Sunday 8 December 2019

Origines et racines du Shiatsu (2)


II. Cantabile – Les racines - Remettre le Japon dans la pratique


La première partie de cet article démontait quelque peu les visions romantiques d’un art du shiatsu ancré dans le Japon ancien, et questionnait les amalgames, imprécisions, erreurs historiques qui ont été commises et répétées de génération en génération.

On peut toutefois concevoir que les pionniers du shiatsu étaient à la fois attirés par les techniques nouvelles et l’envie de sauver les meubles de la Tradition ancienne. Aucune Révolution, surtout qui ne propose rien, comme celle de Meiji, n’arrive à changer l’inconscient d’un peuple. 

Les Japonais, insulaires, ont une forte conscience de leur appartenance à quelque chose de spécifique. De nos jours, la télé japonaise parcourt le Japon en quête de Japonais, producteurs, artisans… qui ont gardé un savoir du passé ou innové… Si cela n’est pas révélateur de recherche de sens…

J’ai tenté de montrer qu’à côté de la modernisation à outrance, des résurgences de l’esprit ancien se sont manifestées, tandis que d’autres s’attachaient silencieusement à perpétuer dans leur coin des pratiques authentiques.

Notre héritage


Nous avons hérité pour notre part de … quelque chose avec un peu tout cela. Après la deuxième guerre mondiale, des Sensei Japonais ont été envoyés tous azimuts enseigner en Occident les arts Japonais, anciens et nouveaux. Peut-être l’américanisation accélérée du Japon a-t-elle incité des Maîtres de certaines traditions à s’exporter en Occident pour transmettre et préserver quelque chose. 

Et donc, les Japonais ont déposé entre nos mains un héritage fragmentaire.

Le shiatsu s’inscrit dans cette mouvance. Et nous avons, selon notre âge et notre lieu de résidence, étudié, soit avec un Japonais (qui ne dit et ne montre que ce qu’il veut bien), soit avec quelqu’un qui se situe quelque part dans cette filiation, a adapté, interprété, choisi des parties d’enseignement et laissé d’autres… 

Comme pour les recherches historiques, nous avons hérité de quelque chose au sujet duquel nous ne pouvons pas trop affirmer.

On voit bien la complexité de la filiation, entre le rêve du Japon ancien et authentique et tous les glissements qui ont pu s’opérer.

Est-ce à dire que nous sommes finalement incapables de définir exactement ce que nous faisons ?

Oui.

Est-ce à dire que nous ne savons pas ce que nous faisons ?

Non.

La pratique… C’est là qu’on nous attend.



Car cela va être à nous, Occidentaux, fascinés par la culture traditionnelle japonaise et aidés finalement par la distance avec le Japon, de petit à petit remettre le temple au sommet du village.
Non pas en portant le kimono et en mangeant des sushi (soit dit en passant, encore une invention moderne), mais en cherchant, en travaillant avec humilité et sincérité, dans le ressenti et l’ouverture du cœur (kokoro).

C’est bien plus une question d’attitudes à cultiver et qui nous rapprochent, instantanément, de l’esprit du Japon traditionnel.

Quelques pistes :


  • Renouer avec la chaîne de transmission du savoir expérimental, càd remettre à l’honneur l’apprentissage par la pratique, la rencontre de praticiens qui montrent ce dont ils ont hérité ou ce qu’ils ont trouvé en travaillant, s’en inspirer, chercher et transmettre après maturation notre propre expérience ;
  • Renouer avec un temps centré sur la Vie (les 5 Mouvements notamment), vivre et travailler en accord avec les cycles de la Terre, être attentifs aux messages subtils de l’environnement et s’y accorder ;
  • Sentir l’omniprésence de la Vie en nous, autour de nous, en toutes choses, travailler en interrelation, laisser monter le ‘frémissement’ (comme disent les Tantriques), laisser advenir, jaillir le courant de la Vie ;
  • Travailler dans l’instant présent, s’axer sur le processus et non escompter un résultat objectivé, planifié ou prévisible, être pleinement dans le souffle et dans la pression ;
  • Développer notre sensibilité, avoir la conscience de l’intangible à partir du tangible, des flux d’énergie, devenir de plus en plus sensation ;
  • Laisser émerger les phénomènes spontanés, sans toutefois les rechercher ou s’y attacher, donner de l’espace, de l’amplitude, accueillir l’imprévisible, savoir improviser ;
  •  Développer notre expérience intérieure et travailler à notre ‘purification’ (au sens Shinto, enlever les kegare, impuretés) pour laisser émerger notre nature originelle ;
  • Développer une attitude intérieure d’invitation et d’accueil, une ‘passivité’, en résonance ;
  • Ressentir l’énergie vitale et se laisser porter, développer une conscience claire et non-troublée ;
  • (Ré)-inventer nos katas en séance, càd les formes par lesquelles le courant de la Vie pourra s’écouler et l’inattendu pourra surgir.

    Le travail en seiza est déjà en soi un kata de la réceptivité, avec des corollaires : diminuer la force, effacer la présence, travailler sans tension, traverser la douleur, diminuer la part de la volonté, s’installer dans la stabilité.

    Lorsque je pratiquais le Kyudo, art martial où les katas sont très importants, entre l’entrée dans le kata et la sortie, j’étais pris dans une espèce de mouvement hors du temps et qui se suffisait à lui-même. On se sentait porté et capable de faire des choses difficiles (s’harmoniser à l’autre, tenir longtemps des positions douloureuses, sentir le mouvement dans l’immobilité…)

    I
    nventer des formes pour pratiquer, sans rigidifier pour autant, permet d’entrer facilement dans la dimension de la pratique. Entrer en chaque séance comme dans un Kata, dès que nous entrons dans le champ de notre receveur et que celui-ci nous accueille. 
    Le travail en Kata implique de travailler avec la bonne intensité, au bon moment et avec la bonne distance.

    Dans le même ordre d’idée, l’espace où nous travaillons peut être ritualisé, de même que la préparation à la pratique ;
  • Garder la conscience de travailler entre Ciel et Terre, les genoux dans la Terre et la Tête au Ciel, connaître notre place, à l’image de l’idéogramme du Roi (cfr texte précédent A quoi ressemble une séance de shiatsu), développer le centre et ne jamais le perdre ;

La forme


Dans son excellent article cité plus haut, M. Noguchi parle des artisans japonais qui ne prétendent jamais avoir réalisé quelque chose (le pronom ‘je’ n’est normalement employé que pour éviter la confusion), mais disent que le travail s’accomplit, spontanément, de manière improvisée, grâce à une force qui n’est ni de la volonté ni de la tension.

Et donc, pour nous qui pratiquons un Art japonais, non pas je fais du shiatsu, mais le shiatsu s’accomplit, comme quelque chose de naturel. Grâce, bien entendu, au savoir-faire de l'artisan.



Ces quelques aperçus de ce que nous pouvons travailler ne sont pas présentés de façon très ordonnée, ils représentent quelques exemples de ce qu’on peut pratiquer en séance et de la façon d’apprendre. Ces attitudes nous replongent dans le Japon ancien, sans pour autant être un spécialiste du Japon.

La formule


Et après la forme, seulement, vient la formule (qui est une petite forme, diminutif latin), càd qu’on peut évidemment partir à la recherche d’éléments de savoir, culturels, théoriques, historiques, voire même savants. Dans l’ordre : la forme, puis la formule. ‘ Grâce aux pratiques du corps, accepter le savant et le spéculatif’.

Et donc, oui, allons voir le Japon, allons ressentir là-bas, étudions les arts martiaux, lisons les documents anciens, pratiquons la méditation, une spiritualité japonaise, exerçons-nous à la calligraphie de kanji, étudions différents styles de shiatsu, cuisinons Japonais, que sais-je ?... et voyons comment tout cela peut enrichir notre pratique. 

Chacun, en fonction de ses affinités, aimera nourrir sa pratique d’éléments extérieurs, créer des ponts, faire des analogies (pensée orientale oblige).  

Soyons curieux, dépassons les lieux communs pour développer les champs de l’expertise. Et partageons nos trouvailles.

Sans oublier que nos premiers enseignants sont nos receveurs, dans la pratique, au quotidien.

Pratiquer, pratiquer et pratiquer


Nous n’arriverons pas à faire progresser l’intérêt pour le shiatsu en inventant une vérité  ou revendiquant une légitimité. Le travail sur nous-mêmes est la première chose à faire quotidiennement et la Voie est bien celle du corps.  A partir de là, nous pourrons redécouvrir une authenticité proche de l’esprit japonais, et remettre ainsi le temple au sommet du village.

Entre Ciel et Terre. Pour que l’on puisse entendre le chant du shiatsu sur les flux stochastiques de notre monde troublé.

Je citerai pour terminer la conclusion d’un collègue suisse, Peter Itin, après qu’il ait tenté de démêler les origines du shiatsu : ‘les noms ne m’intéressent plus, mais bien l’histoire (history) du Shiatsu, une histoire (story) entre technologie et temple, dans le champ relationnel science/modernité et spiritualité/tradition’.





Origines et racines du Shiatsu (1)

I. Agitato – Les origines  - Mythologie et mythomanie autour du shiatsu


Quelles sont les origines et les racines de notre art ? Grande question.  Au fond, nous savons que notre shiatsu est un art japonais. Mais dans quelle tradition nous situons-nous ? Quelle filiation ?

Poser cette question, c’est oser se remettre profondément en question. Après avoir lu et vu pas mal de choses, je vous livre mon ressenti.

Faire du shiatsu, c’est développer son ressenti. Comprendre le shiatsu se fait, en tout premier lieu, par le ressenti.


Le voici, en deux parties : 

  • Agitato, les origines : remuons bien les idées, les histoires, regardons le Japon contemporain de l’apparition du shiatsu et le Japon actuel, secouons le joli sakura légendaire pour voir ce qu’il en tombe ;
  • Cantabile, les racines : voyons comment la pratique authentique et joyeuse peut nous ramener aux racines et laissons monter le chant du shiatsu.

I. Agitato – Les origines  - Mythologie et mythomanie autour du shiatsu



Etrange manie de l’homme que de vouloir à tout prix établir une filiation légitime qui remonte à la nuit des temps. Ainsi faisaient les Rois pour leur dynastie, ainsi faisons-nous tous un peu. L’ancien est signe de sérieux.

On entend beaucoup de discussions et on raconte beaucoup d’histoires contradictoires au sujet du shiatsu et de ses origines. Démêler le vrai du faux va être très compliqué, pour plusieurs raisons : 

  • Les origines sont au Japon, très peu sont capables de lire les sources et même les Japonais ne s’y retrouvent  pas. Ainsi, quand Jean Herbert, dans les années ’60 écrivit sa somme sur le Shinto ‘Aux origines du Japon’, il consulta sur le terrain des dizaines de sources contradictoires. La contradiction ne dérange pas les Japonais ou alors ils disent ‘on ne sait pas’, peut-être une façon de dire ‘ce ne sont pas vos affaires’.
  •  L’obsession de l’Histoire objective est bien Occidentale. Nous voulons absolument être sûrs qu’un événement a eu lieu. Un Oriental accorde plus de valeur à ce que raconte un événement, peu importe s’il a eu lieu. Ainsi ne saura-t-on sans doute jamais si l’Empereur Jaune a bien existé en Chine, par contre le Classique de l’Empereur Jaune est fondamental pour la Médecine Chinoise.
     
  • Céline qualifiait Sartre d’’agité du bocal’. Nous sommes, nous aussi, des agités, sans cesse à l’affût de nouveauté, de sensation. Nous aimons nous raconter des histoires… fabriquant des mondes et des modes, créant des liens éphémères, des mythes, des écoles, des oppositions, des rivalités, écrivant des hagiographies… Et tout cela ajoute encore au flou ambiant.

Voyage au pays du shiatsu ?


C’est mon 4ème voyage au Japon et on me demande à chaque fois si je vais y faire un stage. Non, car il vaut mieux être introduit et, de toute façon, tout étant en Japonais, je n’y comprendrai rien. J’ai appris avec un Japonais, Maître Kawada, qui m’a transmis le shiatsu pratiqué par un Japonais. Mon Sensei de Kyudo, Jean-Pierre Vlasselaer, fin connaisseur du Japon, m’a également ouvert la sensibilité et la compréhension. 

Après, pour comprendre une culture étrangère, comme le décrit très bien Emile Steinilber-Oberlin (in ‘Le Bouddhisme Japonais’), il s’agit de faire ‘un effort personnel de sympathie compréhensive et de sincérité d’âme’. En d’autres termes, abandonner nos grilles de lecture, nos certitudes et nos jugements pour nous ouvrir à ce qui est vraiment là.

Alors, quand je vais au Japon, je regarde, je m’imprègne, je perçois, je m’incline et je cultive la pensée analogique chère aux Orientaux.

Il faut avouer que le shiatsu, même reconnu par l’Etat Japonais depuis plus de 50 ans, n’y est pas très visible et que prononcer le mot ‘shiatsu’ devant des Japonais qui vous demandent votre métier suscite, la plupart du temps, l’incompréhension. Ils percutent quand on commence la phrase de Namikoshi ‘shiatsu no kokoro wa…’ A ce moment, ils lèvent les pouces et se mettent à rire, parce qu’ils ont vu cela… à la télé. Tokujiro Namikoshi était en effet un personnage médiatique qui intervenait souvent à la TV japonaise. Il a véritablement popularisé sa conception du shiatsu.

Clairement, les Japonais d'aujourd'hui ne sont pas occupés avec ‘ces choses’, mais bien plus à travailler, faire du commerce, consommer, ne pas se faire inonder ou balayer par une tempête et,
surtout, multiplier les plans pour survivre… On perçoit une pauvreté et des rémunérations insuffisantes. Dès qu’on s’éloigne des villes, la population chute, beaucoup de maisons et de parcelles sont à l’abandon… Bien sûr il y a de l’artisanat de grande qualité, des lieux spirituels très visités, des biens classés ‘Trésors Nationaux’… Il y a surtout des communautés locales qui vivent sur elles-mêmes, sont ravies de vous accueillir quelques heures puis soulagées de vous voir repartir, et, non, tous ces gens ne boivent pas de matcha, ne mangent pas de cuisine kaiseki et ne font pas de méditation Zen une heure sur un zafu.


Le shiatsu, comme bien d’autres choses, entre plus dans notre vision romantique du Japon que dans le  ‘top of mind’ du Japonais moyen d’aujourd’hui.

Des origines floues


J’ai beaucoup d’admiration pour le courage de mes collègues du Groupe Facebook ‘History of Shiatsu’ qui se sont mis à chercher récemment des sources historiques et vont de surprise en surprise. Il faut, en fait, revérifier toutes les sources, faire un travail de traduction et ne pas répéter les ‘vérités’ communément acceptées, ni croire les hagiographies.

A l’image des dragons peints sur les plafonds de certains temples, les prémices du shiatsu se fondent en méandres infinis et de véritables labyrinthes d’écoles, de techniques, de styles se révèlent à la recherche, tant pour le shiatsu que pour les arts qui l’ont précédé et dont il a repris des éléments à divers degrés, les plus connus étant l’Anma et l’Ampuku. Si on frappe des mains sous le dragon, il répond. Il faut juste trouver l’endroit et la hauteur exacts.

Du travail de recherche effectué à ce jour, je retiens, pour ce propos, plusieurs faits généraux : 
  •  Le mot Shiatsu est bien apparu dans un livre écrit au 20ème siècle par un certain Tempeki  Tamai, ouvrage qui a connu plusieurs éditions et donc dates de parution à partir de 1939 (et non 1919) ;
  • Quand on regarde ce livre (jamais traduit à ce jour), il y a des pages entières consacrées à des planches d’anatomie… occidentale et d’autres encore à des points avec des numéros d’ordre… sans pour autant avoir des tracés de méridiens ;
  • D’autres sources indiquent que Tempeki Tamai parlait de pouvoirs spirituels pour guérir avec les mains et chantait en traitement le Hannya Shingyo, Sutra du Cœur bouddhiste. Rien à voir avec les traitements actuels.
     
  • Il semble n’y avoir AUCUNE filiation ou rapport entre le shiatsu et les arts japonais anciens (le ko ryû : arts traditionnels précédant l’ère Meiji – 1868). Par contre, il y en a avec le Gendai Budô, les arts martiaux apparus après Meiji (judo, aikido, karate,kempo…)    

Travail de recherche salutaire, donc, qui nous ramène à deux valeurs fondamentales :

  •  Humilité : c’est compliqué.
  • Sincérité : nous ne savons pas grand-chose, et ce que nous savons aujourd’hui sera remis en question demain.

Les origines précises de notre art sont décidément bien floues, il n’y a pas de vérités éternelles.

Faire le lien entre le shiatsu et son époque


Par contre, examiner de plus près l’époque qui a vu naître le shiatsu va nous apprendre beaucoup, car on ne peut dissocier l’émergence d’une idée ou d’une technique du terrain qui l’a nourrie.  Un remarquable article découvert récemment, écrit en 2004 par M. Hiroyuki Noguchi et traduit de l’Anglais par l’école Itsuo Tsuda m’a permis de mieux sentir le contexte qui a précédé l’apparition du shiatsu. 

C’est important de s’attarder un peu sur cette époque pour comprendre.

Lorsque l’Occident a forcé le Japon à sortir du splendide isolement imposé depuis deux siècles par le Shogunat, toutes les valeurs traditionnelles ont non seulement été dénigrées, mais reniées, au nom de l’imposition d’un ordre nouveau.



L’ère Meiji (1868 - 1912), et dans sa suite Taishô (1912-1926) et Showa (1926 -1989), s’est ainsi employée à faire entrer le Japon dans le concert des nations modernes et a posé l’Occident comme modèle, en imposant :

  • Mode de vie occidental : habits, chaussures…
  • Changement d’alimentation : pain, lait, viande, café, aliments raffinés…
  • Destruction des symboles du passé : cerisiers sauvages…
  • Création du Shintoïsme d’Etat et persécution du Bouddhisme
  •  Interdiction du théâtre Nô
  • Arts occidentaux : peinture, architecture, musique, techniques de construction…
  • Introduction de la médecine occidentale, éradication de la médecine chinoise, suppression de l’acupuncture japonaise au profit de la chinoise
  • Déconnexion de la relation aux cycles naturels (calendrier…)
  • Industrialisation accélérée : usines, chemins de fer, banques, télégraphe…
  • Suppression des samouraïs et création d’une armée axée sur la conquête et la guerre
  • Système d’éducation occidental : universités…
  • Renouveau de la morale confucéenne, pragmatique et agnostique, s’accordant avec les enseignements occidentaux...



Tout ce qui faisait la sensibilité et la spécificité du Japon a donc été déconsidéré, voire interdit. La culture traditionnelle a été complètement démantelée.

Sophie Makariou, dans son introduction au catalogue de la magnifique et récente exposition au Musée Guimet  ‘Meiji, Splendeurs du Japon Impérial’ nous dit que ‘l’ère Meiji fit passer le Japon à l’Ouest, sans pour autant le faire renoncer complètement à lui-même’ et parle bien d’une ‘acculturation’, de la préservation de formes traditionnelles et de la création de nouvelles formes artistiques suite à la ‘marche forcée vers le progrès et l’adaptation au goût d’un marché extérieur’. En l’occurrence, l’Occident, fasciné par le Japonisme. 

Cette fascination allait se renouveler après-guerre et jusqu’à ce jour, avec les arts martiaux, la méditation… et se poursuit peut être encore maintenant avec l’intérêt grandissant pour le shiatsu.

Au début du 20ème siècle, l’euphorie des premières années de ‘découverte’ forcée de l’Occident est passée, le Japon est engagé dans des conflits internationaux, la machine de guerre court déjà à sa perte. 

Danielle et Vadime Elisseef  (‘La Civilisation Japonaise’) parlent même de ‘l’impossibilité grandissante de concilier le respect traditionnel de la société confucéenne et l’épanouissement individuel tel que le prônaient les formes d’expression occidentale. Mélancolie, pessimisme, accablaient l’homme moderne condamné à l’isolement, mal à l’aise entre deux mondes’.

Dans ce contexte psychologiquement et culturellement instable apparaît le shiatsu, quelque part lors de l’ère Taishô.

Il ne peut donc  absolument pas se profiler comme un art traditionnel
. Au contraire… 

M. Masunaga (Shiatsu et Médecine Orientale) nous précise bien que son cri de guerre (!) était ‘le Shiatsu n’est pas l’Anma’ et qu’il avait emprunté toute sa théorie à la médecine occidentale pour mieux se démarquer de l’Anma. L’Anma, c’est précisément un art traditionnel du massage japonais, déjà en perte de vitesse avant les réformes, et qui ne pouvait qu’être classé au rang des vieilleries à éliminer avec le reste. Pratiqué essentiellement par des aveugles, des personnes âgées, il n’a sans doute dû sa survie que par la nécessité d’occuper ces gens à quelque chose, sous peine de les avoir à charge. Idée inconcevable à l’époque au Japon… et même aujourd’hui.

M. Masunaga, toujours lui, pourtant plus proche des sources et parfaitement à même de les comprendre, avoue, dans sa tentative de démêler les débuts du Shiatsu, parler d’’affaires’ et d’ ‘impressions’ recueillies dans le but  de trouver dans celles-ci une direction d’avenir pour le shiatsu (Origine du Shiatsu, 1977). Comme nous le disions au début… l’histoire objective n’intéresse pas les Japonais. Et il ajoute que ‘bien que l’appellation de Shiatsu soit maintenant devenue un terme internationalement connu, la réalité mêlée que celle-ci recouvre, venue du temps de sa création, subsiste toujours’.




Il m’apparaît donc que ce n’est pas changé et que, plus on cherche, moins on trouve, ou, en tout cas, moins on trouve ce qu’on a envie d’y trouver, à savoir que le shiatsu serait un art plurimillénaire plongeant ses racines dans un passé mythique, ce qui lui donnerait à coup sûr (et à ses praticiens) une incontestable et prestigieuse légitimité.

Non au Tout à la Chine


Dans le même ordre d’idées, on voit actuellement beaucoup de raccourcis amalgamant philosophie, culture, médecine chinoise et japonaise… sous prétexte que les Japonais ont tout emprunté aux Chinois et qu’étudier les formes chinoises,  c’est comprendre la forme japonaise.

Il faut d’abord bien voir que les Japonais, curieux de nature et plutôt tolérants à toutes les influences, ont une méthode bien à eux d’intégrer les influences étrangères.

Comme l’écrit Emile Steinilber–Oberlin (in ‘Le Bouddhisme Japonais’) : ‘Comme un sable tamisé, les doctrines indiennes et chinoises furent passées au crible, pour n’en garder que l’or, et le Japon refondit cet or à l’image de son génie multiforme, idéaliste et réaliste, poétique et pratique, constructeur’.   

Bref, au final, la version japonaise n’est pas la même que l’original.

Ensuite, j’ai pu constater sur place bien d’autres influences que la chinoise, indigènes ou non : 

  •  Il a fallu 5 minutes dans une pharmacie pourtant de médecine chinoise pour m’entendre dire que les Japonais de la région d’Izumo ont une phytothérapie traditionnelle bien à eux, déjà décrite dans le Kojiki, et que ces « herbes mystérieuses » sont l’expression de l’esprit des gens de l’Ancien Izumo. Rien à voir avec la Chine, ni, d’ailleurs, avec le culte impérial japonais dont le temple d’Izumo ne veut rien savoir.
  • La première capitale du Japon, Asuka, est entourée de tumuli… coréens et plusieurs empereurs et grandes familles japonaises proviendraient bien de Corée.
  • Okinawa, le royaume de Ryukyu a des influences clairement polynésiennes, une histoire à part et un Shintoïsme bien à lui.
  • Encore aujourd’hui, la mémoire du Satsuma dans le Kyushu est bien vivante et ce territoire jadis indépendant ne se sent pas du tout Japonais de Honshû.
  • Les symboles du magatama et des tomoe sont indigènes et largement antérieurs au symbole Chinois du Taiji (11ème siècle), mais, curieusement, cela ne semble interpeller personne.
  • Parmi les divinités vénérées au temple de Kurama dans la Trinité du Sonten, on trouve un visiteur de l’espace, un gardien hindou du ciel et Kannon Boddhisattva. Un beau mélange…
  • Beaucoup de temples bouddhistes présentent des statues de Fudo Myô, entouré de flammes et clairement indien dans sa représentation. 



Et ce ne sont que quelques exemples dont je me rappelle…

Les influences diverses ne sont pas seulement anciennes… Que dire justement de la modernité occidentale introduite par Meiji, passée au crible de l’esprit Japonais, qui fait qu’un train ou une voiture, l’organisation d’une ville, la folie consumériste sont reconnaissables pour nous mais avec des accents très différents… Et qu’est-ce qui est Japonais dans la manie d’installer dans les endroits les plus isolés des toilettes publiques d’une propreté irréprochable ? Ce n’est pas Occidental, en tout cas.

Si on veut regarder les influences étrangères, il faudra donc regarder bien au-delà de la Chine, dans toutes les époques et il faudra surtout comparer les originaux avec les versions finales japonaises.

Quant au shiatsu, la filiation japonaise n’est déjà pas claire, alors, comment déterminer avec précision les influences étrangères ?

Ou faut-il en conclure que le shiatsu est inclusif, càd qu’on peut mettre dedans des choses très diverses et qu’effectivement, comme le dit M. Masunaga, le Shiatsu est une forme de pratique vraiment personnelle, au point qu’on puisse dire ‘un thérapeute, une école’ (Shiatsu et médecine Orientale). Le shiatsu n’est pas quelque chose de figé et de codifié.

Mais est-ce donc  à dire qu’il n’y a plus rien de la Tradition ancienne dans le shiatsu ?

Un double mouvement


Tant en Occident qu’en Orient, à partir du moment où le socle culturel et spirituel est opprimé, il y a des résurgences. Répression implique expression souterraine. L’énergie cherche son chemin. La Tradition et ses arts, décriés ici comme au Japon cherchent des conservateurs, des porte-paroles, des rénovateurs, des canaux d’expression.

Elle les trouve donc :
  • Dans ceux qui, en silence, perpétuent les anciennes traditions et transmettent en secret jusqu’à des temps plus favorables. Ces lignes de transmission se perpétuent encore aujourd’hui. Le Japon reconnaît fort heureusement ces ‘Trésors Nationaux Vivants’, mais il y en a bien d’autres. Il faut les trouver et s’y abreuver. Certains ne nous sont pas accessibles.
  • Dans ceux qui, inspirés, réinterprètent à leur manière moderne des éléments anciens. Ce sont tous les mouvements ‘néo-quelque chose’. On l’a vu chez nous (néogothique par ex.) et on constate au Japon aux 19ème et 20ème siècles une ébullition de sectes néo-shintoïstes, par exemple. On s’aperçoit qu’il y a dans ces mouvements un réel ancrage historique, une volonté d’authenticité, une sincérité, du vrai et du faux, des pépites et beaucoup de fatras.

Le  shiatsu, né dans une époque de destruction et de réinterprétation en même temps, avec un besoin plus ou moins conscient de préserver certaines choses, ferait donc plutôt partie de ces mouvements ‘néo-traditionnels’. Mais il a préservé en son sein des choses bien plus authentiques, il nous montre des pistes à explorer, des pratiques à retrouver ou réinventer.

Pour résumer :

  • Il est donc tout à fait pensable que le mot ‘shiatsu’ a été créé pour perpétuer quand même un courant existant de thérapies manuelles, en minimisant en apparence les pratiques du passé et en s’ouvrant à des techniques occidentales. Il fallait que ça fasse « moderne », c’était la seule façon d’être un jour reconnu.
  • Auquel cas notre shiatsu des origines est plutôt un syncrétisme, une espèce de phénix sortant des cendres des thérapies manuelles, dans une époque qui avait perdu tous ses repères…
  • Très rapidement, diverses techniques et écoles très diverses sont apparues sous le nom de shiatsu
  • Cette diversité et les histoires colportées autour rendent difficile une description précise du shiatsu des origines (non pas un, mais des shiatsu ?), de même qu’il est difficile d’identifier la part des apports de la tradition ancienne Japonaise, des influences étrangères et de la modernité.  On peut admettre qu’il y a les trois.

On ne peut pas trop affirmer : soupçon de mythologie, danger de mythomanie



Alors, que faire ?

Face à cette nébuleuse à des années-lumière de nos capacités de perception intellectuelle, deux attitudes me semblent possibles :
  • Pour ce qui est de la compréhension, adopter l’attitude des Japonais telle que bien résumée par Emile Steinilber-Oberlin (in ‘Le Bouddhisme Japonais’) : ‘Le Japon ne rejette jamais rien, il assimile’. Pratiquant un art Japonais, que notre attitude soit la même : ne pas fermer, ne pas rejeter, ne pas rigidifier, ne pas décréter ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas, mais examiner et transformer, faire évoluer.

    N
    ous n’avons pas besoin de passé prestigieux, de légende dorée, et nos receveurs encore moins. Mais nous pouvons en faire quelque chose.
     
  • Le Japon s’est perdu, et nous avons perdu le Japon… Les brumes entourent les valeurs et les techniques du passé. Notre quête va consister à remettre quelque chose de l’esprit du Japon ancien dans le shiatsu, càd de pratiquer pour le retrouver. La Tradition est bien là, dans notre pratique.

Des idées pour faire cela ?


Monday 12 August 2019

The Japanese Art of Shiatsu


This contribution for English speaking customers and colleagues.

Trying to know what Shiatsu exactly is ?

Please follow the link to the website for a full article in English.



This article has been previously released in French on this blog.

To read it in French:

http://shinmonshiatsu.blogspot.com/2018/08/le-shiatsu-un-art-japonais.html

ENJOY ! 


Wednesday 10 July 2019

Travailler sur votre corps, changer votre vie, changer le monde



Les effets du shiatsu dans l’espace-temps


Dans cette vidéo, j’évoque rapidement les changements que la pratique régulière du shiatsu peut apporter dans votre corps et, par la suite, dans votre vie, notamment en matière alimentaire.

En effet, si le rééquilibrage énergétique se ressent en tout premier lieu par l’installation d’une détente, la disparition d’une tension, l’allègement d’un symptôme, un sentiment de bien-être... un autre travail se fait graduellement en profondeur. 




Comme toujours, recevoir régulièrement un shiatsu est la meilleure façon d’expérimenter des changements à tous les niveaux, sur vous-même et même… autour de vous.

Non pas que ce soit systématique, ou un but en soi, mais si ces changements sont nécessaires, ils apparaîtront au grand jour et vous trouverez la force de les réaliser.

L’image pourrait être celle d’un caillou jeté dans un étang. Le caillou va faire jaillir de l’eau avant de remuer les profondeurs d’habitude immobiles (axe vertical), voire soulever un peu de vase, tandis que des ondes concentriques se propagent, de plus en plus larges (axe horizontal). Ces axes verticaux et horizontaux se retrouvent à la base même, dans l’étymologie du  mot « shiatsu » - voir article précédent « Ce que peut vouloir dire shiatsu » .

Développons donc l’analogie (manière très chinoise de penser, je vous rappelle) entre un traitement shiatsu et un caillou jeté dans un étang et suivons son mouvement vertical, tout en tentant d’identifier la nature des cercles concentriques qu’il propage horizontalement autour de lui.



Déjà avant de commencer la séance…


Nous parlons de shiatsu, donc nous sommes clairement dans la matière et en même temps, nous touchons à des énergies bien plus subtiles.  L’image du caillou qui crée des ondes en rappelle une autre, plus immatérielle, celle du champ gravitationnel, tel que décrit par la théorie de la relativité générale d’Einstein.

Aurélien Barrau sera ici un bon guide. Cet astrophysicien est justement célèbre par sa capacité à expliquer clairement les théories les plus abstraites.

En préparant cet article, je suis tombé sur une de ses conférences sur le Temps (vous pouvez la regarder, mais elle nous entraîne loin du shiatsu).


Il y explique ceci, qui va bien nous intéresser pour nos shiatsu : l’espace et le temps se distordent eu égard à la présence des corps. On ne peut plus penser comme si les corps étaient plongés dans l’espace et le temps (vision Newtonienne), car Einstein nous a appris il y a un peu plus d’un siècle que l’espace et le temps sont en interaction avec les corps. La manière dont ceux-ci varient dépend donc de ma présence. Il y a interaction réciproque. 

L’espace-temps est un raz-de-marée, nous sommes des vaguelettes sur ce raz-de-marée, et nous avons une maigre influence sur sa structure. Quant au champ gravitationnel de la Terre, il est plus intense au niveau des pieds que de la tête et donc, les pieds vieillissent moins vite. La présence d’un objet massif, la Terre, influe sur l’écoulement du temps (et il paraît même que nos GPS incluent ce paramètre pour une localisation précise). 

Il y a ici deux idées intéressantes pour nous :

  1. La seule présence d’un corps tord l’espace-temps, donc, même à notre petit niveau, s’installer à côté de notre client va modifier immédiatement les paramètres de son existence ;
  2. Le temps s’écoule moins vite plus on se rapproche du sol. Se coucher par terre donne d’office une pulsation plus lente.

On savait que la séance commence dès la prise de contact, mais la science nous explique donc ce qui se passe dans l’espace-temps. 

Notre seule présence va influencer, d’où l’importance de la qualité de la présence, tranquille et aimante, et qui par moments sera même effacement et absence. Travailler sur les autres, c’est d’abord beaucoup travailler sur soi !

Quant au travail au sol, il n’est plus seulement une tradition japonaise ou une manière d’ancrer dans la Terre, la science nous dit qu’il ralentit (infinitésimalement, mais quand même) l’écoulement du Temps.

Voilà pour l’image globale (the big picture) et vous remarquerez l’analogie de la courbure de l'espace-temps avec la photo de la pierre qui vient de tomber dans l’étang.

Et maintenant, passons au toucher.



Les effets immédiats du toucher


Le toucher, c’est la porte d’entrée et la signature du shiatsu. Il y a l’effet immédiat, le caillou touche la surface de l’eau. Et des choses bougent.

Parfois, poser les mains suffit déjà pour sentir. Le corps se détend, un soupir s’exhale, la respiration s’amplifie, les yeux se ferment. On peut même sentir comme une plongée, effectivement.

Même pour quelqu’un dont c’est le premier shiatsu, il y a un effet immédiat. Souvent, en fin de séance, la personne reste tranquille, n’a pas envie de bouger, reste allongée les yeux fermés. Rester dans le ressenti et goûter à l’instant : c’est parfait.   

Je laisse un peu de temps entre deux séances pour ne pas, justement, devoir se jeter à nouveau trop vite dans le flux du temps linéaire. Je finirai par installer un deuxième futon, de sorte que ceux et celles qui le souhaitent n’auront pas besoin de se lever et de partir tout de suite pour laisser la place au suivant.

La détente induite semble bien effacer toutes contraintes de temps : je n’ai encore jamais vu quelqu’un sauter sur sa montre en fin de séance. 

Le visage parle. Il faudrait prendre une photo à l’entrée et à la sortie de la séance. Je dis souvent, au moment de se lever du futon : ah bien, ce n’est plus la (le) même.

C’est important de rester dans le ressenti goûté en séance. J’attire l’attention là-dessus, car après, c’est possible de le retrouver. Même si, souvent, il faudra plus qu’une séance…



Les effets à long terme du toucher



Quand on a pu être présent dans son corps et dans l’instant, le corps reprend peu à peu la place qui est la sienne, au quotidien. Le vortex créé par le caillou descend dans les profondeurs.

Je dis toujours à mes clients de s’observer au cours des jours qui suivent la séance : tout changement, par rapport à ce qu’on a voulu traiter, ou de toute autre nature est en effet intéressant à noter. Il peut y avoir une intensification temporaire des douleurs, nécessaire à une amélioration durable (le dit « effet Menken »). Mais pas systématiquement, uniquement quand quelque chose doit être évacué.

Les personnes qui ont pris l’habitude de venir régulièrement disent toutes qu’elles vont bien de façon générale. Non pas que le travail soit terminé, il y a toujours bien des déséquilibres. Mais le shiatsu retrouve son sens premier : ne plus tomber malade.

La répétition des séances amènera un effet à long terme, une espèce de consolidation, d’inscription dans la durée. Le corps sait, reconnaît. Il existe de nombreuses visions du corps, avec des niveaux d’énergie, du plus dense au plus subtil, du purement physiologique aux vibrations spirituelles de l’aura et au-delà. Un Oriental, de toute façon, considère la globalité. Et donc, les pressions sur les points travaillent bel et bien en même temps les aspects physiologique, émotionnel, psychique, spirituel… 

Les émotions sont un aspect important. L’émotion est un ressenti qui pointe toujours vers la plénitude, vers le contentement, dit Eric Baret. 

Et nous savons que le Shen seul ressent les émotions, même si celles-ci agissent sur les organes. 

L’Emotion première et ultime, dont les autres ne sont que des altérations, c’est la Joie de vivre. Et très souvent, au long des séances, l’humeur s’améliore : les séances de shiatsu deviennent des échanges joyeux. Des choses lâchent. Les nuages qui cachaient la lumière s’estompent et le soleil réapparaît. Sol Invictus. Shen = Ciel = Joie = Empereur.

Voilà que l’axe vertical créé par notre caillou part du fond de l’Eau symbole de l’Inconscient et rejoint le Soleil, pas seulement celui qui se reflète dans l’Eau. Nous sommes à nouveau, par le toucher, dans l’axe vertical Ciel/Homme/Terre.


Au-delà du corps : la prise de substances


Intéressons-nous maintenant aux effets horizontaux, ces cercles concentriques qui s’élargissent jusqu’à toucher les bords visibles de l’étang. C’est-à-dire : à distance toujours plus grande du point d’impact. Et d’abord, ce que j’absorbe de l’extérieur.

Puisque le corps reprend la direction des opérations, le ressenti va devenir plus présent. En matière alimentaire, notamment, ou de façon plus générale, dans la prise de substances, comme l’alcool, le tabac…

La sensibilité à « ce qui ne me fait pas de bien » prend le dessus sur les addictions, les assuétudes comme on dit, qui résultent d’un déséquilibre à compenser, généralement un manque affectif ou une fascination du mental.

Le corps réagit, mal, à ce dont il n’a pas besoin.  Ici, la norme est différente pour chacun. Et il faut évacuer la culpabilité : simplement savoir, que, si je cède à un besoin nocif pour moi, je ne serai pas bien, après. Cela permet d’espacer les excès, sans les supprimer. 

Face à la prolifération de régimes alimentaires frustrants et culpabilisants, tous contradictoires, je teste et ne garde que trois règles : je prends ce qui me fait du bien, en quantité raisonnable et je fais un « excès » de temps en temps. En la matière, la diététique chinoise expliquée par Jean Pélissier et adaptée à nos contrées me semble un bon guide. Le point étant que, devenu attentif à mon corps, je n’ai qu’à l’écouter pour savoir ce qui me fait du bien.



Au-delà du corps : la relation aux autres


Puisque nous sommes dans le Ciel Postérieur (énergie acquise), examinons la respiration. Les Poumons gouvernent le Qi, ils contrôlent le Qi protecteur (Wei Qi).  De façon générale, avec la vie sédentaire que nous menons, nous respirons mal. La pratique du Shiatsu vient peu à peu corriger cela, les personnes se redressent, les poitrines s’ouvrent et… l’interaction avec les autres peut changer.
C’est un paradoxe : ouvrir la poitrine nous rend moins vulnérables. C’est l’image des poumons comme les boucliers du corps : des boucliers, on met ça devant.

La pratique du shiatsu peut ainsi amener des changements de comportement, et dans les relations. 

C’est parfois étonnant. Ainsi, une cliente me confia récemment avoir arrêté de faire des achats compulsifs. Elle enchaîna dans la foulée qu’elle avait pris ses distances par rapport à un excès de travail et qu’elle avait pu exposer clairement à son mari les choses qui coincent dans son couple ! « Depuis que je viens… », c-à-d quelques mois.

C’est chacun son rythme, évidemment… Et en fonction des besoins. Prendre du temps pour soi, se centrer, se rééquilibrer, s’ouvrir… Tout cela donne une vision plus claire et peut changer la nature des relations aux autres. Si vous changez, les autres le sentent et s’adaptent.

La relation d’alliance avec le thérapeute


De même, la relation avec le thérapeute peut changer. Jean-Marc Weill appelle cela la relation d’alliance, égalitaire et non thérapeutique au sens habituel, où deux humains partagent un espace de dialogue, avec des contenus verbalisés ou non. On peut dire des choses qu’on ne pourrait pas dire dans un autre cadre. Il y a résonance des deux côtés, en liberté. Pas d’a priori et pas de jugement.

Une cliente m’a dit récemment : il y a le shiatsu, et il y a le fait qu’ici je parle de choses dont je ne peux parler avec personne d’autre.


Nous voilà déjà quelques cercles concentriques plus loin que l’épicentre de notre pouce qui fait des pressions.

Dans la lignée



Il reste à évoquer un dernier effet possible, à la fois dans la verticalité et l’horizontalité, car touchant à la lignée, représentée par l’arbre généalogique.

Le travail de nettoyage psycho-émotionnel au travers des Vaisseaux Curieux, tel qu’il peut avoir lieu à la demande lors d’une relation d’alliance, pourra également bénéficier à la lignée descendante. Je pense qu’on peut considérer également la ligne ascendante, suite à ce que nous apprend par exemple le travail systémique en Constellations Familiales.

Il y aura bien d’autres effets, autant que de personnes, autant que de besoins… Il y a les cercles concentriques que l’on voit et tout l’espace des possibles entre les cercles.


On peut décrire le processus : tout part du moment où client et praticien rapprochent leurs « champs gravitationnels » et où les mains se posent. Ensuite, le corps se rééquilibre, il retrouve sa pleine présence et sa prééminence, la respiration se remet en place, les habitudes néfastes s’estompent ou disparaissent, la relation aux autres devient différente, l’attitude face à la Vie évolue, les « casseroles » sont nettoyées, la Joie réapparaît : on devient un Soleil pour le monde. Une présence rayonnante. Sois le changement que tu veux voir dans le monde, a dit Gandhi.

Tout ceci uniquement selon ce que vous décidez pour votre vie, évidemment… mais ce monde de possibles existe bien, grâce au shiatsu.

Pas mal au départ d’une toute petite pression… ne dis-je pas à chaque fois que le shiatsu est un art merveilleux ?

Et vous, avez-vous, dans votre pratique (donner ou recevoir) constaté des effets étonnants, des changements de vie suite à un traitement ?

C’est ici l’endroit de les partager.


Dans la légèreté :

Tu commenças ta vie
tout au bord d'un ruisseau
tu vécus de ces bruits
qui courent dans les roseaux
qui montent des chemins
que filtrent les taillis
les ailes du moulin
les cloches de midi
soulignant d'un sourire
la chanson d'un oiseau
tu prenais des plaisirs
à faire des ronds dans l'eau


Friday 10 May 2019

Laissez-vous toucher par le Shiatsu





Après avoir regardé cette vidéo sur l’importance du toucher, sa facilité à mettre en œuvre et les spécificités propres au shiatsu, je vous propose, comme à l’habitude, de creuser un peu plus loin. 

Descendre dans les couches plus profondes quand on parle de toucher, voilà bien le travail de toute une vie en shiatsu.

La répétition incessante des pressions dans des conditions différentes et avec des intentions adaptées de séance en séance développe le ressenti. On peut dire que la pratique, et elle seule, offre une connaissance sensorielle « de l’intérieur » tandis que les conseils de professeurs ou de collègues offrent une connaissance (in)formelle « de l’extérieur ».

Pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer, voilà la clef. Et entrer en résonance avec les pratiquants sincères, en recherche. Alors, il peut y avoir transmission, ce qui est préférable au simple enseignement de choses à apprendre.

En laissant monter ces réflexions sur la spécificité du shiatsu et de son toucher, afin de vous les partager, il m’apparaît que ce sont des choses que je répète souvent en cabinet quand on me pose des questions. De même que quand on passe plusieurs fois sur un méridien ou un point, la « réponse » change, le fait de réfléchir régulièrement à ce que nous faisons fait évoluer sans cesse les réponses. Mais tant mieux. 

La réponse est toujours juste, en ce qu’elle reflète là où nous sommes. Il ne faut donc pas avoir peur de dire des bêtises, mais simplement dire ce qui est là, sachant qu’il n’y a pas de vérité absolue. Certaines  personnes que nous recevons sont en recherche et le shiatsu peut être un (premier) pas sur un chemin qui les ramène au plus profond d’elles-mêmes. Nous sommes en Occident. On va certes plus loin avec le ressenti, mais nous avons besoin d’explications, d’éclaircissements.

Alors, expliquons et tâchons de transmettre quelque chose en même temps.

L’importance du toucher pour soigner


A la base du shiatsu, il y a le toucher. Quand il n’y a pas de toucher, il n’y a pas de shiatsu. Nous avons évoqué longuement, dans un autre article,  l’étymologie du mot « shi atsu » : « pousser avec les doigts ». Toutefois, ce toucher s’effectue de manière particulière et il y a bien une spécificité du shiatsu par rapport à d’autres arts, disciplines, techniques.

Le shiatsu n’a évidemment pas le monopole du toucher. Les ostéopathes, les kinés, les fasciathérapeutes, les massothérapeutes sont dans cette relation à l’autre par le toucher. Jadis également, - mais malheureusement, cela devient rare -, nos médecins allopathes ne posaient pas de diagnostic sans avoir ausculté, palpé leurs patients.


Il y a cette attente, légitime, de la personne en souffrance d’être touchée. Le toucher est apaisant, il est communication et la main qui va là où cela fait mal signifie : « j’ai compris où est la douleur et j’ai le désir de l’apaiser ». D’ailleurs, spontanément, nous posons nous-mêmes la main là où se trouvent nos douleurs. Quand un client me dit avoir envie de se toucher en un endroit précis plusieurs fois par jour, je l’y encourage, car le corps sait où le toucher va faire du bien.

J’ai entendu quelque part que c’est ce qui se passe la nuit et que la position que nous prenons en dormant répond au besoin de pression sur certains organes. Ainsi, ceux qui dorment sur le côté droit pressent notamment sur le Foie, sur le côté gauche  le Pancréas ou le colon sigmoïde, sur le ventre, l’Estomac, et sur le dos, nous soutenons les Reins, etc. La position dans laquelle nous nous réveillons (inconscient) est évidemment plus révélatrice que celle où nous nous couchons (conscient). 
Si non e vero, e bene trovato…, car, comme nous le disions, le corps sait ce dont il a besoin.
En recevant régulièrement du shiatsu, nous développons cette écoute naturelle du corps et des signaux qu’il nous donne sans cesse, et nous sommes donc mieux à même de respecter ses besoins. 

Ce n’est pas qu’il faille apprendre, cela se fait tout seul. Au fur et à mesure des séances, le corps s’habitue au toucher, le reconnaît et l’accepte de plus en plus rapidement. Le corps reprend sa place centrale, le mental reprend celle qui devrait le plus souvent être la sienne, en arrière-plan du ressenti. 

Comme m’a dit hier une cliente : « je sens que des choses ont lâché ».  Parfait. Pas besoin de développer pendant des heures.

C’est de l’énergétique


Nous partageons le toucher avec bien d’autres disciplines, mais nous ne touchons pas les mêmes choses. Nous ne travaillons ni sur les muscles, ni sur le squelette, ni sur les fascias, ni sur le système lymphatique… même si, inévitablement, certains points se situent sur les os, les muscles, les articulations… Et donc, il n’y a pas de concurrence ou d’incompatibilité avec d’autres disciplines ou de contre-indications par rapport à d’autres thérapies. Quand un client se voit prescrire des séances de kiné pour un problème précis, je l’encourage à y aller, mais juste pas le même jour que son shiatsu.

Comme évoqué dans un article précédent, le shiatsu n’a pas de vocation monopolistique et nous sommes en faveur de collaborations avec d’autres thérapeutes, aussi bien les dits « officiels » que les dits « alternatifs » afin d’aider nos clients communs le mieux possible.

Le shiatsu, c’est donc de l’énergétique. Nous travaillons sur les points et les méridiens décrits par la Médecine Chinoise, nous faisons des pressions de diverses intensités et profondeurs, des connexions, selon des rythmes différents. Il n’y a pas de fluide magique, ni de capacités surnaturelles. Nous pressons et nous posons les mains. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’explication du comment ça marche, mais bien de plus en plus d’études sur les résultats nettement établis du shiatsu. Voir le recensement établi par la Fédération Européenne de Shiatsu, et il y en a bien d’autres, notamment en France. (http://www.europeanshiatsucongress.eu/science-library/)

Comme en arts martiaux, sans force


Il y a pression, mais il ne faut pas de force, ou alors de moins en moins au fur et à mesure que l’on pratique. « Beaucoup trop de force », disait à l’occasion Sensei Kawada en nous voyant travailler. 

Comme en Kyudo, où il faut arriver à bander l’arc sans force et où le lâcher de la flèche a lieu « tout seul », en shiatsu, il faut également pouvoir presser sans force ou, comme l’exprime Bernard Bouheret « effacer le pouce ». Sinon, il y a dureté, douleur, et on s’épuise. Il y a bien d’autres parallèles à tracer avec d’autres arts martiaux, comme l’aikido, ce qui n’a donc rien à voir avec de la force, mais un travail sur les énergies en présence. Comme souvent, « less is more ».  

Que l’on donne ou que l’on reçoive, il n’y a au fond qu’une seule recette pour accroître l’efficacité : pratiquer, pratiquer et encore pratiquer. La régularité est la meilleure garantie de résultats plus rapides et plus stables. On peut faire du shiatsu de temps en temps ou quand on en ressent le besoin, mais le mieux est d’installer une régularité, qui sera bien plus payante sur le long terme. Retour aux origines, perdues presque partout, y compris en Orient : la prévention.

L’arrière-plan est oriental


Les Orientaux s’occidentalisent, hélas, mais cela ne change rien aux origines de l’art que nous pratiquons qui sont, elles, bien orientales. Et donc, il serait pour le moins étrange de dénaturer notre shiatsu en tournant le dos au Japon pour n’en conserver qu’une très approximative inspiration.

Dans la vision Orientale, quand on touche, on ne touche pas qu’un corps. L’effet de ce toucher dépasse le domaine matériel, le monde des phénomènes, et pour moi, c’est une spécificité. Les Orientaux ne dissèquent en effet pas l’être humain en différentes couches, chacune étant attribuée à un spécialiste, comme nous avons tendance à le faire.
Les points correspondent à des maux bien physiques, mais ils peuvent avoir un aspect, une origine, une conséquence psychologiques, émotionnels, spirituels, …  Ils vont gérer des aspects très ponctuels, voire localisés, ou s’adressent à la circulation de l’énergie dans tout le corps. Ils prennent en compte l’intensité de la circulation de l’énergie. Ils peuvent également être saisonniers. Le nom du point sera parfois révélateur de ce qu’il traite ou de l’effet qu’il peut produire. Il appartient à un système, une vision de l’Univers et de l’Homme dans l’Univers mis au point sur quelques milliers d’années. Le livre "L'Esprit des points" de Philippe Laurent en est une magnifique et érudite illustration. 

Au moment où nous pratiquons le shiatsu, ce système cosmologique et anthropologique (l’un n’allant pas sans l’autre) est notre référence, à l’exclusion de tout autre. 

Nous sommes d’accord pour dire que le Grand Tout est indescriptible (« Le Tao qui est nommé n’est pas le Tao ») et du domaine du pur ressenti, mais dès le moment où nous tentons une compréhension, nous devons bien choisir un système. Ainsi YinYang, les 5 mouvements, Ciel-Homme-Terre, les méridiens, les différents aspects ternaires, dénaires et dodénaires … sont des éléments du système à la base du shiatsu et donc le cadre au sein duquel nous travaillons. On sait bien que tout système est une explication partielle et imparfaite, mais mélanger les systèmes amène la confusion. Nous n’excluons pas d’autres angles de compréhension pour nous-mêmes (c’est un enrichissement), mais nous ne mélangeons pas les approches en cabinet.

Si le shiatsu plonge ses racines dans l’Orient, il n’en a pas moins développé sa spécificité. Cette citation de Maître Kawada illustre bien toute la complexité et la richesse de notre art.  " Le shiatsu n'est pas une technique thérapeutique clairement définie au sens occidental. Son art ou sa pratique est d'avantage un continuum, un mélange de philosophie, d'expertise professionnelle et d'auto-guérison, d'exercices et d'étirements, de réflexions sur la vie, et un système sophistiqué de diagnostics intuitifs avec un arrière-plan spirituel implicite. […] C'est une manière de vivre, une philosophie, un remède familial efficace et un vaste système de diagnostic et de guérisons. […] En diagnostiquant et en répondant aux phénomènes disponibles à tous les niveaux et en mobilisant de ce fait le pouvoir de guérison inné du corps-esprit, le shiatsu sort de toutes les catégories de médecine contemporaine standard de l'Orient comme de l'Occident." (Yuichi Kawada)

Toucher tous les niveaux de l’Etre


Clairement donc, le toucher que nous pratiquons ne se limite pas au physiologique.

Le toucher effectué avec le Cœur met en mouvement. En Occident aussi, ne dit-on pas de quelque chose qui suscite en nous une émotion : cela me touche ?

Nous travaillons sur tous les niveaux de l’Etre, s’il fallait vraiment les distinguer. La preuve en est au cours du travail, avec des manifestations très diverses, selon la personne, le moment, le travail effectué, la sensibilité...

Il n’est pas rare que tout à coup une émotion surgisse, la personne se mette à pleurer, ressente une colère, soit prise d’un rire incontrôlé… La respiration soudain s’amplifie, s’approfondit. Il y a sensation de froid ou de chaud. Il y a des fourmillements dans le corps. Des sensations apparaissent le long du méridien traité, ou dans d’autres endroits du corps, sans lien apparent. Les pensées s’apaisent, la personne entre dans un état semblable à la méditation. Parfois s’endort. Il y a vision de couleurs, ou d’images mentales. Un sourire apparaît soudain là où il y avait crispation. Des tremblements ou des vibrations surgissent. Ou encore, la personne peut ne ressentir « rien de spécial » en partant, mais les réactions se déclenchent plus tard, ou le lendemain. Et parfois, il y a le fameux effet « Menken », où on se sent plus mal parce que des choses doivent absolument s’évacuer avant de se sentir mieux. 

Et pourtant, si une caméra était en train de filmer, elle n’enregistrerait que le praticien en train de faire des pressions. Il n’y a ni thérapie émotionnelle, ni séance de psychanalyse, rien d’autre que du shiatsu, c.-à d. : « presser avec les doigts ».

Chaque fois, l’inattendu me ravit.



Les pressions sur le corps travaillent donc sur ce que j’appelle « d’autres niveaux de l’être », psychologiques, émotionnels, spirituels… Est-ce systématique ? Non, uniquement s’il y a un besoin. Equilibrer le corps se passe au sens large. Et nous sommes larges, bien plus larges que les limites de notre corps physiologique. Nos cellules contiennent de l’information du niveau le plus concret au plus subtil.

A certains moments, le toucher se fait plus large, comme « impalpable » ou « effacé », mais en fait non. Que ce soit le shiatsu fluidique développé par Bernard Bouheret, où les mains se posent à peine après avoir bien « baratté » le corps, ou que l’on descende dans le corps de souffle avec une pression « en sablier »… Ou encore que l’on expérimente le Seiki, développé par Kishi Sensei, où la main se pose simplement - « faire sans faire, toucher sans toucher » - et où les corps entrent en résonance… 

Nous entrons là dans des dimensions à explorer à l’infini et impossibles à formuler, mais qui partent bien du toucher. Une clef de compréhension ? Souvenons-nous que microcosme = macrocosme, simplement.

Et relisons, à la lumière de ce qui précède, la célèbre phrase de Tokujiro Namikoshi : shiatsu no kokoro wa – le cœur du shiatsu – haha no gokoro – est (comme ?) le cœur d’une mère – oseba : si on pousse – inochi no izumi waku on fait jaillir les sources de la vie.

Traduction approximative, d’ailleurs, car « kokoro », pour un Japonais, est un concept bien plus large que l’idée que nous nous faisons du coeur et « inochi » est un des mots pour dire la vie, mais pourquoi celui-là ? Un autre article, un jour…

Par contre, « oseba », si on pousse, ne laisse aucun doute : c’est bien clair qu’il faut le toucher, le fameux premier pas sur le chemin de cent lieues.

Le corps et au-delà


Et allons d’ailleurs un pas plus loin. La pression dépasse de loin les limites du corps et va aller influencer l’environnement. Maître Ohashi a parlé un jour de l’environnement de la personne comme facteur venant enrichir le diagnostic. Je suis sûr qu’inversement, le shiatsu pratiqué sur quelqu’un peut modifier des situations compliquées, des relations difficiles, voire le cours d’une vie qu’on pourrait penser subir.

Car quand l’énergie de quelqu’un change, les interactions avec le monde extérieur changent également. On dit : soyez le changement que vous voulez voir arriver dans le monde. Changez, et le monde autour de vous changera.

Nous sommes également le fruit de nos interactions avec d’autres, nous appartenons à des systèmes que nous influençons et qui viennent nous influencer et on sait bien que notre façon d’être, nos pensées, nos émotions influencent la réponse de l’environnement proche et lointain. Jung avait déjà fort bien décrit le mécanisme des projections : ce que nous projetons de nous-mêmes sur l’autre revient à son tour nous influencer.

Profondément ressourçant et recentrant, le shiatsu permet des changements profonds de l’Etre et peut donc déboucher sur des changements de l’Etre considéré dans la « matrice ».

Eric Baret résume cela merveilleusement : « arrêter de prétendre » être comme ceci ou comme cela, recentrer sur l’écoute, laisser l’énergie couler librement à chaque instant.

La pyramide est sur sa base : centré et puissant dans le hara, la poitrine ouverte, la tête paisible.

Mettez les mains


Toute considération mise à part maintenant, revenons en séance. Praticien et client, nous sommes bel et bien et avant tout dans le ressenti. « Mettez les mains », disait Kawada Sensei lorsque nous avions envie de poser mille questions sur ce qu’il fallait faire et comment. Shikantatsu, disais-je dans un article précédent : seulement pousser.

La pression de nos doigts est notre seul outil et la seule réponse que nous ayons à toutes les questions ou les situations qui peuvent se présenter. Je suis outré d’entendre que, dans certaines disciplines ou thérapies, si on ne trouve pas la cause, on ne peut rien faire et on renvoie la personne souffrante en disant qu’on ne peut pas l’aider. 

La compréhension des causes est pour moi un « nice to have », qui n’est pas toujours indispensable ou possible. Bien entendu, il y a une réflexion, une connaissance de la technique qui va décider d’une orientation du travail. Mais parfois, on ne sait pas et, d’ailleurs, fondamentalement, personne ne sait. Alors, on fait. On met les mains.


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