L'énergie... selon Erik Satie
« Personnellement, je ne suis ni bon ni mauvais.
J’oscille, puis-je dire. Aussi n’ai-je jamais fait réellement de mal à
quiconque – ni de bien, au surplus ». Erik Satie, Mémoires d’un amnésique
– Recoins de ma vie.
Erik Satie, c’est ce
musicien original, excentrique, provocateur, avant-gardiste, loin d’être
compris en son temps (début XXème) et encore moins aimé. Généralement,
ceux que leur époque rejette méritent que l’on s’y intéresse.
Or voici qu’en lisant les « Mémoires d’un amnésique », cette phrase me saute aux yeux et m’entraîne au cœur même de nos flux vitaux et de la pratique du shiatsu.
1 er mouvement :
comme les anciens Chinois, observons, et faisons des analogies
Alors, nous, en shiatsu, qui aidons les personnes à se rééquilibrer, que faisons-nous ? La recherche d’équilibre signifie-t-elle l’arrêt au centre ? S’arrêter est stagnation, et donc contre le mouvement de la Vie. S’arrêter au centre ou ailleurs n’a pas de sens, c’est une rigidité, et un déséquilibre. Par contre, se connecter à et se placer en son centre et ressentir l’amplitude de l’oscillation font sens. Si le centre n’est pas fort, on va dans les extrêmes, il y a déséquilibre. Les vieilles balances à aiguille démontrent cela aisément, il y a toujours un léger balancement entre les plateaux. L’équilibre consiste à intégrer ce mouvement perpétuel de l’énergie et à s’assurer que les plateaux de la balance ne penchent pas trop ni d’un côté ou d’un autre, car alors, le retour est plus compliqué.
Deuxième
mouvement : pratiquons l’oscillation et le centre
Et puisque nous devons toutes ces réflexions à Erik Satie,
je vous invite à écouter une de ses pièces devenues célèbres, une Gymnopédie. Un musicien joue, lui aussi, connecté à son centre immuable, attentif à son oscillation profonde, et dans le lâcher.
Or voici qu’en lisant les « Mémoires d’un amnésique », cette phrase me saute aux yeux et m’entraîne au cœur même de nos flux vitaux et de la pratique du shiatsu.
Je vous y emmène, en deux mouvements, réflexion et pratique.
1 er mouvement :
comme les anciens Chinois, observons, et faisons des analogies
« Je ne suis ni bon ni mauvais. J’oscille ». C’est,
résumé en quelques mots, ce qui se passe
avec l’énergie, dans l’univers, microcosme et macrocosme, et à tous les
niveaux, du physique au plus subtil, du visible à l’invisible.
Comprenons « bon et mauvais » non comme des
jugements de valeur, mais comme des qualités d’énergie opposées, des pôles,
comme le « positif » et le « négatif » du courant
alternatif.
L’oscillation, c’est le mouvement du pendule, du balancier
de l’horloge, qui, une fois qu’il atteint son maximum, revient au centre puis
atteint l’autre extrême, et ainsi de suite infiniment. Osciller implique un axe
dont on s’éloigne et se rapproche sans cesse, sans jamais le perdre.
Dans l'Univers, tout oscille
Ainsi en va-t-il de notre énergie qui revêt différentes
qualités. Nous oscillons entre Yin et Yang, en permanence, nous nous situons –
toujours en mouvement – quelque part avec une part changeante de Yin et de Yang :
une fois à gauche, une fois à droite, une fois en haut, une fois en bas, une
fois Yin, une fois Yang. Et donc rien n’est jamais totalement Yin ou Yang, mais
nous sommes un mélange dynamique, en perpétuel mouvement, l’un croissant et
l’autre décroissant, et le tout s’inversant.
Il faut bien voir le Tai Ji comme un gif animé, et les hexagrammes du Yi Jing comme des représentations du changement.
Il faut bien voir le Tai Ji comme un gif animé, et les hexagrammes du Yi Jing comme des représentations du changement.
Cette oscillation s’applique aussi à notre vie, à nos
perceptions, à ce qui nous arrive. Mais nous oublions volontiers que nous
oscillons, car nous avons besoin de catégories bien définies, de définitions
péremptoires, de certitudes immobiles. Toutefois, la Vie ne correspond pas à la
vision qu’aime en avoir notre perception imparfaite et notre besoin viscéral de
nous en détacher pour mieux la juger et la diriger.
Nous oublions donc, ou nous refusons de sentir que nous oscillons. Nous aimons à nous définir
comme blanc ou noir, bon ou mauvais, malade ou en bonne santé, heureux ou malheureux, avec d’ailleurs une
nette tendance à la négative. Erreur, car il suffit d’observer qu’il n’en est
pas ainsi. Nous oscillons, nous allons de l’un à l’autre, en permanence.
La bonne sensation de l'oscillation
Les flux vitaux sont eux-mêmes oscillation :
l’inspir-expir, la circulation sanguine, le fonctionnement du cœur, le processus
de la digestion… et puis la valse des émotions, le torrent des pensées… Tout
cela va et vient. Quand cela s’arrête, quand il y a stagnation, il y a problème
ou… mort, au final.
L’oscillation fait appel à des sensations très anciennes. Pas
de plus belle sensation que de faire la planche sur la mer et d’osciller
doucement les yeux fixés au Ciel. Et
d’ailleurs, pour calmer un enfant, ne va-t-on pas le bercer, douce oscillation
qui le ramène dans le mouvement de la Vie et lui fait oublier la douleur ou le
chagrin qui le crispent ?
L’oscillation s’avère également pour les événements humains,
au niveau individuel, d’une région, d’un pays, du monde... Une fois un extrême
atteint, nous repartons vers l’autre extrême. Les enchaînements de cause à
effet font que beaucoup de choses deviennent prévisibles… si du moins, nous
prenions le temps de regarder tout cela un peu largement.
Et last but not least... Toute la Terre oscille sur son axe, et c'est ce qui donne le rythme immuable des saisons. En tant que partie intégrante de cette Terre, nous devons bien participer quelque part à ce phénomène.
Et last but not least... Toute la Terre oscille sur son axe, et c'est ce qui donne le rythme immuable des saisons. En tant que partie intégrante de cette Terre, nous devons bien participer quelque part à ce phénomène.
En shiatsu, toujours en mouvement
Alors, nous, en shiatsu, qui aidons les personnes à se rééquilibrer, que faisons-nous ? La recherche d’équilibre signifie-t-elle l’arrêt au centre ? S’arrêter est stagnation, et donc contre le mouvement de la Vie. S’arrêter au centre ou ailleurs n’a pas de sens, c’est une rigidité, et un déséquilibre. Par contre, se connecter à et se placer en son centre et ressentir l’amplitude de l’oscillation font sens. Si le centre n’est pas fort, on va dans les extrêmes, il y a déséquilibre. Les vieilles balances à aiguille démontrent cela aisément, il y a toujours un léger balancement entre les plateaux. L’équilibre consiste à intégrer ce mouvement perpétuel de l’énergie et à s’assurer que les plateaux de la balance ne penchent pas trop ni d’un côté ou d’un autre, car alors, le retour est plus compliqué.
Il y a donc l’oscillation, le mouvement perpétuel, autour et
à partir du centre. A partir de cette compréhension, nous pouvons travailler.
Deuxième
mouvement : pratiquons l’oscillation et le centre
Pour ressentir l’oscillation autour du centre, il suffit de
s’asseoir en seiza, d’être attentifs et de ne pas retenir le mouvement.
Naturellement, vous devriez commencer à osciller de façon circulaire, autour de
l’axe CHOMAI, votre colonne centrale d’énergie. C’est très détendant. Vous
pouvez imprimer une impulsion à gauche, puis à droite, mais c’est tout.
L’oscillation, elle, vient naturellement, si on ne bloque pas. D’ailleurs,
d’autres traditions font cela : les Juifs (ils oscillent en 2D,
d’avant en arrière), les derviches tourneurs (en 3D, car circulaire)… L'oscillation qui me vient spontanément est circulaire. Pratiquez ce qui vient, et ne retenez pas.
Pour ressentir l’importance de partir du centre, tenez-vous
debout et demandez à quelqu’un de vous pousser. Si vous n’êtes pas dans votre
centre, vous allez basculer. Recommencez en vous concentrant sur votre hara et
en faisant descendre l’énergie et la respiration dans le bas ventre. Vous allez
être beaucoup plus stable et osciller, partir en arrière et revenir, pas
tomber.
Partir du centre immuable
Car pour qu’il y ait oscillation, et non déséquilibre, il faut
qu’il y ait un centre immuable et immobile, mais qui n’appartient pas au
domaine de nos activités, duquel tout surgit. Les pratiquants de méditation et
d’arts martiaux, les artistes, les personnes spirituelles et en contact avec la
nature le connaissent et le recherchent.
Masanobu Fukuoka,
pionnier japonais de l’agriculture naturelle, en parle :
« l’agriculture naturelle naît du centre immuable et immobile de
l’évolution agricole. A mesure que les hommes se séparent de la nature, ils s’éloignent
de plus en plus du centre. Dans le même temps, un effet centripète s’installe
et le désir de retourner à la nature
apparaît. Mais si les gens se content de se laisser porter par une vague de
réaction et partent vers la gauche ou vers la droite selon les circonstances,
le résultat est un simple surcroît d’activité. On dépasse, sans le voir, le
point d’origine immobile qui se trouve en dehors de la sphère de
relativité ».
Il est clair que, par notre centre, nous sommes reliés à la
nature, d’où tout provient et où tout retourne. D’où la grande force dont on
dispose quand le centre est fort et éveillé.
Appliqué au shiatsu...
Le shiatsu est un art de vivre, il nous permet de travailler ces choses fondamentales, que ce soit en thérapie ponctuelle ou à tout moment :- Installés, bien établis dans notre hara, nous oscillons avec lui, effectuant naturellement les pressions, sans bloquer, sans raidir et si possible sans force. Stephane Vien parle du hara comme d’un chat curieux qui vient voir ce qu’on fait. Le chat passe en une seconde de la détente totale à une folle activité, si nécessaire. On peut se connecter à notre oscillation propre, c’est elle qui imprimera un rythme à nos pressions : gauche/droite, avant/arrière… Le shiatsu devient comme une méditation.
- Nous voyons et sentons l’oscillation permanente de notre corps et de celui de nos clients, nous accompagnons et régularisons ces mouvements. Nous savons qu’il y a trop de Yang car trop de Yin ailleurs, et que Yang devient Yin et Yin devient Yang. Nous rendons au corps ses facultés de lever les blocages et de se remettre en mouvement.
- Nous voyons dans nos vies et la vie de nos clients ce balancement perpétuel, à tous les niveaux et en prendre conscience est très apaisant. C’est très normal. Quand on va dans un sens, on revient déjà dans l’autre. Se centrer et limiter l’amplitude de l’oscillation sans l’arrêter, voilà le travail. Sachant cela, quand quelqu’un nous dit que rien ne va, c’est que cela va changer. Mais l’expliquer ne débloquera rien, le faire ressentir, oui.
La pratique du shiatsu, au-delà du déblocage de problèmes
ponctuels, permet, de façon profonde, ce recentrage et de renouer avec
l’oscillation, la pulsation de la Vie. C’est là que le shiatsu s’avère le plus
efficace, sur le long terme, ce que la plupart des clients réguliers résument
par « je me sens bien et je ne saurais pas vous dire pourquoi ». Il
n’est, en fait, pas nécessaire de
formuler, mais il est bon, tout simplement, de se laisser aller sur la vague
(autre oscillation) de bien-être.
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