Wednesday 23 August 2017

Traiter tout le monde ? Tout seul ? Et n'importe quand ?


Une jeune collègue me demande mon avis cette semaine. Hola ! Serais-je tout à coup devenu senior executive  😄  ? Je vous le partage, car la question est intéressante, elle ouvre beaucoup de portes.

La voici :

Quelqu’un qui a été admis en urgence la semaine passée et a subi un pontage  veut recevoir demain un shiatsu détendant. Y a-t-il contre-indication ? Son médecin est en vacances  et ne peut pas émettre d’avis. Je ne veux pas prendre de risques… que faire ?

Réponse : pas de hâte ! Considérons d'abord le côté pratique. Comment la personne va-t-elle se coucher, après cette opération ?  Il ne faut pas d'écrasement. Et aussi : il est impossible de traiter le dos ou la poitrine, alors, pour un shiatsu relaxant ?  Mais avant tout : si vous n’êtes pas à l’aise dans le traitement, ne le faites pas. Donc, dans ce cas : il vaut mieux attendre que le médecin revienne et donne son avis sur la question.

Ceci ouvre plusieurs débats. Peut-on traiter tout le monde  à tout moment ? Quelles sont l'interaction et la relation avec d'autres thérapeutes ou avec le médecin traitant ? Et aussi : l’importance de se sentir soi-même à l’aise.

Aider tout le monde ? Oui, mais pas n’importe comment.

En shiatsu, a priori, tout qui se présente, quelle que soit la nature ou la complexité du problème, de la souffrance, peut être aidé et en retirer un bienfait. La technique est telle qu'il n'est pas possible de causer du tort en l'exerçant. Toutefois, pas n'importe comment et en n'importe quelles circonstances. Il faudra  toujours adapter la technique à la personne qui se présente (différent à chaque fois) et parfois émettre des restrictions, s'interdire certaines approches, voire postposer ou même renvoyer vers d'autres thérapeutes.

D’où l’importance de s’assurer au préalable, avec quelqu’un que l’on ne connaît pas, d’éventuels obstacles : la personne a-t-elle mal au dos ? Certaines positions (même allongée sur le dos) sont-elles difficiles pour elle ? A-t-elle été opérée de quelque chose, récemment ou il y a longtemps ?  A-t-elle mal quelque part ? Suit-elle un traitement ou une thérapie ? A-t-elle vu quelqu’un à ce sujet récemment ? Quel était le diagnostic posé par cette personne ? Histoire aussi de ne pas interférer… Quelqu’un qui a vu son ostéo cette semaine ne doit, par exemple,  pas venir faire un shiatsu en plus.

On peut par contre toujours faire quelque chose. Il arrive que des personnes viennent nous voir en désespoir de cause. Elles se sont adressées à plusieurs autres, sans succès. Ou que l’on soit recommandé : « lui va pouvoir vous aider ». Vache de pression ! Mais en fait, avec le temps, de moins en moins. Oui, on pourra toujours faire quelque chose : au moins écouter, apaiser, détendre, rééquilibrer, harmoniser, mais pas de miracles, de guérisons spectaculaires… Laissons cela aux maîtres dans l’art de la catharsis, quel que soit leur arrière-plan. Maître Kawada disait : si c’est spectaculaire, ce n’est pas du shiatsu.  Cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de résultat, immédiat et sur le long terme..
Avec le temps, j’ai  abandonné certaines contre-indications, telles que Tokujiro Namikoshi a pu les formuler au départ. Evidemment, on va éviter le shiatsu sur des membres blessés, en cas de maladies contagieuses, ou, dans le cas qui nous occupe, après une opération très récente.

Mais, en matière de cancer, par exemple, je rejoins Bernard Bouheret qui a balayé mes dernières réticences. Bien sûr que quelqu’un en chimio ou radio, ou en soins palliatifs, peut recevoir un shiatsu. Justement, il ou elle a besoin de toucher, alors que tout le monde, ou presque, le ou la regarde de loin, voire avec une certaine répugnance ou pitié voire une peur de se faire contaminer.

Non, le cancer n’est pas contagieux, mais l’agressivité – nécessaire - du traitement, et la solitude face à lui ont besoin d’être compensés.  Et bien sûr, le système immunitaire a besoin de toute l’aide possible dans des moments pareils.  En soins palliatifs ou dans d’autres domaines hospitaliers, le shiatsu fait d'ailleurs son chemin,  à la grande satisfaction des équipes médicales. En témoigne l’introduction du shiatsu, par le même Bernard Bouheret dans plusieurs hôpitaux français, ou en Belgique à Saint-Luc avec l’école de Maître Kawada.
Donc, la gravité de la maladie n’est pas un critère absolu, le timing doit cependant être bien choisi et aussi – dans certains cas - surtout de maladies graves - où les interventions se croisent, s'additionnent, se complètent – l’avis du médecin traitant est déterminant.

Travailler avec les médecins et thérapeutes

C’est un autre aspect de la question sur lequel il reste beaucoup à faire. On peut généralement regretter le manque de contacts entre les différentes spécialités.

Pourtant, généralement, la personne en quête de soulagement d'un problème ponctuel ou de mieux-être en général, consultera  en parallèle, selon le cas,  son médecin allopathe ou homéopathe,  un kiné, un psy, voire d'autres thérapeutes comme un ostéopathe, un nutritionniste,  ou encore des massothérapeutes.

Oh, j’entends bien de temps à autre un client me dire que son médecin ou autre thérapeute encourage : si cela vous fait du bien, faites seulement. C’est déjà très bien, en soi.  On pourrait aller un pas plus loin et envisager une vraie collaboration, un échange sur le cas de notre client commun. Nos métiers ne sont ni opposés ni concurrents, bien au contraire. Nous voulons tous : santé et bien-être sur tous les plans. 
Le shiatsu s’occupe de la personne en son entier, de prévention, de rééquilibrage… ce que d'autres n’ont souvent pas ou plus le temps de faire. C’est parfait pour moi que quelqu’un travaille sur l’élimination du symptôme, car si le shiatsu peut aussi s’y attacher le cas échéant, ce n’est pas l’essence de la technique. Quand quelqu’un vient avec un problème aigu, cela va, on relève le défi, mais d’un point de vue MTC ou Shiatsu, en fait, il aurait fallu venir avant le problème, pour risquer moins de l’attraper.


Donc, même si les techniques et le but des techniques sont différents, nous travaillons en fait à un objectif commun : la santé et le bien-être de notre client. Et je serais donc ravi de travailler avec d'autres praticiens, scientifiques ou énergéticiens, "conventionnels" ou "alternatifs", chez qui je pourrais prendre un avis, envoyer quelqu'un, et inversement...
Il est clair que le shiatsu peut aussi avoir du sens et de l’efficacité à un moment d'un traitement plus global ou plus ciblé, ou en préparation de celui-ci. On y arrivera, je pense. Mais ce sera d’abord le fait d’initiatives isolées, de collaborations entre humains qui s’apprécient et se respectent, avant toute collaboration institutionnelle. L’humain est ainsi fait… qu’il doit oser innover et réussir pour influencer les systèmes qu’il a lui-même mis en place et qui bloquent.

« N’ayez pas peur… »


… disait Jean-Paul II, pardon Saint Jean-Paul II. Il y a aussi une mudra qui exprime cet état d’esprit, la Abhaya Mudra  (ci-contre).

Bernard Bouheret, toujours lui, disait lors d’un récent stage : « si vous avez peur, ne faites pas de shiatsu », en réponse à la question de savoir si on risquait d’attraper « de la mauvaise énergie ».
La particularité du shiatsu – les restrictions émises ci-dessus étant bien comprises - est tout d’abord de ne pas être nocif. Si on met les doigts à côté, il ne se passera rien. 

 C’est vrai qu’au début, on est impressionné. Les gens viennent avec des questions complexes qu’on ne peut pas – et ne doit pas - résoudre nécessairement. Seul le lâcher, la bienveillance et la confiance permettent d’y aller. Et de dire : voilà, je serai 200 % là pour t’aider, mon intention, ma bienveillance, mon attention.  Masunaga lui-même semblait dire que c’était déjà le plus important : l’intention bienveillante. Ne pas se sentir bien avec quelqu'un ne donnera pas de bons résultats, et il ou elle ne reviendra pas.
De toute façon, en fin de séance, on a progressé. La personne se sent bien à la fin. On a soulagé, détendu, harmonisé, peut-être résolu une chose ou l’autre, que sais-je ? Le corps  va pouvoir reprendre la direction des opérations.
Que savons-nous tous, finalement, de ce qui se passe dans la complexité du corps, des émotions, du mental ou de l’âme ? Honnêtement ? Plus on avance, et moins on semble savoir.
On ne peut clairement pas attendre de tout savoir. Alors, faisons, dans les limites du raisonnable et dans la plus grande honnêteté. En acceptant nos limites et en disant non, parfois, si on ne le sent pas. Et sans accepter la pression que l’on peut nous mettre. Ce sera le sujet du prochain article. 

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