu’. On peut lui être reconnaissant, car je ne me vois
pas expliquer que je pratique de l’Appaku Hô, les gens ont déjà du mal avec le
mot Shiatsu.
Mais si le nom changea si facilement, c’est qu’il y avait quand même des
ressemblances entre les deux disciplines. C’est là l’intérêt d’aller chercher
l’étymologie des mots japonais.
Appaku Hô s’écrit圧迫法et se traduit par techniques de pression. Voyons un
peu kanji par kanji.
圧presser
迫, idée d’impact, force,
intensité, vigueur
法méthode
Voilà déjà une nuance :
technique de pression forte. Alors, il faut y aller ? Démonstration de
force ?
La force dont question ici n’est pas la force physique
fournie par la tension musculaire, à éviter, pour la simple raison qu’elle
s’épuise vite et que le ressenti est douloureux. Nous avons cette idée qu’au
Japon, ils aiment la douleur. C’est faux. Itai,痛い, dit-on :
ça fait mal, l’idée étant celle d’une blessure, d’un dommage.
Un jour, une Japonaise me fournit un mot idéal pour décrire l’effet d’un bon
Shiatsu : 痛気持ちitakimochi, contraction de ‘itai’ ça fait
mal et ‘kimochi’ ressenti, avec une idée positive de gratitude.
Si on dissèque étymologiquement, de plus, les deux kanji qui composent
‘kimochi’, on a
気le ki (oui, le même, l’énergie)
持ちqui
signifie ‘avoir, posséder’.
Donc itakimochi, ça fait mal mais je sens le ki circuler de nouveau, ce que
nous traduisons parfois par ‘un mal qui fait du bien’. Itai, ça va, pour autant
qu’il y ait kimochi.
On ne peut pas faire cela avec de la force, mais de la puissance, et la
puissance vient de la présence, du hara. Je pose les mains, j’effectue une
pression, je descends dans mon hara, si ma posture est bonne… le ki circule.
C’est instantané.
Donc, deux mots japonais :
Appaku, la technique
Itakimochi, ce qu’elle fait
Et tout est dit. Après, on va lire des livres et prendre des cours pour voir
comment on fait, mais si on ne travaille pas la base profonde, sous-jacente, cela ne sert à
rien.
(Et comme dit dans le nr 17, il y a dans le Shiatsu d’autres techniques encore
que ‘Appaku’)
Courtes réflexions pour ne pas oublier le Shiatsu pendant l’été
DIX-SEPT
Il est quand même étrange que nous pratiquions quelque chose qui s’appelle
Shiatsu 指圧, mot qui signifie donc ‘presser avec les doigts’, mais que, très
souvent, nous n’utilisions pas que les doigts et que nous fassions autre chose
que presser.
Serait-ce que, comme trop souvent à notre époque de publicité mensongère et d’à
peu près, la dénomination ‘Marketing’ ne recouvre pas vraiment le contenu du
paquet ? Non. C’est qu’à l’époque, il fallait inventer un néologisme, afin
de sauver des pratiques plus anciennes, considérées, à une époque
d’occidentalisation forcée (fin 19ème, début 20ème
siècle), comme de vieux trucs inopérants à mettre à la poubelle.
On visait plus particulièrement l’Anma (按摩signifie ‘tenir
-frotter’), apparu au Japon dès le 5ème siècle, lui-même descendant
de pratiques chinoises de massage (Anmo) importées avec tout le reste. Les Japonais en ont fait,
au cours des siècles, comme à leur habitude, quelque chose de tout à fait
efficace. L’Anma existe toujours aujourd’hui à travers plusieurs grandes
écoles.
Considérons ce que l’on appelle les Shugi, 手技,‘techniques
de main’ de l’Anma :
Kei Satsu Hô - 軽擦法-Techniques légères de frottement
Ju Nen (Ju Netsu) Hô -柔念法 - Techniques de pétrissage
Shin Sen Hô - 振せ法–
Techniques de vibration
Appaku Hô - 圧迫法
– Techniques de pression
Ko Da Hô
- 卯打法 – Techniques de percussion
Kyoku Te Hô
- 曲手法 –
Techniques spéciales de percussion (littéralement ‘de la main baissée’ ou
‘mélodieuse’)
Un Do Hô - 運動法
– Techniques de mobilisation, d’étirement et de réhabilitation
Kyo Satsu Hô
- 強擦法 ou
An Netsu Hô – Techniques de frottement
et rotation avec forte pression
Ha Aku Hô - 把握法
– Techniques de saisie et de compression /serrage
Belle diversité… Et ne sont-ce pas là des techniques que nous apprenons sous le
vocable de ‘Shiatsu’ et appliquons régulièrement au cours d’une séance ?
Tant mieux, d’ailleurs, car si nous passions une heure à ‘presser avec les
doigts’ comme une machine à coudre, ce serait vite ennuyeux.
M. Serizawa dit que toutes les écoles de Shiatsu se sont développées à partir de l'Anma, augmenté d'autres techniques.
M. Namikoshi exerçait d’abord en qualité de thérapeute d’Appaku Hô (une des branches de l’Anma). Il
adopta ensuite le nom « Shiatsu », car « l’ayant entendu par
hasard, il trouvait ce titre bon », nous souffle M. Masunaga.
Outre tout ce que le Shiatsu doit à l’Anma traditionnel, laissons nos mains trouver la technique qui convient au bon endroit et au bon moment et laissons nos mains, coudes,
pieds, corps… jouer de multiples variations sur le thème du toucher.
Analyse et symbolique de deux kanji pour notre
pratique
Lorsque nous apprenions les points, Maître Kawada nous incitait à aller voir
les noms et leur signification, nous disant qu’il y avait là un sens et une
symbolique. En effet, si les Anciens ont passé leur temps à tous les nommer, il
doit bien y avoir une raison.
Etrangement, très peu s’y intéressent, leur préférant la numérotation. C’est
oublier que cette numérotation ne signifie rien et qu’elle est, de plus, très
récente. La version moderne (et simplifiée) de l’acupuncture, remontant à Mao, a
introduit les numéros de points… ce que l’on nous vend sous le vocable de ‘MTC’.
Prenons le cas d’un point très important.
Si je vous dis que je travaille ‘VG 4’ ou ‘DM 4’, cela ne veut strictement rien
dire, à part, éventuellement, m’aider à me repérer sur le trajet du méridien,
voire anatomiquement : sous l’apophyse épineuse de la vertèbre L2. Mais en
soi, le fait que ce point vienne en 4ème place n’est pas signifiant.
Si je vous dis par contre que je travaille ‘MEIMON’, me voilà bien obligé de
vous dire ce que ce mot signifie et de comprendre ce que je suis en train de
faire.
Voyons où cela nous mène.
Regarder les traductions
Bien sûr, je pourrais m’appuyer sur une traduction, mais, laquelle ?
Lorsque je travaillais le Yi Jing avec Rose-Marie Beckers (Ecole Djohi de Cyril
Javary pour la Belgique), nous avions pour habitude d’analyser un hexagramme
tous les mois et nous cherchions toutes les traductions existantes.
Exercice
très enrichissant : aucune n’était la même, elles se situaient même parfois
aux antipodes l’une de l’autre. Laquelle était la bonne ? Aucune, à moins
de les prendre toutes ensemble, seule condition pour rendre toute la subtilité
de l’original chinois.
L’intérêt était plus dans ce que les traducteurs avaient perçu de la
signification, ce qu’il avaient préféré ou ignoré, de par leurs accointances ou
leur arrière-plan culturel. Wilhelm, par exemple, était un pasteur protestant
établi en Chine. Il utilise des concepts religieux inexistants pour les Chinois
mais signifiants pour lui.
Ce n’est qu’avec des sinologues comme Cyril Javary, le père Claude Larre et
Elisabeth Rochat de la Vallée (pour ne parler que de ceux que je connais) qu’on
s’est mis à juste traduire signe par signe les idéogrammes, sans surajouter de
l’interprétation ou faire des liaisons qui n’y sont pas.
Etonnamment, ou pas, il en va de même pour nos points.
MING MEN ou MEIMON ou comment dire ?
Pour compliquer les histoires, certains emploient les noms en Chinois (ils
partent des manuels d’acupuncture chinoise) et d’autres en Japonais (transmission
japonaise du Shiatsu ou de la MTJ). Cela s’écrit de la même façon dans les deux
langues, mais se prononce différemment. Le Shiatsu étant Japonais, je préfère
les noms en Japonais (il y a d’ailleurs parfois des différences avec le
Chinois).
Ainsi, notre point VG /DU 4 s’écrit 命門 et se prononce en Chinois MINGMEN et en
Japonais MEIMON.
Appliquons la méthode et voyons ce que nous trouvons
comme traductions :
Kawada : Porte de la Vie
Tsubook : Porte de la Vie (Tsubook suit la
plupart du temps Kawada, curieusement)
Docteur Chamfrault (Traité de Médecine Chinoise) :
Porte de la Vie
Philippe Laurent (L’Esprit des points) : porte de
la vitalité / porte du destin
Omura (Acupuncture Medicine) : Gate of Life
Elisabeth Rochat (101 notions-clés de la Médecine
chinoise) : Porte de la Destinée
Précis d’acuponcture chinoise : ne se risque pas
à la traduction.
Même si un assentiment global semble se dessiner pour ‘Porte de la Vie’, on est
en droit de se demander pourquoi d’autres (et non des moindres) préfèrent
Vitalité, Destin ou Destinée. Ce n’est pas du tout la même idée.
Dès lors, si les numérotations, prononciations et
traductions ne nous éclairent pas, il nous reste l’étymologie, c.-à-d. regarder
comment le kanji s’écrit, d’où vient le signe et ce qu’il signifie
profondément.
Etymologie
Le mot ‘Kanji’ ( ‘idéogramme’) signifie l’écriture des Han (des Chinois),
comprenant par là que les Japonais ont emprunté puis se sont approprié cette
façon d’écrire aux Chinois, parmi bien d’autres choses.
Pour MON門,
le kanji est très simple et signifie ‘porte’. On voit bien effectivement la
représentation graphique de deux vantaux qui s’ouvrent et se ferment. Dire
‘Porte’ implique un endroit de passage, une entrée et une sortie. Les Points de
Porte (il y en a ainsi 19 sur tout le corps) sont donc des points qui
permettent à ‘quelque chose’ d’entrer ou de sortir.
MEI命 va être le cœur de la
compréhension. Quand ce kanji est pris isolément, il se prononce INOCHI (particularité
de la langue japonaise de prononcer à la Chinoise ou à la Japonaise).
Le dictionnaire (j’utilise Jisho.org d’excellente qualité) traduit par :
vie, force de vie, étendue de vie, durée de vie, cœur (au sens de centre,
core), fondation, chose la plus importante, destin /destinée, décret, ordre….
Un seul kanji revêt des significations très diverses et nous comprenons déjà
pourquoi les traductions sont si différentes. Chaque traducteur a pris un
aspect, qui lui semblait le plus pertinent. Il me semble que nous devons rester
en-deçà, c.-à -d. choisir un mot, tout en n’excluant pas les autres
connotations et en les gardant à l’esprit.
D’autres éléments de compréhension
Pour arriver à déterminer la meilleure formulation, rappelons-nous la position
de Meimon : entre les deux points Yu des Reins, Jinyu 腎俞
(‘V23’).
Le point MEIMON, nous dit Philippe Laurent est en rapport avec l’énergie
originelle, primordiale, le GENKI, conservé par les Reins.
Elisabeth Rochat plonge dans l’étymologie et nous dit ; ‘命,
c’est une bouche qui donne un ordre : le commandement donné par un
supérieur, le décret, le mandat du Ciel.
Chacun doit se conduire en fonction de la nature première qui lui a été
conférée par le Ciel, cultiver ses qualités et dispositions innées. Celui qui
reste fidèle à sa nature originelle maintient sa relation au Ciel, reçoit la
lumière de ses esprits, connaît la règle de ses actions. Il accomplit ainsi la
Vie à laquelle le Ciel le destine, celle qui se déroule en fonction de l’ordre naturel
inscrit en lui’.
命est
donc la force vitale, le sort individuel, la durée allouée à chacun, et en même
temps la vie personnelle à mener, le destin
à accomplir.
Me vient l’image du flux de la Vie qui coule en nous de notre premier inspir à
notre dernier souffle : notre destin consiste à accompagner le mieux
possible ce flux de vie et à ne pas lui faire obstruction, ‘go with the flow’
en quelque sorte.
On ajoute le caractère ‘Mon’ pour Porte, parce que c’est là le passage de
l’entrée dans la vie et donc, l’endroit de l’entrée dans la forme, dans le
monde des phénomènes, la transition entre Ciel Antérieur et Ciel Postérieur.
On voit donc mieux tout ce qu'on veut dire quand on dit 'Meimon'.
Risquons une traduction
Si je devais choisir une traduction parmi celles citées ci-dessus :
Porte de la Vie est correct mais ne rend pas toutes
les nuances ci-dessus.
Porte de la Vitalité se rapproche de l’énergie GENKI
et des Reins, mais ne rend pas l’idée de mouvement.
Porte du Destin est trop connoté, nous avons en
Occident l’idée détestable du Fatum Romain ou de la Moira grecque, qui implique
la prédestination et la soumission à la fatalité. Or il s’agit bien plutôt
d’honorer et de nous aligner sur notre nature première reçue à la naissance,
discerner l’ordre naturel en nous et l’accomplir. Ce qui enlève l’idée de choix
et libère, paradoxalement. Autre sujet.
Porte de la Destinée est le plus juste (si on enlève
l’idée de pré-programmation)
J’aime bien Porte de la Destination, ou Porte du Sens
de la Vie, parce que cela amène la représentation de ce flot de vie qui coule
en nous et forcément va quelque part.
Le chapitre 19 du Tchouang Tseu
(philosophe taoïste), intitulé précisément ‘Le sens de la Vie’, raconte cette
anecdote de l’homme nageant aisément dans une rivière impétueuse où nul être
vivant ne pouvait se tenir. A la question de révéler son secret, il dit : 'Je fais corps avec l’eau, descendant
avec le tourbillon, remontant dans le remous. Je suis le mouvement de l’eau,
non ma volonté propre. Voilà tout mon secret. .. Depuis que j’ai perdu
toute notion de ce que je fais pour nager, je suis dans l’eau comme dans mon
élément, et l’eau me supporte parce que je suis un avec elle'.
Belle image de ce que l’on veut dire quand on parle d’accomplir
notre vie : Inochi.
Symbolique et connexions
Voilà qui ouvre d’immenses espaces de recherche et de travail. Vu toutes ces
connotations, nous comprenons que travailler ‘MEIMON’ ne va pas être innocent.
Quand je pose les mains là, que je touche ce point, je touche l’origine de la
Vie, la porte de l’énergie vitale, la Source, sa matérialisation dans
l’existence, l’énergie des Reins, j’aide l’élan vital qui mène vers le dernier
jour, j’aide la vie à s’écouler sans encombres.
Ce point est situé sur le koshi (zone des lombes). L’élan vital vient du koshi,
c’est sûr. Le dernier weekend que j’ai passé à pousser des brouettes de terre
vient confirmer cela. Nous ne sommes pas tirés vers l’avant, nous sommes
poussés dans le dos.
Si la polarité s’inverse, nous tombons en arrière dans le grand océan de
l’inconscient, happés par l’émotion de peur liée aux Reins et localisée
précisément à cet endroit.
En pressant Meimon, j’entre de plain pied dans la vie et j’avance sur cette
Voie au rythme naturel du receveur, de la receveuse.
J’offre également de l’appui et du soutien lorsqu’il est nécessaire de pauser
et de se reposer, en posant simplement les deux mains à plat sur cet endroit.
Il est bon de pouvoir s’appuyer sur quelqu’un et d’alterner les phases
d’avancée et de repos. Tout élan part d’un appui.
Connaître le nom ‘MEIMON’ et sa signification permet
de discerner tout cela, d’affûter ma compréhension et de tenter des connexions
avec des points qui, de par leur signification et leur position, vont
‘résonner’.
Que pensez-vous de MEIMON / SEKIMON, Porte de Pierre, point BO du Triple
Réchauffeur, ouvrant au GENKI la Porte des 3 Foyers ?
Ou de MEIMON / KANGEN, Barrière du GENKI, Point BO de l’Intestin Grêle, ouvrant
la barrière pour libérer le GENKI retenu pour de multiples raisons ?
Ou encore de MEIMON / KIKAI, Mer d’énergie, connectant ainsi Koshi et Hara,
élan vital et matérialisation ?
Ou enfin de MEIMON / SHINKETSU, travaillant puissamment l’origine de la Vie au
travers des Merveilleux vaisseaux ?
Connaître le nom des points ouvre un champ de possibles et ajoute une
interprétation symbolique à notre travail.
Car, de même que le symbole n’a de sens que s’il est agissant, de même une
simple connaissance livresque des noms de points ne mènerait à rien qu’à une
fugace satisfaction intellectuelle, stérile dans le sens où nos receveurs n’en
profiteraient pas.
La pratique, d’abord la pratique, sous-tendue et soutenue
par la connaissance. Même si la connaissance ne dit rien sur la qualité de la pratique.
Autres associations
Ensuite, cerise sur le gâteau, nous pouvons associer à des phrases ou des mots
où le même kanji apparaît.
Pour INOCHI, c’est assez évident (en fait, j’ai choisi le mot par solution de
facilité).
Nous avons :
Namikoshi
OSEBA INOCHI NO IZUMI WAKU, deuxième partie du célèbre slogan de M. Namikoshi.
Je renvoie au chapitre 5 de mon livre ‘Le Shiatsu, un Art Japonais’ pour une
analyse détaillée de ce slogan par les kanji.
Le fait est que M. Namikoshi emploie le mot ‘Inochi’ (car il y en a évidemment
bien d’autres pour évoquer la Vie) et toute l’analyse ci-dessus nous fait
penser que ce n’est pas par hasard. Le Shiatsu concerne donc bien Inochi.
Mais la traduction ‘en pressant, on fait jaillir les sources de la Vie’ est
insatisfaisante si on regarde les kanji. Un sens plus juste serait : Si
on fait des pressions verticalement, le flux impétueux de la Vie jaillit
soudainement.
Car ‘izumi’ signifie une eau bouillonnante avec une écume blanche. C’est plus l’idée
du doigt qu’on met sur le tuyau d’arrosage. Un lâcher soudain fait jaillir une
eau moussue, car sous pression.
L’énergie qui sous-tend la Vie et surgit à Meimon
est de cette nature : c’est de la haute pression. Voilà qui nous renseigne
sur la nature de ce qui se travaille ‘là’ avec le Shiatsu.
Nakazono
INOCHI , sous-titré « Le Livre de la Vie », est le titre d’un livre
de M. Nakazono, Maitre de Shiatsu et d’Aikido.
On y trouve, par exemple, cette affirmation : « nos ancêtres ont
saisi l’ordre complet de la manifestation de la vie humaine comme un passage de
l’a priori à l’existence réelle de l’être vers les phénomènes universels a
posteriori, pour revenir à l’a priori. C’est le cycle complet de la
manifestation universelle ».
Quand on dit « inochi », on entend donc même
bien plus que l’espace entre la naissance et la mort d’un individu, mais plutôt
l’énergie vitale, non-manifestée puis manifestée, ou, si vous préférez :
Ciel Antérieur et Postérieur. La Vie avec une majuscule.
Inari norito
Un norito est une incantation rituelle propre au
Shintô. On adresse au kami des mots de remerciements ou une demande. Dans l’Inari
norito, il s’agit du kami Inari, qui apporte bienfaits et prospérité et est
représenté par le renard blanc.
Le texte dit ‘Kakiha
ni tokiha ni inochi nagaku’ - ‘Accorde
une longue vie, forte et solide’. Le but du norito est d’obtenir cette longue
vie pour pouvoir travailler avec un cœur sincère. Un peu plus loin, il continue par ces mots ‘Si je commets une erreur, si je dévie de mon
chemin Je prie le kami de m’aider à corriger mon chemin - Que de nouveau je
puisse entendre clairement - Et que de nouveau je puisse être avec un esprit
ouvert.
Voilà qui est bien propre au Shintô : mener une vie heureuse en harmonie
avec la Grande Nature, corriger ses
erreurs et donc accompagner fluidement le flux de la vie. Nous sommes bien dans
cette idée de Meimon / Inochi !
Conclusion : un travail titanesque ?
Allons-nous
faire cela pour les 360 points repris généralement sur les cartes ? Non,
bien sûr. Tous les points ne méritent pas ce traitement approfondi, car tous
n’ont pas la même importance et nous en utilisons peut-être couramment 20%.
Mais pour les grands points… est-ce pertinent, ou pas, de chercher un peu
l’étymologie des points et la façon de la transcrire dans la pratique ? Je
vous laisse en décider pour vous-même.
En tout cas, cette méthode est intégrée, quand c'est pertinent, à la transmission telle que la pratique
l’école Ôdô Shiatsu, où j’ai le plaisir d’enseigner.
Les origines du Shiatsu sont multiples... parmi elles, l'Anma est à mettre en avant.
Mes premières lectures sur le Shiatsu mentionnaient l'Anma et l'Ampuku comme deux types de massage à l'origine du Shiatsu, sans plus.
La recherche et la réflexion avançant, cela s'avère un peu plus compliqué que cela.
L'Anma à l'origine de tous les types de Shiatsu
M. Serizawa, dans son livre de référence 'Tsubo : vital points for oriental Therapy' (p. 53) nous dit que « toutes les
écoles de Shiatsu se sont développées à partir de l’ancien et traditionnel
massage Anma (tant les principes que la pratique), auquel se sont ajoutées des
techniques de mains propres au judo (comme le kappô,et le Do In) ».
Cela nous incite à regarder de plus près ce que peut bien être l'Anma.
D'abord l'étymologie, évidemment.
按 signifie tenir
摩 signifie polir, gratter, frotter, friction
Les fins observateurs parmi vous auront vu que les deux caractères contiennent le signe de la main 手, il s'agit donc bien d'une technique manuelle et le mot se traduit simplement par massage.
Un masseur étant alors un 按摩さん, anma san, Monsieur Masseur, titre dont se pare Takeshi Kitano dans le film 'Zatoichi', où il incarne précisément un aveugle masseur de profession.
L'Anma était en effet une profession exercée par les aveugles, dont la société ne savait que faire et qui devaient gagner leur vie comme les autres... Il n'y a pas que des questions de sensibilité du toucher, la société japonaise n'a jamais eu d'états d'âme.
Grandeur et décadence
Comme tant d'autres techniques, l'Anma a été importé de Chine (où il s'appelait Anmo) à une époque ancienne (8ème siècle probablement). Structuré au 14ème
siècle, puis popularisé par le grand acupuncteur Sugiyama Waichi, il a connu des
fortunes diverses au cours du temps, avant d’être déconsidéré complètement puis
fortement réglementé à l’ère Meiji (1868-1912).
A cette époque, le Japon a tourné le dos à ses traditions les plus anciennes et rangé au rang de vieilleries quantité de trésors, dont l'Anma. L'arrivée de techniques de massage occidentales en a également quelque peu altéré l'esprit, le reléguant au rang d'une technique de bien-être.
Mais l’Anma existe encore aujourd’hui au
Japon à travers plusieurs grandes écoles et, en tant qu’art ancien
resté très japonais, il est difficile d’accès pour nous. Il y a toutefois des
écoles et des praticiens en Occident, comme la Sojha School of Japanese HealingArts aux Etats-Unis. On y trouve de bonnes informations sur l'Anma.
Il existe enfin des avatars modernes occidentaux comme le ‘Amma assis’, fondé aux Etats-Unis dans les années ’80 et que l’on amalgame facilement avec le Shiatsu assis sur chaise. On trouve également « Anma Shiatsu », ce qui est franchement étrange.
A l'époque de l'apparition du Shiatsu (début 20ème siècle), il n'était pas question de faire explicitement référence à un art traditionnel sous peine justement d'être taxé de rétrograde, voire de se faire interdire, et le Shiatsu prit ses distances. M. Masunaga, dans 'Shiatsu et Médecine Orientale' (p. 111) nous précise d’ailleurs que « le
Shiatsu avait fait du slogan ‘le Shiatsu n’est pas l’Anma’ sa formule de guerre »
(!) afin de faire avancer la mise au
point d’une législation et qu’il avait emprunté pour cette raison sa théorie à
la médecine occidentale.
Rien à voir avec le Shiatsu, vraiment ?
Pourquoi s'intéresser à ce point à l'Anma ? Considérons ses techniques principales :
Kei Satsu Hô - 軽擦法-Techniques légères de frottement
Ju Nen (Ju Netsu) Hô -柔念法 -
Techniques de pétrissage
Shin Sen Hô- 振せ法– Techniques de vibration
Appaku Hô - 圧迫法
– Techniques de pression
Ko Da Hô
- 卯打法 – Techniques de percussion
Kyoku Te Hô
- 曲手法 –
Techniques spéciales de percussion (littéralement ‘de la main baissée’ ou ‘mélodieuse’)
Un Do Hô - 運動法
– Techniques de mobilisation, d’étirement et de réhabilitation
Kyo Satsu Hô
- 強擦法 ou
An Netsu Hô – Techniques de frottement
et rotation avec forte pression
Ha Aku Hô - 把握法
– Techniques de saisie et de compression /serrage
Cela fait furieusement penser aux techniques pratiquées actuellement dans le Shiatsu. Shiatsu signifie certes « pression avec les doigts », mais nous pratiquons frottements, pétrissage, percussions, mobilisations... qui descendent donc visiblement en droite ligne de l’Anma.
Certains n’hésitent donc pas à dire que la
combinaison de techniques d’Anma au Japon a fini par donner le Shiatsu, de même
que l’Anmo en Chine a généré le Tuina (à l’époque des Tang, 600-900 environ).
Un autre élément nous met la puce à l'oreille. M. Masunaga (Shiatsu et Médecine Orientale, p. 99) nous raconte en effet que M. Namikoshi, figure majeure des débuts du Shiatsu, exerçait d’abord en qualité de thérapeute d’Appaku Hô (une des branches de l’Anma). Il adopta ensuite le nom « Shiatsu », car « l’ayant entendu par hasard, il trouvait ce titre bon ». Or, nous venons de parler de la nécessité de se démarquer du passé et nous savons qu'une des grandes qualités de M. Namikoshi (outre son Shiatsu) était de sentir l'air du temps.
Il semble donc clair que l’Anma,est une source majeure de la pratique
du Shiatsu et les investigations de ce côté seront les bienvenues, car elles nous apprendront beaucoup sur les sous-jacents au Shiatsu et l'esprit dans lequel le pratiquer.
Plus d'infos sur les origines et influences du Shiatsu dans mon livre 'Le Shiatsu - Un Art Japonais', aux éditions du Renard Blanc.
Après avoir regardé cette vidéo sur l’importance du toucher,
sa facilité à mettre en œuvre et les spécificités propres au shiatsu, je vous
propose, comme à l’habitude, de creuser un peu plus loin.
Descendre dans les
couches plus profondes quand on parle de toucher, voilà bien le travail de
toute une vie en shiatsu.
La répétition incessante des pressions dans des conditions différentes et avec
des intentions adaptées de séance en séance développe le ressenti. On peut dire
que la pratique, et elle seule, offre une connaissance sensorielle « de
l’intérieur » tandis que les conseils de professeurs ou de collègues
offrent une connaissance (in)formelle « de l’extérieur ».
Pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer, voilà la clef. Et
entrer en résonance avec les pratiquants sincères, en recherche. Alors, il peut y avoir
transmission, ce qui est préférable au simple enseignement de choses à
apprendre.
En laissant monter ces réflexions sur la spécificité du
shiatsu et de son toucher, afin de vous les partager, il m’apparaît que ce sont
des choses que je répète souvent en cabinet quand on me pose des questions. De
même que quand on passe plusieurs fois sur un méridien ou un point, la
« réponse » change, le fait de réfléchir régulièrement à ce que nous
faisons fait évoluer sans cesse les réponses. Mais tant mieux.
La réponse est
toujours juste, en ce qu’elle reflète là où nous sommes. Il ne faut donc pas
avoir peur de dire des bêtises, mais simplement dire ce qui est là, sachant
qu’il n’y a pas de vérité absolue. Certaines personnes que nous recevons sont en recherche
et le shiatsu peut être un (premier) pas sur un chemin qui les ramène au plus
profond d’elles-mêmes. Nous sommes en Occident. On va certes plus loin avec le
ressenti, mais nous avons besoin d’explications, d’éclaircissements.
Alors, expliquons et tâchons de transmettre quelque chose en
même temps.
L’importance du toucher pour soigner
A la base du shiatsu, il y a le toucher. Quand il n’y a pas
de toucher, il n’y a pas de shiatsu. Nous avons évoqué longuement, dans un autre article,l’étymologie du mot
« shi atsu » : « pousser avec les doigts ». Toutefois,
ce toucher s’effectue de manière particulière et il y a bien une spécificité du
shiatsu par rapport à d’autres arts, disciplines, techniques.
Le shiatsu n’a évidemment pas le monopole du toucher. Les ostéopathes, les
kinés, les fasciathérapeutes, les massothérapeutes sont dans cette relation à
l’autre par le toucher. Jadis également, - mais malheureusement, cela devient
rare -, nos médecins allopathes ne posaient pas de diagnostic sans avoir
ausculté, palpé leurs patients.
Il y a cette attente, légitime, de la personne en souffrance
d’être touchée. Le toucher est apaisant, il est communication et la main qui va
là où cela fait mal signifie : « j’ai compris où est la douleur et
j’ai le désir de l’apaiser ». D’ailleurs, spontanément, nous posons
nous-mêmes la main là où se trouvent nos douleurs. Quand un client me dit avoir
envie de se toucher en un endroit précis plusieurs fois par jour, je l’y
encourage, car le corps sait où le toucher va faire du bien.
J’ai entendu quelque part que c’est ce qui se passe la nuit et que la position
que nous prenons en dormant répond au besoin de pression sur certains organes. Ainsi,
ceux qui dorment sur le côté droit pressent notamment sur le Foie, sur le côté
gauchele Pancréas ou le colon sigmoïde,
sur le ventre, l’Estomac, et sur le dos, nous soutenons les Reins, etc. La
position dans laquelle nous nous réveillons (inconscient) est évidemment plus
révélatrice que celle où nous nous couchons (conscient).
Si non e vero, e bene trovato…, car, comme nous le disions, le corps sait ce
dont il a besoin.
En recevant régulièrement du shiatsu, nous développons cette
écoute naturelle du corps et des signaux qu’il nous donne sans cesse, et nous
sommes donc mieux à même de respecter ses besoins.
Ce n’est pas qu’il faille
apprendre, cela se fait tout seul. Au fur et à mesure des séances, le corps
s’habitue au toucher, le reconnaît et l’accepte de plus en plus rapidement. Le
corps reprend sa place centrale, le mental reprend celle qui devrait le plus
souvent être la sienne, en arrière-plan du ressenti.
Comme m’a dit hier une
cliente : « je sens que des choses ont lâché ».Parfait. Pas besoin de développer pendant des
heures.
C’est de l’énergétique
Nous partageons le toucher avec bien d’autres disciplines,
mais nous ne touchons pas les mêmes choses. Nous ne travaillons ni sur les muscles,
ni sur le squelette, ni sur les fascias, ni sur le système lymphatique… même
si, inévitablement, certains points se situent sur les os, les muscles, les
articulations… Et donc, il n’y a pas de concurrence ou d’incompatibilité avec
d’autres disciplines ou de contre-indications par rapport à d’autres thérapies.
Quand un client se voit prescrire des séances de kiné pour un problème précis,
je l’encourage à y aller, mais juste pas le même jour que son shiatsu.
Comme évoqué dans un article précédent, le shiatsu n’a pas
de vocation monopolistique et nous sommes en faveur de collaborations avec d’autres
thérapeutes, aussi bien les dits « officiels » que les dits
« alternatifs » afin d’aider nos clients communs le mieux possible.
Le shiatsu, c’est donc de l’énergétique. Nous travaillons sur
les points et les méridiens décrits par la Médecine Chinoise, nous faisons des
pressions de diverses intensités et profondeurs, des connexions, selon des
rythmes différents. Il n’y a pas de fluide magique, ni de capacités
surnaturelles. Nous pressons et nous posons les mains. Il n’existe pas à
l’heure actuelle d’explication du comment ça marche, mais bien de plus en plus
d’études sur les résultats nettement établis du shiatsu. Voir le recensement
établi par la Fédération Européenne de Shiatsu, et il y en a bien d’autres,
notamment en France. (http://www.europeanshiatsucongress.eu/science-library/)
Comme en arts martiaux, sans force
Il y a pression, mais il ne faut pas de force, ou alors de
moins en moins au fur et à mesure que l’on pratique. « Beaucoup trop de
force », disait à l’occasion Sensei Kawada en nous voyant travailler.
Comme en Kyudo, où il faut arriver à bander l’arc sans force et où le lâcher de
la flèche a lieu « tout seul », en shiatsu, il faut également pouvoir
presser sans force ou, comme l’exprime Bernard Bouheret « effacer le
pouce ». Sinon, il y a dureté, douleur, et on s’épuise. Il y a bien
d’autres parallèles à tracer avec d’autres arts martiaux, comme l’aikido, ce
qui n’a donc rien à voir avec de la force, mais un travail sur les énergies en présence. Comme souvent, « less is more ».
Que l’on donne ou que l’on reçoive, il n’y a au fond qu’une
seule recette pour accroître l’efficacité : pratiquer, pratiquer et encore
pratiquer.La régularité est la meilleure garantie de résultats plus rapides et
plus stables. On peut faire du shiatsu de temps en temps ou quand on en ressent
le besoin, mais le mieux est d’installer une régularité, qui sera bien plus
payante sur le long terme. Retour aux origines, perdues presque partout, y
compris en Orient : la prévention.
L’arrière-plan est oriental
Les Orientaux s’occidentalisent, hélas, mais cela ne change
rien aux origines de l’art que nous pratiquons qui sont, elles, bien
orientales. Et donc, il serait pour le moins étrange de dénaturer notre shiatsu
en tournant le dos au Japon pour n’en conserver qu’une très approximative
inspiration.
Dans la vision Orientale, quand on touche, on ne touche pas qu’un corps. L’effet
de ce toucher dépasse le domaine matériel, le monde des phénomènes, et pour moi, c’est une spécificité.
Les Orientaux ne dissèquent en effet pas l’être humain en différentes couches,
chacune étant attribuée à un spécialiste, comme nous avons tendance à le faire.
Les points correspondent à des maux bien physiques, mais ils peuvent avoir un
aspect, une origine, une conséquence psychologiques, émotionnels, spirituels, …
Ils vont gérer des aspects très
ponctuels, voire localisés, ou s’adressent à la circulation de l’énergie dans
tout le corps. Ils prennent en compte l’intensité de la circulation de
l’énergie. Ils peuvent également être saisonniers. Le nom du point sera parfois
révélateur de ce qu’il traite ou de l’effet qu’il peut produire. Il appartient
à un système, une vision de l’Univers et de l’Homme dans l’Univers mis au point
sur quelques milliers d’années. Le livre "L'Esprit des points" de Philippe Laurent en est une magnifique et érudite illustration.
Au moment où nous pratiquons le shiatsu, ce système cosmologique
et anthropologique (l’un n’allant pas sans l’autre) est notre référence, à
l’exclusion de tout autre.
Nous sommes d’accord pour dire que le Grand Tout est
indescriptible (« Le Tao qui est nommé n’est pas le Tao ») et du
domaine du pur ressenti, mais dès le moment où nous tentons une compréhension,
nous devons bien choisir un système. Ainsi YinYang, les 5 mouvements, Ciel-Homme-Terre,
les méridiens, les différents aspects ternaires, dénaires et dodénaires … sont
des éléments du système à la base du shiatsu et donc le cadre au sein duquel
nous travaillons. On sait bien que tout système est une explication partielle
et imparfaite, mais mélanger les systèmes amène la confusion. Nous n’excluons
pas d’autres angles de compréhension pour nous-mêmes (c’est un enrichissement),
mais nous ne mélangeons pas les approches en cabinet.
Si le shiatsu plonge ses racines dans l’Orient, il n’en a
pas moins développé sa spécificité. Cette citation de Maître Kawada illustre
bien toute la complexité et la richesse de notre art. " Le shiatsu n'est pas une technique
thérapeutique clairement définie au sens occidental. Son art ou sa pratique est
d'avantage un continuum, un mélange de philosophie, d'expertise professionnelle
et d'auto-guérison, d'exercices et d'étirements, de réflexions sur la vie, et
un système sophistiqué de diagnostics intuitifs avec un arrière-plan spirituel
implicite. […] C'est une manière de vivre, une philosophie, un remède
familial efficace et un vaste système de diagnostic et de guérisons. […] En
diagnostiquant et en répondant aux phénomènes disponibles à tous les niveaux et
en mobilisant de ce fait le pouvoir de guérison inné du corps-esprit, le
shiatsu sort de toutes les catégories de médecine contemporaine standard de
l'Orient comme de l'Occident." (Yuichi Kawada)
Toucher tous les niveaux de l’Etre
Clairement donc, le toucher que nous pratiquons ne se
limite pas au physiologique.
Le toucher effectué avec le Cœur met en mouvement. En
Occident aussi, ne dit-on pas de quelque chose qui suscite en nous une
émotion : cela me touche ?
Nous travaillons sur tous les niveaux de l’Etre, s’il
fallait vraiment les distinguer. La preuve en est au cours du travail, avec des
manifestations très diverses, selon la personne, le moment, le travail
effectué, la sensibilité...
Il n’est pas rare que tout à coup une émotion surgisse, la
personne se mette à pleurer, ressente une colère, soit prise d’un rire
incontrôlé… La respiration soudain s’amplifie, s’approfondit. Il y a sensation
de froid ou de chaud. Il y a des fourmillements dans le corps. Des sensations
apparaissent le long du méridien traité, ou dans d’autres endroits du corps,
sans lien apparent. Les pensées s’apaisent, la personne entre dans un état
semblable à la méditation. Parfois s’endort. Il y a vision de couleurs, ou
d’images mentales. Un sourire apparaît soudain là où il y avait crispation. Des
tremblements ou des vibrations surgissent. Ou encore, la personne peut ne
ressentir « rien de spécial » en partant, mais les réactions se
déclenchent plus tard, ou le lendemain. Et parfois, il y a le fameux effet
« Menken », où on se sent plus mal parce que des choses doivent
absolument s’évacuer avant de se sentir mieux.
Et pourtant, si une caméra était en train de filmer, elle
n’enregistrerait que le praticien en train de faire des pressions. Il n’y a ni
thérapie émotionnelle, ni séance de psychanalyse, rien d’autre que du shiatsu,
c.-à d. : « presser avec les doigts ».
Chaque fois, l’inattendu me ravit.
Les pressions sur le corps travaillent donc sur ce que
j’appelle « d’autres niveaux de l’être », psychologiques,
émotionnels, spirituels… Est-ce systématique ? Non, uniquement s’il y a un
besoin. Equilibrer le corps se passe au sens large. Et nous sommes larges, bien
plus larges que les limites de notre corps physiologique. Nos cellules
contiennent de l’information du niveau le plus concret au plus subtil.
A certains moments, le toucher se fait plus large, comme
« impalpable » ou « effacé », mais en fait non. Que ce soit
le shiatsu fluidique développé par Bernard Bouheret, où les mains se posent à
peine après avoir bien « baratté » le corps, ou que l’on descende
dans le corps de souffle avec une pression « en sablier »… Ou encore
que l’on expérimente le Seiki, développé par Kishi Sensei, où la main se pose simplement
- « faire sans faire, toucher sans toucher » - et où les corps
entrent en résonance…
Nous entrons là dans des dimensions à explorer à l’infini
et impossibles à formuler, mais qui partent bien du toucher. Une clef de compréhension ? Souvenons-nous que
microcosme = macrocosme, simplement.
Et relisons, à la lumière de ce qui précède, la célèbre phrase de Tokujiro
Namikoshi : shiatsu no kokoro wa – le cœur du shiatsu – haha no gokoro –
est (comme ?) le cœur d’une mère – oseba : si on pousse – inochi no
izumi waku on fait jaillir les sources de la vie.
Traduction approximative, d’ailleurs, car « kokoro »,
pour un Japonais, est un concept bien plus large que l’idée que nous nous
faisons du coeur et « inochi » est un des mots pour dire la vie, mais
pourquoi celui-là ? Un autre article, un jour…
Par contre, « oseba », si on pousse, ne laisse aucun doute :
c’est bien clair qu’il faut le toucher, le fameux premier pas sur le chemin de
cent lieues.
Le corps et au-delà
Et allons d’ailleurs un pas plus loin. La pression dépasse
de loin les limites du corps et va aller influencer l’environnement. MaîtreOhashi a
parlé un jour de l’environnement de la personne comme facteur venant enrichir
le diagnostic. Je suis sûr qu’inversement, le shiatsu pratiqué sur quelqu’un
peut modifier des situations compliquées, des relations difficiles, voire le
cours d’une vie qu’on pourrait penser subir.
Car quand l’énergie de quelqu’un change, les interactions
avec le monde extérieur changent également. On dit : soyez le changement
que vous voulez voir arriver dans le monde. Changez, et le monde autour de vous
changera.
Nous sommes également le fruit de nos interactions avec
d’autres, nous appartenons à des systèmes que nous influençons et qui viennent
nous influencer et on sait bien que notre façon d’être, nos pensées, nos
émotions influencent la réponse de l’environnement proche et lointain. Jung
avait déjà fort bien décrit le mécanisme des projections : ce que nous
projetons de nous-mêmes sur l’autre revient à son tour nous influencer.
Profondément ressourçant et recentrant, le shiatsu permet
des changements profonds de l’Etre et peut donc déboucher sur des changements
de l’Etre considéré dans la « matrice ».
Eric Baret résume cela merveilleusement : « arrêter de
prétendre » être comme ceci ou comme cela, recentrer sur l’écoute, laisser
l’énergie couler librement à chaque instant.
La pyramide est sur sa base : centré et puissant dans le hara, la poitrine
ouverte, la tête paisible.
Mettez les mains
Toute considération mise à part maintenant, revenons en
séance. Praticien et client, nous sommes bel et bien et avant tout dans le ressenti.
« Mettez les mains », disait Kawada Sensei lorsque nous avions envie
de poser mille questions sur ce qu’il fallait faire et comment. Shikantatsu,
disais-je dans un article précédent : seulement pousser.
La pression de nos doigts est notre seul outil et la seule
réponse que nous ayons à toutes les questions ou les situations qui peuvent se
présenter. Je suis outré d’entendre que, dans certaines disciplines ou
thérapies, si on ne trouve pas la cause, on ne peut rien faire et on renvoie la
personne souffrante en disant qu’on ne peut pas l’aider.
La compréhension des
causes est pour moi un « nice to have », qui n’est pas toujours
indispensable ou possible. Bien entendu, il y a une réflexion, une connaissance
de la technique qui va décider d’une orientation du travail. Mais parfois, on
ne sait pas et, d’ailleurs, fondamentalement, personne ne sait. Alors, on fait.
On met les mains.
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Partagez-le. Il ira peut-être toucher d’autres encore.