Monday, 26 March 2018

Shinmon Shiatsu - Le shiatsu comme art de vivre: Prendre soin de son intestin

Shinmon Shiatsu - Le shiatsu comme art de vivre: Prendre soin de son intestin: Réflexions et pratique à partir du livre de M. Takanori Naganuma   On m’a offert récemment un petit livre intitulé   « Prendre soi...

Prendre soin de son intestin

Réflexions et pratique à partir du livre de M. Takanori Naganuma

 

On m’a offert récemment un petit livre intitulé  « Prendre soin de son intestin »,  écrit par un certain Takanori Naganuma. Ce monsieur, nous dit-une courte biographie, est un écrivain scientifique qui s’attache à vulgariser les travaux de grands chercheurs japonais.
La traduction semble très bonne, car, à la lecture, on voit vraiment un Japonais vous expliquer en mots très simples et avec humour des vérités profondes, comme ils savent si bien le faire.
Sans doute ce livre n’atteindra-t-il pas le succès de Giulia Enders, avec « le charme discret de l’intestin ». Mais c’est dommage, car il offre lui aussi des réflexions fondamentales sur un organe capital du corps. En traitement shiatsu, nous parlons souvent de nourriture, de digestion…  car c’est une des bases de la Vie. Nous essayons de comprendre les mouvements de l’énergie, de nous harmoniser, de trouver les causes profondes et de prendre préventivement soin de notre santé à tous les niveaux.  C’est ainsi que, quand l’énergie circule sans obstacles,  nous pouvons nous reconnecter à la joie de vivre.
C’est donc un livre à lire et voici un recensement des constatations de M. Naganuma, auxquelles je me permettrai d’ajouter quelques commentaires, dans la ligne du shiatsu.

Nous ne mangeons plus correctement, en Asie comme ailleurs

En gros, l’auteur remet l’église au milieu du village. L’intestin n’est pas le second cerveau, mais le premier (dans l’ordre chronologique de l’évolution). Les premiers organismes vivants étaient un tube digestif, capable, non de pensée, mais de ressenti.

Et donc, même si nous nous flattons d’avoir un cerveau, les constituants anciens, de base, de notre organisme sont toujours bien là. Et par conséquent, ce que nous mangeons, et comment nous éliminons, va déterminer notre santé, bien sûr, mais aussi  notre ressenti, notre façon de penser et même notre conception du monde et des relations avec les autres. Manger nourrit les cellules. Le cerveau  est composé de cellules.
Le problème, c’est que nous ne mangeons plus correctement, car nous nous sommes mis à transformer la  nourriture et donc, à appauvrir ses qualités nutritionnelles.

M. Naganuma prend l’exemple de Musashi Myamoto, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Yeyasu… Le premier un grand s
amouraï qui n’a jamais perdu aucun combat. Les autres, des dirigeants politiques dont on nous dit qu’ils avaient une force surhumaine. Tokugawa, par exemple,  a fondé le shogunat, qui allait  maintenir sa famille au pouvoir pendant plus de 200 ans.  Je me souviens avoir vu son mausolée, au temple Tosho Gu de Nikko, et avoir été saisi par une énergie farouche. Il reste quelque chose.
Les héros sont toujours un peu légendaires, mais si on regarde leur alimentation,  on voit qu’ils mangeaient sobrement, et, surtout, des aliments complets. Ce n’est qu’après qu’on s’est mis à raffiner le riz en riz blanc et donc, à le débarrasser de tous ses nutriments.  La mode du riz blanc a même amené au  Japon le béri-béri, mortelle carence en vitamine B1 entraînant troubles neurologiques, fatigue extrême et insuffisance cardiaque… Des milliers de personnes sont ainsi mortes au Japon au début du 20ème siècle. Ensuite, l’occupation américaine du Japon a amené la viande, le pain, le lait, le sucre… Toutes choses inconnues des estomacs japonais et dont ils n’avaient pas besoin, avec de graves conséquences sur la santé.

Saint-François Xavier, missionnaire débarquant au Japon au 16ème siècle, s’étonne de la santé des gens et du régime japonais : riz complet (ou blé), légumes abondants, fruits variés, parfois un peu de poisson. Jamais de bétail. On mesure l’ampleur du changement.
C’est important d’insister sur ces choses, car, comme dit M. Naganuma , « nous sommes ce que nous mangeons ».  Nos maux physiques et psychologiques, notre qualité d’énergie dérivent pour une bonne part de ce que nous mangeons. Modifier une alimentation qui ne nous convient pas élimine déjà pas mal de problèmes. Aussi bon que soit le traitement donné en shiatsu, il sera idéalement soutenu par un mode de vie sain, c’est-à-dire qui nous convient.  

En Occident, cela s’est passé de la même façon. D’ailleurs, à peu près à la même époque. Pour moi, il y a deux dates-charnières qui nous ont mis sur la pente descendante :
-          1750 : début du réchauffement climatique dû à l’homme, arrivage des produits des colonies (café, thé, sucre en grandes quantités), premières industries, et, sur le plan des idées, les dites « Lumières ».
-          1945 : apparition d’aliments exotiques et non-respect des saisons, élimination graduelle des paysans, destruction des écosystèmes par les remembrements et l’agrochimie, appauvrissement de la bio-diversité. Ce n’est apparemment pas terminé. Les Trente Glorieuses ne le furent que pour le capital.  Nous avons gagné la guerre, nous avons perdu la Vie.
Aujourd’hui encore, et de plus en plus, le raffinage des céréales, le pain blanc, le sucre blanc créent des ravages dans les intestins. Le traitement des aliments, en général, d’ailleurs. La Nature produit ce qui nous convient sous la meilleure forme possible, pas besoin de manipuler et de modifier les propriétés  des aliments. C’est horrifiant tout ce qu’on peut trouver comme produits conservateurs, exhausteurs, colorants… dans un seul aliment.

Nous n’avons pas connu la carence en vitamine B1, parce que nous mangeons, notamment, beaucoup de viande (contrairement aux Japonais). Mais la  viande engendre la stagnation dans les intestins, et la pourriture. Le nombre de cancers du côlon a augmenté. De plus, nous mangeons en trop grande quantité, car les aliments raffinés ne nous fournissent plus les nutriments nécessaires au quotidien. Cercle vicieux… Bref, après un repas « conventionnel », nous sommes lourds, fatigués, et nous nous précipitons sur les excitants et les sucreries, alors que nous n’avons pas éliminé les toxines du corps. La fatigue, c’est quand les cellules ne sont pas nourries correctement.

Cette attention pour les aliments complets se retrouve dans l’ancien idéogramme du KI, l’énergie vitale, le souffle de vie. Le riz, en cuisant, engendre la vapeur : c’est l’image de l’énergie vitale.  Les 4 "points" indiquent le cycle complet du grain de riz à travers les quatre saisons. L’écriture simplifiée a enlevé ces quatre points.  Coïncidence ? Sûrement pas !  C’est ce qui s’est passé. On a cessé de manger du riz complet. Du coup, le KI est affecté.
Rappelons que l’énergie acquise, dont nous avons besoin au quotidien, est fournie sur base de deux apports : une respiration correcte et une alimentation correcte.
On peut faire tous les traitements du monde, mais  mettre du carburant correct dans le moteur maximalisera évidemment les performances.
L’alimentation saine devrait être une question de santé publique, par conséquent. La frugalité, une nécessité. La base de l’alimentation ne peut plus être « de la viande et un accompagnement ».  Le raffinage et la manipulation des aliments sont une des principales causes des problèmes de santé (physiologique et psychologique) de notre époque. Donc mangeons autrement.

Ni régime, ni compléments

Hahaaa, mais voilà que j’entends s’approcher une horde de conseillers en tous genres, préconisant jeûnes et régimes, tous contradictoires.  Comment s’y retrouver ? Qui écouter ? Gardons simplement à l’esprit deux choses :

-          Ce qui me fait du bien, c’est ce qui me convient : en supprimant tel ou tel aliment, et en observant si on se sent mieux, on peut déjà voir ce qui nous convient ou pas.

-          Le bon sens et la simplicité : ne nous compliquons pas la vie. Comme en shiatsu, on pose les mains, et voilà.
Tout comme Giulia Enders, Takanori Naganuma s’intéresse aux milliards de bactéries dans nos intestins. Avec la constatation étonnante qu’il suffit d’avoir 20% de bonnes bactéries pour que les autres, neutres ou malveillantes, ne soient pas nuisibles. Donc, il ne sert à rien de tenter d’éliminer les mauvaises bactéries. Pour arriver à ces fameux 20%, il suffit de  manger des fibres, avoir une bonne hygiène de vie globale, sans trop de stress, jeûner régulièrement, et masser ses intestins. 

Pas besoin de probiotiques non plus, car l’apport est négligeable par rapport à la synthèse réalisée naturellement  par l’intestin suite à une alimentation saine. Et quant au jeûne… M. Naganuma en propose un très facile : s’abstenir de manger entre 20 heures et midi le lendemain, tout en buvant de l’eau (en quantité modérée), pour donner du repos à l’intestin. Voilà qui nous dispense des héroïques jeûnes prolongés, privations, monodiètes détox et régimes en tous genres. Régime = frustration = risque d’échec. Le mental s’arrange pour que cela ne marche pas, ou alors au prix d’affreuses souffrances psychologiques.
Mais comment savoir si nous mangeons bien ?  Il faut regarder à la sortie. Mme Yamamoto en parlait déjà. Giulia Enders détaille, même. Ni trop mous, ni trop durs, des excréments plutôt beiges, du volume d’une ou deux bananes, et sans odeur repoussante.

L'intestin, c'est aussi une question d’immunité et… d’écologie


Les intestins assurent la nutrition, mais aussi l’immunité.  Quand nos cellules sont nourries, le système immunitaire inné, par la collaboration des cellules, élimine tout de suite virus et bactéries. Un mauvais fonctionnement cellulaire paralyse ce processus, et nous devons alors produire des anticorps. Cela ne peut constituer que le plan B.
Au niveau cellulaire, M. Naganuma attire l’attention sur le rôle des mitochondries, centrales énergétiques présentes dans les cellules, et qui fournissent une énergie bien supérieure à celle fournie par le métabolisme du sucre (glycolyse), à condition de manger des végétaux et de bien respirer en mangeant calmement.  Viande et poisson ne sont plus, dès lors, que des accompagnements occasionnels d’un régime végétarien. L’énergie des mitochondries est source de longévité. A condition de les nourrir et d’y faire appel.
Autre réflexion intéressante : nous abritons dans nos intestins tout un écosystème. Il s’agit, comme au niveau macrocosmique, de ne pas le polluer. De cette façon, nous pourrons changer le monde, et faire progresser la société.  Car améliorer sa santé, c’est améliorer ses performances, et ses idées.

Ya-t-il dès lors un lien entre la façon dont nous traitons la planète et celle dont nous malmenons nos intestins ?  Microcosme = macrocosme.

Travailler avec le Hara et y redescendre sans cesse


En fait, dit M. Naganuma, notre moi se trouve… dans nos intestins, et pas dans notre cerveau. Penser, c’est le cerveau. Ressentir, c’est les intestins. Les premiers organismes vivants n’étaient qu’un long tube digestif. 
La danse de l’amibe, réalisée lors d’un stage récent avec Ohashi Sensei,  est venue renforcer ce propos. Ceux qui y étaient ne l'oublieront jamais. D’abord, l’amibe définit ses frontières, s’étend, se protège, échange des gaz avec son environnement (Poumons et Gros  Intestin).  C’est le premier mouvement. Comme par hasard, ce mouvement se répète chaque jour dans le même ordre, puisque les méridiens Poumons et Gros Intestin viennent en premier dans le cycle d’énergie.  

Cela nous amène au fameux Hara, le ventre cher aux Japonais. Beaucoup d’expressions en rapport avec les émotions incluent le mot « Hara ». Les premiers vertébrés n’avaient pas de cerveau, et pourtant avaient des émotions, un ressenti… par les intestins. Vivre, c’est manger (digérer, absorber, éliminer). Nos intestins nous font ressentir la vie. L’équilibre entre savoir, sentiment et volonté vient du traitement que nous réservons à nos intestins.
C’est ce qui explique sans doute cette grande spécificité japonaise : le diagnostic se fait sur le ventre. On est prudent, évidemment. On ne saute pas sur le ventre de quelqu’un que l’on ne connaît pas, et surtout pas une femme, pour d’évidentes raisons d’intimité.  Quelle différence avec les Chinois qui prennent le pouls au poignet ou examinent la langue ! Travailler sur le hara, c’est mettre le naturel avant le culturellement correct. Le mouvement de la Vie avant la conception de la Vie. La façon japonaise me parle bien plus. D’ailleurs, on positionne son hara vers celui des clients, et on travaille avec lui. Pas vraiment avec la tête qui a appris la théorie.

Donc, le cerveau pense. Les intestins ressentent. Qu’est-ce qui capte ?  Où est l’intuition ? M. Naganuma la met dans le nerf coccygial, vestige de notre queue, situé exactement à l’opposé du cerveau. Et donc, Zazen, assis pendant des heures sur notre coccyx, nous fait prendre conscience de l’intuition fondamentale d’être relié à tous les êtres vivants. Il y a décidément plus de choses intéressantes « en bas » qu’ « en haut ».
A presque tous mes clients, je dis : redescendez.  Ne pas avoir la tête comme un ballon d’hélium. Ouvrir la poitrine  pour rayonner et, paradoxalement, protéger. Descendre dans le hara pour la stabilité, le ressenti et  observer les niveaux « supérieurs » sans se laisser entraîner par tout ce qui passe.  Ancrer. Ici et maintenant. Le centre de gravité, c’est en bas, pas en haut. Sinon, on bascule au moindre souffle de vent. Cela s’explique, mais mieux encore, cela se ressent et cela s’applique au quotidien.

Le shiatsu pour vivre dans son corps toute cette sagesse


Le cadre donné par le livre « Prendre soin de son intestin » est bien celui dans lequel nous travaillons chaque jour : alimentation, respiration, immunité, hara, énergie vitale, primauté du corps… J'y ai retrouvé beaucoup de choses qui se travaillent en shiatsu.
Ohashi dessine l’être humain idéal comme un tube sans obstacles. Le travail du shiatsu permet justement d’éliminer les obstacles, de rééquilibrer. Les trois principaux points de longévité ?  Ils se trouvent sur Estomac, Gros Intestin, Intestin Grêle.  Tiens, tiens, comme par hasard. Pour vivre vieux, il ne faut pas d’obstacles sur le transit digestif
Mais seul, le praticien ne peut pas y arriver. Un travail sur les points permettra de réveiller le corps, de lui rendre sa place première.  Il reste au client à changer son alimentation, son mode de vie.  Less is more. A la portée de tous. Et, en plus, cela ne coûte pas cher. Cela coûte même moins cher, au final,  que de continuer  le mode de vie actuel.
Je vois que cela fonctionne comme cela. Le toucher du shiatsu peut donner l’impulsion, le rééquilibrage, le début du changement. Je vois bien que tout changement durable vient d’abord par le toucher, pas par le raisonnement.  Avec l’épiphénomène qu’est le cerveau, on discute des heures, des années… Si on prend les choses par la base, par la cause profonde, par le toucher, par le ventre, l’alimentation, la respiration,  le mouvement, on modifie tout le reste.

Une fois que l’énergie circule bien, le corps reprend la direction des opérations. Il devient alors  impossible (car on ne se sent pas bien) de manger des choses qui ne nous conviennent pas.
Prendre soin de son intestin ? C’est certainement le cadre favorable, au sens large, au sein duquel nous travaillons tous les jours.